Pour beaucoup, le salon de Las Vegas de cette semaine a eu des effets positifs, malgré une certaine morosité sur le marché des diamants. [:] Les joailliers américains ont pris confiance, constatant l’amélioration de la situation économique. Cela a suffi à ranimer l’humeur ambiante. La Chine se trouve à un carrefour économique, l’Inde protège sa monnaie volatile… un marché américain mature assure donc actuellement le meilleur environnement pour vendre bijoux et diamants.
Selon les estimations de la De Beers, les États-Unis représentent aujourd’hui environ 37 % de la demande mondiale de bijoux en diamants, contre 5 % à 6 % environ en 2012. Les prévisions pour 2013 sont optimistes. L’amélioration des chiffres de l’emploi, des marchés de l’immobilier et des marchés boursiers ont redonné confiance aux ménages. Les bons résultats du premier trimestre pour des sociétés cotées en bourse comme Tiffany & Co., Signet Jewelers et Zale Corporation ont été publiés juste à temps pour stimuler les professionnels avant le salon.
Or, même si le marché de détail a paru positif à Las Vegas, il n’a pas encore déteint sur l’industrie. Les échanges au salon ont été relativement laborieux, à l’initiative des négociants, plutôt que des acheteurs de gros ou de détail. Il ne faudrait toutefois pas y voir un indicateur précis de réussite ou d’échec. Pour de nombreux fournisseurs de taillé, le salon a de l’intérêt car il permet de rencontrer les bonnes personnes et d’initier des opérations à suivre par la suite, plutôt que de vendre réellement sur place.
Pourtant, il apparaît clairement que les détaillants de bijoux continuent de gérer prudemment le niveau et la composition de leurs stocks.
Donald Greig, le président de Focus Business Management Institute (Focus BMI), un cabinet de conseil qui travaille pour des détaillants de bijoux, a noté que l’un des plus grands défis auxquels sont confrontés ses clients est l’immobilisation du capital dans des stocks gelés. Selon lui, jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires doit provenir d’un stock de moins de trois mois. « Passés trois mois, les risques sont grands de ne pas vendre », a-t-il observé. Il a ajouté que les joailliers devraient chercher à renouveler leurs stocks 1,5 fois par an, le roulement moyen étant d’environ 0,7 fois.
Le ralentissement du roulement a un effet évident sur les fournisseurs. Il en va de même pour les sources d’approvisionnement alternatives émergentes. Beaucoup s’approvisionnent en taillé à l’échelon local. Ils préfèrent exploiter le marché du recyclage que d’approcher les fabricants, dont l’offre de marchandises neuves est généralement plus coûteuse. Grâce à leur marché du recyclage, les États-Unis sont devenus un important fournisseur de taillé pour les acheteurs nationaux et étrangers.
Les prix ont donc été relativement stables lors du salon. Les acheteurs sont parvenus à résister aux tentatives de hausses de prix. En réalité, les prix étaient à peu près acceptables. Les fournisseurs qui étaient prêts à certains compromis ont réalisé de meilleures ventes.
Quant aux grossistes, le salon leur a été plus profitable, notamment pour ceux qui vendaient à des détaillants indépendants, de moyen à haut de gamme. Fred Makhlouf, le PDG d’Eli Jewels, un grossiste de bijoux, a précisé que les ventes ont augmenté à la fois dans les gammes mode et bridal. Selon lui, le bridal a constitué un élément prépondérant de l’industrie ces dernières années. Pourtant, il est possible que les détaillants disposent maintenant d’excédents de stock en bridal et se tournent davantage vers des bijoux de mode.
Or, le bridal demeure le secteur le plus logique pour l’industrie. Donald Greig affirme aux joailliers que 30 % de leur chiffre d’affaires moyen devraient être issus de la vente de bagues de fiançailles ou d’alliances.
« Si un professionnel retire 20 % de son activité du bridal, nous savons que le chiffre d’affaires du magasin peut progresser de 10 %, simplement en faisant du bridal, a-t-il expliqué. Si c’est plus, leurs autres services en pâtissent. »
Selon Donald Greig, environ 62 % des ventes d’un magasin doivent porter sur des bijoux en diamants. Sur ce chiffre, 30 % iront aux bagues de bridal, 7 % aux bagues d’anniversaire, 5 % aux bracelets en diamants, 10 % aux pendentifs en diamants et 10 % aux boucles d’oreilles en diamants.
Le prix moyen d’une bague en diamants doit être compris entre 4 000 $ et 6 000 $. Bizarrement, ajoute-t-il, ce prix a augmenté ces dernières années.
Bill Boyadjian, le président de Bill Boyadjian and Associates, un consultant de l’industrie, associé à Focus BMI, le cabinet de Donald Greig, explique une chose : il répète à l’envi aux joailliers de ne pas céder à la tentation de proposer des réductions pour s’aligner sur les prix observés en ligne. Le but n’est pas la vente en soi.
« Un client peut aller sur Blue Nile, s’informer, puis profiter de ces connaissances limitées pour tenter de négocier un prix chez le joaillier, a expliqué Bill Boyadjian. Inquiet, le joaillier craint de rater la vente s’il n’accorde pas une remise. Mais il perd de toute façon de l’argent en vendant à ce prix-là. »
Certes, les joailliers insistent sur le fait que la concurrence en ligne les empêche de faire des marges. Pourtant, Bill Boyadjian et Donald Greig affirment qu’ils peuvent maintenir de fortes marges en misant sur le service.
Désormais, les détaillants cherchent eux aussi à s’associer à des fournisseurs qui leur apporteront le meilleur service. Ces derniers ont fini par reconnaître que le prix ne fait pas tout en matière de relations avec les clients de détail.
Les vendeurs des salons de Las Vegas, notamment ceux basés aux États-Unis, ont mis en avant le service clientèle à forte valeur ajoutée dont ils se targuent, et parfois plus que leurs réalisations ou leurs diamants. « Notre part de marché progresse parce que nous avons su communiquer sur notre valeur ajoutée et nous lier à des détaillants qui l’apprécient, a déclaré Louis Price, PDG de M. Geller, un grossiste de taillé. Nous vendons des pierres et nous construisons des relations et des programmes. Si nos clients vendent plus de diamants, nous vendons nous aussi plus de diamants. »
Pour beaucoup d’entre eux, l’idée est aussi d’étendre la présence de leurs marques dans les magasins. Un grossiste, qui a demandé à rester anonyme, a déclaré que les entreprises dirigées par une marque, y compris les fournisseurs de marques tierces, tirent leur épingle du jeu aujourd’hui : les consommateurs se tournent plus volontiers vers des produits familiers et reconnaissables.
En revanche, s’adressant aux détaillants, Donald Greig et Bill Boyadjian conseillent de se concentrer sur l’image de marque du magasin, plutôt que de multiplier les marques de diamants, « qui prennent souvent le pas sur celle de la boutique. »
La situation peut provoquer des tensions entre les différents segments des diamants et des bijoux. Dans chacun, les sociétés semblent pousser leur propre marque en avant. En effet, les sociétés minières, les fabricants, les grossistes de bijoux et les détaillants se font de plus en plus concurrence dans l’espace des images de marque. Las Vegas a été inondée de slogans et de messages marketing, en grande partie destinés au consommateur final. La constatation est encourageante pour le secteur du diamant et des bijoux. Une marque compétitive ne peut que renforcer la demande générique.
Qui plus est, l’accent qui a été mis sur les services et les marques a démontré que le marché américain est vraiment commandé par les consommateurs et reste un baromètre pour l’industrie. Las Vegas a incité à une légère hausse de l’humeur, mais a également rappelé au marché l’importance du pays dans son ensemble. Même si nous ne connaissons pas le plein essor, les États-Unis figurent comme un pilier de stabilité pour l’industrie mondiale.