Quelques réflexions sur l’éthique

Edahn Golan

Avec l’achèvement d’une nouvelle assemblée annuelle du Kimberley Process, certains de mes collègues m’ont rappelé la nécessité permanente de mettre l’accent sur l’éthique, plutôt que sur la politique. La volonté de se débarrasser de la politique est clairement affichée car ce monde apparaît louche, il souffre d’intérêts contraires et il peut surtout être contesté au plan de l’éthique.

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La politique est également vue comme un moyen peu efficace de régler les choses. Malheureusement, sans elle, les questions n’avancent pas. Dans un monde idéal, un problème serait abordé au cours d’une courte séance de réflexion, la meilleure solution possible serait adoptée et immédiatement mise en œuvre… sans aucune interférence des questions non pertinentes.

Or, nous ne vivons pas dans un monde idéal, mais il est toujours utile de vouloir améliorer l’éthique. Ainsi, appeler de ses vœux une filière du diamant qui exclue la violence et propose de meilleures conditions économiques à tous les intéressés, notamment à ceux qui souffrent de mauvaises conditions de vie, participe à l’évidence de cette démarche. Il faudrait par exemple s’assurer que les consommateurs soient conscients des réussites qui sont obtenues en matière d’éthique.

Faire toujours mieux

Il peut être utile de prendre un peu de recul pour vérifier que nous considérons bien la forêt, et non les arbres qui la cachent. Il y a quelque temps, l’industrie mondiale de la pêche a été critiquée pour une pratique qui amenait les pêcheurs à capturer tout ce qui se trouvait sur le passage des filets et à rejeter à la mer ce qui n’était pas commercialisable (qualifié par euphémisme de « prises accessoires ») ; l’opération tuait d’énormes quantités de tortues, de requins et de dauphins.

Moi-même consommateur, je n’ai aucune idée de la solution qui a pu être apportée à ce problème, mais je vérifie toujours qu’un logo de dauphin apparaît bien sur les boîtes de thon que j’achète au supermarché. En toute honnêteté, je n’ai aucune idée de ce qu’il signifie. Est-ce une preuve que seuls des thons ont été capturés dans les filets des bateaux de pêche ?

La société propriétaire de la plus grande marque de thon de grande consommation exploite-t-elle ses propres bateaux de pêche ? Achète-t-elle du thon sur le marché libre pour répondre à la demande ? Qui la contrôle et existe-t-il un système permettant de savoir si le logo du dauphin n’est utilisé que lorsque, effectivement, aucun dauphin n’a été tué ?

C’est peut-être le cynique qui se cache dans chaque journaliste qui parle en moi, mais quand je regarde une boîte de thon, je me demande toujours si ce logo du dauphin sert à quelque chose. Pourtant, j’ai toujours quelques boîtes dans mes placards…

La plupart des consommateurs, du moins en Occident, agissent probablement comme moi. Ils se trouvent face à une grande diversité d’offres (sur les rayonnages du supermarché ou dans la vitrine du joaillier) et ils se posent des questions. Leur décision sera motivée par plusieurs considérations.

Une marque connue représente un avantage et la question du prix reste importante. L’éthique, semble-t-il, n’a pas la priorité, elle vient comme un bonus renforcer la décision d’achat. Une marque connue, qui a été retenue pour l’aspect de ses produits (ou d’autres considérations en fonction des marchandises), dont le prix est juste et qui applique une éthique adaptée, aura la préférence du consommateur.

Les clients continueraient-ils d’acheter le même produit si le logo du dauphin disparaissait brusquement ? Quelle importance donnons-nous au classement d’une voiture en matière d’émissions de CO2 lors de son achat ? Quelle attention accordons-nous aux conditions d’exploitation du coltan au Congo lorsque l’on achète un smartphone ?

Nous devons tenir compte de ces problèmes et de ces sujets pour aborder la question de l’éthique et des diamants. La solution devrait profiter d’une surveillance pratique, qui identifie les problèmes et y répond en temps opportun. Elle doit tenir compte des besoins des fabricants, lesquels doivent pouvoir prendre une part active à sa mise en œuvre et y contribuer. Il doit être clairement établi que les détaillants sont informés de son fonctionnement, ils ne doivent pas se sentir désarmés face à leurs clients. Enfin, les consommateurs doivent avoir confiance dans le logo associé à la démarche, dernière étape du processus.

Tout cela est réalisable, à condition de mettre en œuvre une véritable politique.

Source Idexonline