Les diamants naturels et synthétiques doivent cesser de se battre

Rob Bates

Lors d’un atelier sur les synthétiques à la récente Dubai Diamond Conference, William Shor, associé directeur de Caspian VC, l’une des sociétés soutenant Diamond Foundry, a émis une suggestion étonnante.

« Mes collègues seraient très heureux de pouvoir réaliser une commercialisation commune avec les producteurs de diamants naturels », a-t-il affirmé.

D’un côté, la suggestion de William Shor est totalement dénuée de bon sens. Son collègue, Martin Roscheisen, président-directeur général de Diamond Foundry, vient tout juste de rédiger un article de magazine accusant les miniers de « collusion dans la fixation des prix ». (Il n’apporte d’ailleurs aucune véritable preuve de cette affirmation.) Lui ne semble pas prêt pour un marketing conjoint.

D’un autre côté, la suggestion de William Shor est absolument logique. Pourquoi les deux secteurs ne pourraient-ils pas collaborer ? Aucun ne va disparaître. Tous deux ont de l’argent. Tous deux ont besoin de clients. Et actuellement, un grand nombre de sociétés vendent les deux articles, y compris, bien entendu, De Beers.

Le fait est que les deux secteurs sont intimement liés au niveau du retail, au niveau de la distribution et au niveau des opinions que se font les clients. Ils font appel aux mêmes tailleurs, aux mêmes fournisseurs, aux mêmes détaillants et aux mêmes fabricants. Lorsque qu’une partie de la chaîne est lésée, cela se répercute sur les autres. De nombreux vendeurs de synthétiques utilisent même des pierres naturelles.

Ils ont également un lien en termes de tarifs. La plupart des synthétiques sont vendus en appliquant un escompte par rapport au tarif de Rapaport pour les diamants naturels. (Ce sont d’ailleurs ces prix que décrit Martin Roscheisen.) Lorsque les prix des diamants naturels baissent, ceux des diamants synthétiques en font autant.

Ce sujet est d’actualité, depuis que la Diamond Producers Association a publié des spots, produits par Funny or Die, lesquels portent plusieurs coups aux synthétiques, les qualifiant de « diamants de micro-ondes » et de « diamants d’usine ».

La veille du jour où j’écrivais cet article, je regardais une émission spéciale sur Netflix appelée Diamonds, Explained, dans laquelle Jason Payne, responsable d’Ada Diamonds, décrivait les diamants naturels comme des « diamants de poussière ».

Ce type d’insultes infantiles est-il vraiment utile ? Comme le souligne l’émission produite par Vox, s’il n’y avait pas de marché des diamants traditionnels, il n’y aurait pas d’industrie des synthétiques. La raison pour laquelle les clients veulent acheter une bague de fiançailles en diamants, quelle qu’elle soit, tient à la réputation de la marque, celle que l’industrie des diamants naturels s’est bâtie au fil des décennies. Si tout cela est détruit, tous les segments du marché tomberont.

Il en va de même avec les prétentions écologiques. Au cours de la semaine du 2 décembre, Ryan Bonifacino, directeur du marketing de Clean Origin et Great Heights, a expliqué que les diamants synthétiques « protègent l’environnement », même si la Federal Trade Commission a explicitement déconseillé aux sociétés de synthétiques d’utiliser des termes généraux pour qualifier les avantages environnementaux, comme « écologique » et « durable ». 

Soyons précis : j’incite les sociétés à discuter et à déclarer leurs sources d’approvisionnement. Mais celui qui prononce le plus beau discours mène la danse. Or, ces sociétés doivent communiquer leurs informations de manière à véritablement informer les clients et, il faut l’espérer, faire du bien à l’industrie, et pas à la façon d’un slogan publicitaire ou pour ridiculiser la concurrence.

Cela implique de fournir des informations sur leurs producteurs et les sources de tous leurs matériaux, y compris l’or utilisé pour les sertissages, mais aussi sur le véritable impact écologique de n’importe quel produit, notamment l’utilisation d’eau et d’électricité. Les vendeurs de synthétiques ne l’ont jamais fait, même si cela leur est réclamé depuis des années. Espérons que les clients qui se préoccupent vraiment du développement durable l’exigeront aussi prochainement.

La plupart du temps, ils risquent d’être déçus. Comme le souligne Martin Roscheisen, de nombreux synthétiques, notamment dans les petites grosseurs, sont produits à l’aide d’une énergie au charbon. Ce qui signifie qu’il est possible – voire probable – que de nombreux clients achètent un produit soi-disant « écologique », qui aggrave en fait le changement climatique. La déclaration n’est pas simplement trompeuse, elle est difficile à justifier, quel que soit l’angle. Et les sociétés qui la font, sans appliquer une transparence et une traçabilité totales du produit, ouvrent la boîte de Pandore.

Le développement durable est un défi qui se présente à toute l’industrie, y compris aux secteurs des diamants synthétiques et naturels, qui utilisent tous les deux de l’or et d’autres minéraux difficiles à tracer. Voilà un autre aspect sur lequel ils vont devoir travailler ensemble, de préférence avec l’aide de vérificateurs indépendants et fiables. Dans le cas contraire, leurs prétentions et autres réfutations reviendront peser sur tout le marché.

Beaucoup dénoncent des journalistes « des deux camps » mais, dans ce cas, c’est la vérité. Les deux parties s’envoient des coups bas et il arrive que les deux déforment la vérité.

D’un côté, les tensions perdureront entre les secteurs des diamants naturels et synthétiques – ou, si vous préférez, entre les marchandises « de poussière » et « d’usine ». J’ai compris : ils sont en concurrence. Mais s’attaquer l’un l’autre n’est absolument pas la façon de procéder.

Et même si ces arguments pourraient être une source d’articles édifiants pour les médias, ils donnent une image terrible du marché. L’industrie n’est pas seulement en concurrence avec elle-même pour obtenir l’argent des consommateurs, elle est également en concurrence avec d’autres biens de consommation. Et elle est plus que jamais scrutée au microscope. Nous devons nous efforcer d’atteindre de véritables hauteurs, et non de plonger vers les profondeurs.

Comment pouvons-nous changer cela ? Détaillants et fabricants doivent parler haut et fort. Les sociétés qui vendent des diamants naturels et synthétiques doivent annoncer à leurs fournisseurs qu’elles ne traiteront pas avec ceux qui publient des déclarations pouvant nuire à la valeur d’une grande partie de leur stock. Dans le cas contraire, elles financeraient une activité qui leur fera du tort à long terme. Et si leurs fournisseurs ne s’y conforment pas, elles doivent acheter ailleurs. Il existe de nombreux interlocuteurs vendant toutes sortes de diamants.

Il y a quelques temps, j’évoquais « la guerre des breloques » entre Pandora et Alex and Ani, une bataille qui semble désormais presque terminée, étant donné l’évolution que l’on a constatée dans la catégorie des breloques. J’ai émis la théorie que les sociétés ont deux opportunités de croissance : diviser le gâteau (en stimulant la part de marché) ou faire grossir le gâteau (en augmentant le marché global).

Et comme l’indiquait un article du Harvard Business Review :

Les stratégies qui consistent à diviser le gâteau n’amènent souvent que des résultats temporaires, à court terme, les sociétés ne faisant que « louer des parts de marché ». À long terme, ces vols de parts de marché trop importants, sans croissance de la catégorie, détruisent la rentabilité de l’industrie pour tous les acteurs impliqués.

Ce qui est triste, c’est que les diamants synthétiques ont la possibilité de véritablement développer le marché des diamants. Or, ils semblent plutôt le réduire. La stratégie serait valable si votre activité portait sur le court terme, comme pour un fonds de capital-risque.

Mais pour ceux d’entre nous qui prévoient de durer encore un peu, elle est à la fois folle et contre-productive et pourrait faire tomber toutes les sociétés.

Source National Jeweler