Synthétiques ou naturels ? Qui décrochera la palme de la valeur ?

Rapaport

À l’occasion d’un ordre du jour chargé, la Dubai Diamond Conference a planté le décor pour sa mission principale : organiser enfin la rencontre entre producteurs de diamants synthétiques et naturels. [:]
Au cœur de l’événement, le débat entre intervenants, intitulé « Disruption du marché – l’avènement des synthétiques », s’est résumé à une question fondamentale : « Qu’est-ce qui fait la valeur d’un diamant ? »

D’un côté, représentant l’industrie des synthétiques, Amish Shah, président d’Altr Created Diamonds, a considéré que la valeur réside dans l’émotion que suscite le diamant. « Le reste est affaire de prix », a souligné le défenseur des synthétiques, qui travaille sur le branding pour vendre des bagues de fiançailles en synthétiques. Plus la technologie va évoluer et plus les coûts vont baisser, a-t-il continué. Les économies d’échelle permettront de jouer sur les tarifs, ce qui va stimuler la demande et améliorer les marges.

Le « mythe » de la rareté ne tiendra pas auprès des consommateurs car le système produit des millions de carats chaque année. Une quantité supplémentaire revient dans le système sous forme de diamants recyclés, a avancé Amish Shah. Par ailleurs, si les diamants avaient une valeur intrinsèque, cette valeur aurait augmenté d’année en année, a-t-il ajouté, une pique adressée au public, principalement constitué de négociants, fabricants et miniers de diamants naturels.

« La valeur du diamant dépend de la façon dont vous le présentez au public et lui apposez une marque, a-t-il souligné. L’origine – le lieu d’extraction ou de fabrication – ne garantit pas la valeur à elle seule. »

« Je suis en total désaccord », a répliqué Stephen Lussier, gourou du marketing chez De Beers, assis de l’autre côté de la scène, dans son costume beige traditionnel. « L’origine peut faire toute la différence car il existe une distinction sur le plan scientifique, environnemental, en termes d’impact social et dans l’attitude des consommateurs. Un diamant naturel est intrinsèquement rare et précieux », a souligné le vice-président de De Beers pour les consommateurs et les marques.

Répondant à l’argument d’Amish Shah, selon lequel les prix ont baissé, Stephen Lussier a tenu à faire la distinction entre un investissement et la valeur d’un objet précieux. « Il s’agit de déterminer la valeur d’un diamant pour le public, a-t-il expliqué. Les gens doivent le voir comme une pierre qu’ils porteront encore dans 20 ans et qui gardera sa valeur. Ce n’est pas un investissement. »

La vraie discussion, a-t-il affirmé, porte sur la proposition de valeur présentée au consommateur.

Pour y parvenir au mieux, selon lui, il faut aux gens une chose éminemment précieuse qui marque les moments précieux de leur vie. « C’est pourquoi les diamants ont tant de succès pour célébrer les grandes occasions de la vie, a-t-il fait remarquer. Ils véhiculent ce côté précieux et affichent une valeur durable. C’est ce que recherchent les gens lorsqu’ils fêtent une occasion importante. »

La valeur d’un diamant naturel grandit avec le temps car ces pierres sont difficiles à trouver et le coût de l’extraction va en augmentant, a avancé Stephen Lussier. Vous ne pouvez pas vendre un synthétique de la même façon car il est possible d’en produire autant que nous voulons. Ils n’ont pas de valeur durable ni de caractère précieux, a-t-il noté.

Selon De Beers, qui en 2018 a lancé Lightbox, sa propre marque de bijoux en synthétiques, ceux-ci créent d’autres opportunités. Étant donné leur coût déjà faible et qui continue à baisser, l’industrie peut produire des articles originaux et colorés, a indiqué Stephen Lussier. Après tout, a-t-il ajouté, il existe un grand marché pour des bijoux peu chers, n’ayant pas de valeur durable.

Pour Amish Shah, le maintien des prix est subordonné à la volonté d’acheter, que l’on obtient via le branding. De plus, le faible coût de production des synthétiques permet au marché d’atteindre des marges ayant aujourd’hui disparu du segment des diamants naturels. Ces bénéfices aideront l’industrie à créer davantage de marques qui ajouteront de la valeur, ce qui va faire naître le désir d’acheter chez les consommateurs, a-t-il développé.

La question, telle que l’a alors posée Stephen Lussier, est de savoir si ces marges sont durables, puisque les prix des synthétiques risquent de baisser. Il a prédit qu’avec le temps, les deux produits finiront par se segmenter dans des marchés différents, aboutissant à une activité de la bijouterie sans concurrence, qui ira en augmentant, a-t-il conclu.

Les participants ont convenu, à moitié en plaisantant, de se retrouver dans cinq à dix ans pour découvrir qui a raison. En attendant, alors que la bataille sur le mode de commercialisation des diamants fait rage, l’industrie des diamants naturels doit mettre en avant les caractéristiques de sa vraie valeur.

Source Rapaport