2019, bilan d’une année en demi-teinte pour une industrie du diamant qui se dirige vers un avenir plus serein

Marianne Riou

Des changements notables ont été ancrés profondément dans l’industrie du diamant au cours des 10 ans passés. L’industrie que nous voyons aujourd’hui, en ce début 2020, est en phase avec un avenir plus serein, qui se dessine petit à petit et plus précisément.

Moins atypique, le marché du diamant répond désormais aux règles économiques qui régissent de nombreux secteurs, même si le rapport entre l’offre et la demande n’est pas encore totalement équilibré. Certes, les miniers  gardent leur place stratégique et leurs positions de leader. Mais ils ont dû apprendre à ajuster toujours plus leur offre pour répondre aux besoins du marché, une révolution en soi ! La demande contribue donc désormais à déterminer l’offre…

Une année au ralenti et des prix du brut toujours élevés

2019 fut cependant une année « au ralenti », incertaine, sur fond d’instabilité économique générale. Mais, dans ce contexte difficile, petit à petit, l’industrie du diamant pose des bases solides pour un avenir plus radieux et équilibré.

Les stocks de brut très importants, en amont du marché (l’année 2017 fut une année d’extraction record, ce qui eut des conséquences sérieuses sur le marché et les stocks en 2018), et les besoins amoindris en brut comme en taillé, ont été au nombre des tendances déterminantes en 2019. Les ventes de brut de De Beers furent au plus bas en ce dernier trimestre 2019 (25% de baisse des ventes du minier sur un an), malgré une reprise certaine aux 9ème (390 millions de $US) et 10ème (425 millions de $US, le chiffre le plus élevé depuis avril) cycles de l’année, sur fond d’amélioration et de stabilité retrouvée des prix du taillé.Le minier a par ailleurs annoncé une baisse de sa production d’1 million de carats en 2020.

Selon les derniers chiffres publiés par Rapaport, après une saison des fêtes et un mois de décembre meilleurs pour le marché dans son ensemble, les prix des diamants taillés sont – enfin ! – plus stables. L’offre excédentaire de brut qui déséquilibrait le marché s’est donc quelque peu régulée au dernier trimestre. Mais, 2020 devra trouver le moyen de réguler des stocks encore importants, pour permettre à une filière intermédiaire élaguée, mais toujours sous pression, de tirer son épingle du jeu…

Le marché intermédiaire n’a effectivement pas pu se reposer sur des bénéfices notables, ceux-ci sont restés moindres. Ses acteurs ont donc limité leurs achats de brut, obligeant ainsi les miniers à s’adapter à leurs besoins. Une démarche salutaire. Néanmoins, le crédit bancaire s’est encore resserré en 2019, et la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, comme les manifestations à Hong-Kong, ont pesé sur la sérénité de notre industrie et la confiance des consommateurs et du marché.

Ajoutons à cela que les ventes mondiales de bijoux en diamants auraient baissé de 3% en $US, selon le rapport publié en décembre par Bain & Co, et voilà qui dresse un bilan mitigé de l’année 2019. Un mal pour un bien, dans un contexte d’assainissement général de l’industrie du diamant qui présente des perspectives à long terme encourageantes.

Une industrie qui s’intéresse toujours plus aux exigences du consommateur

Quelles autre news ? Jean-Marc Lieberherr a démissionné de la tête de la DPA et transmis son fauteuil à David Kellie, ancien de Ralph Lauren, chargé de renforcer le dialogue avec les consommateurs. Ce changement confirme l’impact du dialogue à venir avec les consommateurs. Le marketing dans l’industrie du diamant, les publicités marquantes en joaillerie n’ont  pas suffi, pour l’instant, à gagner des parts de marché sur les autres produits de luxe et ce malgré les louables initiatives 2019, nouvelles campagnes et nouveaux produits (chez Tiffany, à la DPA, etc.) Il va sans dire que les grands miniers en ont bien conscience et entendent se saisir du dossier !

Nul ne peut évoquer 2019 sans s’arrêter sur le rachat de Tiffany par le groupe français LVMH pour 16,2 milliards de dollars, le 25 novembre dernier, après quelques mois de pourparlers. Tiffany est considérée comme une marque forte, emblématique, avec une excellente intégration verticale, mais qui a besoin d’être redynamisée. Tiffany, dont les revenus et les ventes, aux USA mais aussi en Chine notamment, ont connu un joli rebond en novembre et décembre dernier – un bon augure pour LVMH ? – attend une croissance à deux chiffres en Chine l’année prochaine et se concentrera sur les expériences clients dans ses magasins (plutôt que sur l’ouverture de nouveaux flagships), selon son CEO Alessandro Bogliolo interviewé par Bloomberg. Les revenus et résultats de ses nouveaux produits et collections lancés en septembre octobre sont par ailleurs encourageants pour l’avenir. Il faudra suivre les évolutions de Tiffany, ce rachat lui donnant les moyens de ses ambitions et pointant les grandes tendances pour le marché du luxe. LVMH (propriétaire de Chaumet et Bvlgari) est un groupe à la pointe qui entend se positionner ainsi fortement sur le marché des bijoux en diamants.

Le comportement des consommateurs a continué à évoluer en 2019. Leurs demandes sont plus précises, ils sont mieux informés. Et à l’heure où les générations Y, Z et même X sont celles dont le pouvoir d’achat est soit le plus important soit le plus prometteur, leurs exigences de consommateurs se font plus précises. Les entreprises engagées socialement et environnementalement gagnent toujours plus de terrain et séduisent. Elles SONT les entreprises de demain. Il n’est plus question de faire semblant ou de n’être engagé qu’à moitié, il faut pouvoir justifier de son implication, montrer « patte verte », partager, prendre soin.

Mais les consommateurs attendent aussi une histoire et un lien qui se tisse. Voilà qui explique l’essor des produits de marque (selon le dernier rapport Diamond Insight de De Beers, les bijoux de marque représentent deux cinquièmes des ventes des bijoux d’engagement aux États-Unis) et de celles dont l’identité est forte. Le vrai et l’authentique sont une des clés du discours marketing de demain.

Les diamants éthiques, qui découlent de ce qui précède, sont eux aussi une  des clés de demain. Comment définir le diamant éthique ? C’est celui qui cochera le plus possible les cases répondant aux noms de KP, RJC, De Beers’ Best Practice Principles (BPP), audit internes sur l’approvisionnement, certification, Diamond Source Initiative (pour Tiffany), or éthique, etc.

Dernier exemple en date, LVMH a souligné l’importance de la qualité de l’approvisionnement de Tiffany comme l’un de ses critères d’achats…

Les consommateurs se soucient également de faire « le bon » achat. Ils comparent, ajustent, achètent beaucoup sur le net… Même si les belles expériences en magasin ou pop-up stores(vive les ateliers, les rencontres, la personnalisation, l’information de qualité, les performances) sont et resteront déterminantes.

Quid des diamants synthétiques dans tout ça ? L’offre a considérablement augmenté en 2019 mais l’étau sur les prix s’est resserré en conséquence. Il ne faut pas se leurrer, les diamants synthétiques sont en train de conquérir leur public et leur part de marché. Ils existent et continueront d’exister. Mais ils sont toujours plus positionnés sur un marché d’entrée de gamme plutôt que sur celui du luxe et, en cela, peuvent cohabiter en bonne intelligence (une nécessité qui s’est affirmée en 2019) avec les diamants naturels, qui défendent toujours leur rareté.

En 2019, la Confédération Internationale de la Bijouterie (CIBJO) a, également, voté la création d’un comité sur les diamants synthétiques, qui déterminera les règles de ce secteur.

Le dossier de la fluorescence a aussi fait du chemin. Cette catégorie, ordinairement boudée par le marché, ne l’est pas par le consommateur ! D’ici à ce que l’industrie révise son jugement, il n’y a qu’un pas.

Les avancées technologiques et le sourcing ont continué sur leur lancée… Les unes ne vont pas sans l’autre ou plutôt « servent » l’autre. Comme la Blockchain évidemment, qui entend garantir la traçabilité des diamants et des actions sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

En 2019, le débat s’est étendu à la place de l’intelligence artificielle (IA) dans les activités de taille ou de gradation des diamants et même d’approvisionnement (grâce à l’automatisation).

Enfin, le dernier rapport Bain & Co sur le luxe soulignait l’importance croissante du luxe d’occasion. Une idée et une tendance dans l’air du temps dans le secteur des biens personnels en général, portées par des considérations financières comme éthiques. Mais, surtout, une tendance à observer et à suivre à l’avenir…

Bilan d’une décennie et focus sur la prochaine

Les articles sur la décennie passée et celle à venir insufflent un souffle positif. Sortie de l’ornière, l’industrie entrerait-elle dans une phase de renouveau ? Ou devra-t-elle serrer les dents encore un peu ? Ces dernières années, l’industrie du diamant s’est assagie mais aussi consolidée. Tous les regards sont tournés vers les ventes de bijoux en diamants des marchés américains, chinois et indiens, déterminants. La Chine et l’Inde sont désormais, pour nous, les marchés de l’avenir.

L’offre de brut va s’amenuiser dans les années à venir, ce n’est une surprise pour personne. Argyle, mine emblématique aux diamants roses et rouges d’exception fermera ses portes en 2021. Diavik et Ekati, mines importantes, fermeront aussi leurs portes dans les prochaines années. En attendant, la prospection continue, au Canada, en Russie, en Afrique. Mais cette offre en cours de restriction, combinée aux marchés en croissance que sont donc l’Inde et la Chine, devrait avoir une influence positive, à long terme, sur les prix du taillé. Une embellie tant attendue !

Pour conclure, l’importance de séduire le consommateur doit apparaître aujourd’hui comme une évidence. En proposant des collections nouvelles et attractives, personnalisables, pour chaque public, tant en entrée de gamme (qu’il pourra s’offrir sans autre motivation que se faire plaisir) que dans les secteurs du luxe et celui des bagues de fiançailles. Mais aussi en comprenant ses désirs d’engagement social et écologique. Consommer se fait désormais en prenant en compte la perspective d’un monde meilleur et l’impact que nous avons tous.L’industrie du diamant doit aborder son avenir en toute connaissance de cause…

À lire pour aller plus loin :

La prochaine décennie du diamant – Les 20 rugissantes

10-Year Rewind: The Biggest Developments of the Decade

Déroulé d’une décennie diamantaire confuse

De Beers présente sa vision d’un nouveau marché diamantaire

Source Rubel & Ménasché


Photos © Rubel & Ménasché, Forevermark, Tiffany, Lightbox, Rio Tinto, DR.