Le financement de l’industrie se réduit. En voici les conséquences

Edahn Golan

Le financement de l’industrie diamantaire a considérablement baissé ces dernières années. Généralement, l’industrie voit cela d’un mauvais œil. Mais la question est discutable. Ce qui est certain en revanche, c’est qu’à l’heure actuelle, le niveau d’endettement est à sont plus bas depuis bien plus de 10 ans.[:]

Actuellement, le financement de l’industrie équivaudrait à environ 9 milliards de dollars. D’après nos estimations, son endettement était en moyenne de 9,7 milliards de dollars en 2019 et a suivi une pente descendante tout au long de l’année. Ce montant inclut les crédits fournis par les banques et l’argent apporté par d’autres organismes financiers, comme des cabinets d’investissement et des compagnies d’assurances.

Cette trajectoire à la baisse, ayant connu quelques fluctuations, n’est toutefois pas une nouveauté. Il s’agit d’un processus de longue date, que l’on fait remonter à 2011. Et même si l’offre d’argent et de crédit est repartie à la hausse en 2014, elle s’est depuis tarie. Il faut remonter à 2004, c’est-à-dire il y a 15 ans, pour retrouver un endettement aussi bas. Voilà qui est plutôt rassurant, comme je vais le montrer.

Le financement ou l’endettement de l’industrie diamantaire ?

Savoir si l’on parle de financement ou d’endettement n’est qu’une question de sémantique, ils sont indissociables l’un de l’autre. Il est évident que le financement bancaire est le moteur de la croissance de l’industrie… de n’importe quelle industrie. La Silicon Valley n’aurait pas connu son succès retentissant ces dernières décennies sans le capital-risque, les introductions en bourse et autres sources de financement.

Pourtant, le financement peut parfois devenir une épée à double tranchant s’il est mis dans les mains de ceux qui ne s’en servent pas à bon escient. Une industrie diamantaire surendettée est vulnérable. Les bons niveaux d’achat de bijoux en diamants en 2010 ont entraîné une forte hausse de la demande de la part des détaillants chinois et indiens, dès le début 2011. Cela a provoqué une hausse des prix du taillé et s’est naturellement traduit par une augmentation des prix du brut, puisque la filière intermédiaire s’est engagée dans une frénésie d’achats, de fabrication et de vente en gros pour répondre à la demande.

À l’époque, Standard Chartered Bank avait déversé d’importantes quantités d’argent dans la filière intermédiaire. Tous les acteurs de cette section du marché semblaient faire un tabac. Mais le surplus de financement ne faisait qu’alimenter les hausses de prix. Il n’a pas été utilisé pour de la R&D, de la valeur ajoutée ou une croissance durable. Les hausses de prix ont bien entendu fabriqué une bulle et les prix du taillé ont commencé à plonger en juillet 2011. Le financement de l’industrie diamantaire a alors commencé à se resserrer. Depuis, les prix du taillé suivent une tendance baissière.

Mais le pire, c’est qu’avec des stocks importants qui perdent de leur valeur et une baisse de la demande, les fournisseurs de crédit commencent à rappeler leur argent. Cela a énormément nui à l’industrie et entraîné une série de faillites.

Un financement en hausse entraîne des pics des prix du brut

Cela a déjà été dit mais il faut le rappeler. Lorsque le financement de l’industrie augmente, les prix du brut font pareil. Lorsque le financement concerne les contrats, les prix du brut baissent. La corrélation est plutôt directe. L’injection d’argent en 2010-2011, mais aussi en 2014, a eu un effet direct sur les prix du brut.

La question n’est pas de savoir si cela arrive, mais plutôt quel est l’impact. Lorsque le financement est moins disponible et qu’il baisse, les prix du brut ne reculent pas aussi vite. Tel est le véritable prix des hausses de tarifs induites par le financement. Il est très difficile de convaincre des miniers de baisser les prix lorsque les stocks s’amoncellent et que les ventes baissent. Il est encore plus difficile de le faire lorsque l’accès au financement s’amoindrit.

Il y a ceux qui estiment que c’est impossible, et à raison : c’est un procédé idéal pour forcer des regroupements sur le marché. Les négociants en Belgique et en Israël, qui déplorent « l’avantage indu » de leurs homologues indiens et expriment un profond désir d’avoir accès au type de financement dont ils bénéficient, doivent également garder cela en tête. Souvenez-vous simplement du taux de fermeture d’entreprises en Inde et comparez-le à celui de la Belgique et d’Israël. Cela suffit à comprendre les dangers d’un meilleur accès à l’argent.

Existe-t-il une pénurie de financement dans l’industrie ?

L’idée sous-jacente est que des prix du brut en hausse exigent des prix du taillé en hausse (mais uniquement si vous voulez maintenir des marges). Et avec un recul si fort des consommateurs, injecter du crédit est-il la solution aux faibles niveaux actuels ? En théorie, si l’industrie est capable de résister à la pression, le supplément d’argent pourrait être utilisé pour du marketing. Mais qui voulons-nous tromper ? Il est impossible de résister à la pression. Un supplément de liquidités est toujours utilisé pour le financement, autrement dit pour acheter rapidement du brut.

En réalité, toute l’industrie a découvert que l’autofinancement répondait à ses besoins. Comme l’a fait remarquer un négociant avisé, le recul de l’offre de brut et la récente baisse des prix ont libéré de grandes quantités d’argent, un excès « d’économies » de 3 milliards de dollars pour l’achat de brut rien qu’en 2019.

Si l’on considère la baisse des frais généraux, liée à la réduction de fabrication, et la forte baisse du financement cette année, on pourrait presque considérer que la filière intermédiaire fait une bonne affaire.

En réalité, la baisse a offert à la filière intermédiaire une opportunité en or de mettre de l’ordre dans de nombreuses affaires, notamment d’obtenir des efficacités et de dire adieu à ceux qui n’ont pas profité de l’occasion.

À quoi ressembleront les futurs prix du brut ?

Les futurs prix du brut sont de la responsabilité des fournisseurs – fournisseurs de brut et de crédit. Si le financement reste aux niveaux actuels ou à des niveaux similaires et si les stocks continuent à se vider, une offre de brut équilibrée permettra une croissance saine de la filière intermédiaire.

Il est plus probable que les miniers rétabliront les prix et reprendront les ventes dès que possible. Les fournisseurs de crédit seront-ils tentés d’augmenter le financement de la filière intermédiaire ? Probablement. Espérons simplement qu’en cette période d’argent bon marché, ils le feront aussi prudemment que possible.

Source Edahngolan.com