Marketing des synthétiques : un message aux multiples facettes

Rachael Taylor

Lorsqu’il s’agit de promouvoir les diamants synthétiques, les sociétés se démarquent avec des biais comme la grosseur, la qualité et l’éthique.

Lorsque les diamants synthétiques ont commencé à faire parler d’eux sur le marché des bijoux de grande consommation, une grande part de la puissance marketing mise à leur service visait à mettre fin à la confusion. Sont-ils de vrais diamants ? Pourquoi coûtent-ils si cher ? Pourquoi devrais-je en acheter ? Les acheteurs se posaient des questions et la seule façon de vendre était d’y répondre clairement, de manière concise, répétitive et d’une seule voix.

Ces messages ont commencé à être entendus, stimulés par des placements de produits et des collaborations avec des célébrités bien choisies. Des stars comme Lady Gaga et Emma Watson en portaient sur les tapis rouges, tandis que l’actrice Penelope Cruz s’associait à l’Atelier Swarovski pour créer sa propre collection. Diamond Foundry, producteur de diamants synthétiques, a forcé le marché de la mode grâce à des liens avec les grands magasins créateurs de tendances Dover Street Market et la marque Balmain, ainsi que par la co-création de collections avec des designers de bijoux tendance.

Malgré le récent mûrissement du marché, qui n’en est toujours qu’à ses débuts, l’information reste au cœur de nombreux plans marketing. « L’évolution de notre message adressé aux consommateurs au cours de l’année dernière à propos de la catégorie des diamants artificiels est entraînée par la vitesse inédite à laquelle ils sont acceptés, affirme Amish Shah, directeur exécutif de la marque de diamants synthétiques new-yorkaise ALTR. Toutefois, le changement dans notre narration et notre message n’a pas été significatif : nous ne « commercialisons » pas, nous informons et nous donnons le pouvoir au consommateur afin qu’il fasse ses propres choix. »

Diversifier leur attrait

Même si toutes les campagnes des sociétés de diamants synthétiques reposent généralement sur les mêmes piliers – le prix et l’éthique étant les premiers fondements –, les marques individuelles commencent à diverger au niveau des détails. Cela est peut-être dû, en partie, à la difficulté constante de prévoir les futurs prix, ainsi qu’au difficile contrecoup ressenti après les premières prétentions éthiques du secteur. L’année dernière, un rapport, étayé par des informations indépendantes du groupe de recherches TruCost – engagé par la Diamond Producers Association (DPA) – prétendait que les diamants naturels produisaient 160 kg de dioxyde de carbone par carat taillé, contre 511 kg pour un diamant synthétique équivalent.

Face aux contrôles croissants, la stratégie de Diamond Foundry reste axée sur l’éthique mais la société a dû fournir de gros efforts pour soutenir ses prétentions adressées à la génération Y.Elle a investi dans des installations alimentées par des énergies renouvelables dans le Pacifique Ouest afin de réduire son impact. Elle compense également ses émissions de carbone inévitables, par exemple pour le transport de ses marchandises et de son personnel. Ces efforts lui ont valu un certificat de neutralité carbone de l’organisation sentinelle indépendante CarbonNeutral.

« L’impact environnemental restera un axe de travail pour nous, explique Ye-Hui Goldenson, directeur des relations publiques et de la communication de Diamond Foundry. Nous ne nous contentons pas de réaliser des déclarations, nous les faisons certifier par des tiers. Il nous semble que les consommateurs d’aujourd’hui sont plus informés et plus sélectifs que jamais et qu’ils réalisent des achats plus réfléchis et plus impactants. »

D’autres, avertis des pièges, évitent totalement ce genre de narration. « Nous ne sommes jamais entrés dans ce type de controverses, explique Dror Yehuda, président de Yehuda, une société spécialisée dans les diamants naturels et synthétiques améliorés par la science. Lorsque vous réalisez certaines prétentions, mieux vaut disposer des recherches pour les soutenir. »

Au lieu de cela, Dror Yehuda se limite à un message simple qui vaut pour tous ses diamants : plus ils sont gros, mieux c’est. « Nous continuons à insister sur ce point : vous avez la possibilité d’acheter un plus gros diamant grâce à notre technologie Clarity Enhanced Diamond ; de la même façon, vous pouvez maintenant acheter un plus gros diamant en optant pour des synthétiques. »

Chez Diamond Foundry, et pour sa marque de bijoux de grande consommation, baptisée Vrai, l’accent est également mis sur les pierres de grosseur supérieure. Le laboratoire américain propose des diamants synthétiques de 5 carats et plus. « Les consommateurs connaissent maintenant les diamants synthétiques. La communication, qui consistait auparavant à informer, offre maintenant diverses options supplémentaires parmi lesquelles choisir, explique Mona Sadat Akhavi, directrice exécutive de Vrai. Ils se sentent à même d’acheter de plus grosses pierres et comprennent qu’il s’agit d’un investissement. »

Chez ALTR, l’offre ne cible pas nécessairement la grosseur, elle concerne aussi la qualité. Le fournisseur, totalement intégré, a lancé ce qu’il appelle « le diamant le plus hypnotique jamais vu », l’ALTR X. Celui-ci arbore l’une des 48 tailles brevetées de la marque, avec 10 cœurs et flèches et une réfraction lumineuse de plus de 97 %. La société prétend également disposer d’une « offre homogène » de diamants synthétiques de type IIa.

« Des résultats gênants pour De Beers »

« L’industrie dans son ensemble n’avait jamais ressenti la nécessité de créer de la valeur par le branding et le marketing », explique Amish Shah. Auparavant, il suffisait de commercialiser les diamants pour leur seule valeur intrinsèque. « Il s’agit d’une transition difficile pour des sociétés qui existent depuis longtemps dans cette industrie qui comptait sur le marketing engagé par une seule d’entre elles, depuis 100 ans. » Aujourd’hui, affirme-t-il, l’industrie reprend « de la vigueur grâce aux entrepreneurs qui créent des marques, informent et stimulent l’envie des consommateurs d’aujourd’hui. »

De Beers a peut-être pensé que le lancement de sa gamme Lightbox – limitée à des bijoux à prix raisonnable, contenant des diamants synthétiques non certifiés et vendus au prix forfaitaire de 800 dollars par carat – reléguerait les diamants synthétiques au domaine de la mode. Au lieu de cela, elle a ouvert la porte et permis à ses concurrents de s’approprier le segment du luxe en se concentrant sur l’innovation et les avancées technologiques.

« Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les résultats obtenus ont été gênants pour De Beers, explique Dror Yehuda. Ils ont donné de la crédibilité au segment. Mon hypothèse, c’est qu’ils voulaient dissuader d’autres sociétés de continuer mais qu’ils ont obtenu l’inverse. »

Une catégorie à part

Rosemarie Ryan travaille avec certains des plus grands noms du secteur, que ce soit Macy’s ou Timberland, ou encore Google et YouTube. Cofondatrice et directrice exécutive du cabinet de conseil new-yorkais « de stratégie et transformation créative » appelé co:collective, elle est experte dans l’évaluation de ce que veulent les clients et sait comment le leur délivrer.

Rosemarie Ryan a récemment eu comme client le minier De Beers. Celui-ci l’a chargée de créer une stratégie marketing pour soutenir le lancement de Lightbox, sa marque de diamants synthétiques. De par sa vision nouvelle, qui n’était pas biaisée par un attachement professionnel ou personnel aux diamants naturels, elle maintient que l’industrie de la bijouterie devrait cesser de comparer diamants naturels et artificiels et considérer les diamants synthétiques comme une catégorie totalement nouvelle.

« Je ne pense pas qu’il soit utile de comparer si vous voulez développer une catégorie, explique-t-elle. Cela vous freine et sème la confusion dans l’esprit des gens. »

Rosemarie Ryan considère que cette catégorie pourrait gagner en importance. « Les diamants sont rares – et par conséquent, bien plus chers – mais les diamants synthétiques sont plus accessibles en termes de prix et ils sont beaux, explique-t-elle. Les clients ont ainsi accès à une catégorie qui n’était pas à leur portée jusque-là et qui leur permet de penser aux diamants d’une façon nouvelle. Ce ne sera pas forcément le cadeau de quelqu’un qui s’agenouille devant vous. Les diamants synthétiques sont plus informels et ludiques. »

Les incertitudes en matière de prix restent l’une des questions qui pèsent sur les prévisions relatives aux diamants synthétiques. Les défenseurs des diamants naturels martèlent l’idée que « ce qui est vrai est rare ». Pourtant, Rosemarie Ryan considère que, même si les prix baissent et que les diamants synthétiques deviennent plus abondants, cela ne nuira pas à leur éclat. En fait, cela pourrait même élargir leur utilisation. « Si vous regardez d’autres biens de luxe, ils ne se définissent pas toujours par leur rareté mais plutôt par la façon dont ils sont associés, explique-t-elle. Vous devez considérer les diamants synthétiques comme un sac à main de luxe ou un manteau très cher. Ils ont la possibilité de sortir du monde des bijoux et de s’appliquer à l’habillement et aux accessoires. »

Il semblerait en effet que cette théorie ait déjà trouvé des adeptes. Drake, le chanteur pop, par exemple, porte une veste de sport Garrison Bespoke ornée d’un logo de chouette OVO Raptors fabriqué en diamants synthétiques.

« Vous pouvez prendre plus de liberté avec des diamants de laboratoire en raison de leur prix, contrairement aux diamants naturels », explique Rosemarie Ryan.

Source Rapaport


Photo © ALTR, Diamond Foundry.