Fin de la surveillance pour le Zimbabwe, l’Afrique du Sud prend la présidence du Kimberley Process

Ricci Dipshan

Situation inchangée pour les diamants du conflit.

La séance plénière du Kimberley Process s’est conclue aujourd’hui à Washington D.C., l’organisation mettant fin à sa surveillance sur le Zimbabwe ; elle a également accepté de créer une équipe de soutien administratif.

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Gillian Milovanovic, la présidente du Kimberley Process, qui quitte son poste à la fin de l’année pour le laisser à l’Afrique du Sud le 1er janvier, a déclaré que le Zimbabwe avait réalisé ce que l’on exigeait de lui et que l’équipe de surveillance n’avait été approuvée que pour une période spécifique.

« Le Zimbabwe a été réintégré à Kinshasa en 2011, sous le contrôle d’un régime de surveillance voté pour une période d’un an. Cette année-là, le pays a engagé des efforts significatifs (notamment de l’avis des observateurs qui s’y sont rendus à plusieurs reprises) pour achever la majeure partie des opérations attendues et, dans certains cas, a même dépassé les attentes », a expliqué Gillian Milovanovic.

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Affirmant que « le régime spécial de surveillance a été levé », Gillian Milovanovic a remarqué que le processus appliqué par le Kimberley Process dans le pays lui avait apporté « un dossier solide sur lequel s’appuyer ». Elle a ajouté que la bonne gouvernance établie cette année donnait déjà des résultats tangibles, notamment au niveau de « la volonté du pays de se conformer à des aspects comme accorder l’accès aux mines de Marange à des organisations non gouvernementales (ONG) ».

D’après elle, la conformité appliquée par le Zimbabwe a montré que « le Kimberley Process peut agir concrètement, sans imposer de sanctions, en assurant développement et assistance. »

« La signification n’a pas changé : suite à cette surveillance, le Kimberley Process a désigné les sites parfaitement conformes ; le Zimbabwe est également apte désormais à délivrer des certificats du Kimberley Process », a expliqué Gillian.

Le Partenariat Afrique Canada (PAC), un membre de la société civile, a accepté la position du Kimberley Process sur le Zimbabwe et son admission à plusieurs groupes de travail tels que le Groupe de travail sur la surveillance, le Comité sur les règles et les procédures et le Groupe de travail des experts des diamants ; il maintient toutefois des réserves sur la façon dont le pays gère les revenus issus des diamants.

« Nous acceptons l’accord sur le Zimbabwe mais sommes préoccupés par la transparence des revenus, a déclaré Alan Martin, directeur de la recherche pour le PAC. Cette fuite des capitaux est un vrai problème. »

Alan Martin a également critiqué le Kimberley Process pour l’attention limitée qu’il a portée au Zimbabwe. « Le Kimberley Process reconnaît la transparence et la bonne gouvernance mais ne parvient pas à les appliquer et cela nous inquiète. »

Il a également déclaré que le PAC était troublé par « l’obstruction exercée par plusieurs membres » du Kimberley Process, notant que « finalement, cette approche nuit plus encore au Kimberley Process et à son intérêt. »

Farai Maguwu, expert en diamants du Zimbabwe, également militant des droits de l’homme et fondateur du Centre pour la recherche et le développement basé au Zimbabwe, partage également cet avis.

« Le Kimberley Process est satisfait que toutes les questions relatives au Zimbabwe aient été prises en compte. À mon avis, il faudrait créer un lien entre le respect du Kimberley Process et la transparence des revenus, a déclaré Farai Maguwu. Le problème est totalement ignoré, mais le KP devrait s’assurer que les revenus des diamants sont bien pris en compte. Pour mettre fin aux soupçons, à la spéculation et à la méfiance qui peuvent entraîner des conflits violents s’ils ne sont pas correctement gérés, il faut concilier la production, les exportations, les ventes et les revenus. »

Un mandat limité

Gillian Milovanovic a respectueusement réfuté les critiques d’Alan Martin : « Plusieurs de ces déclarations peuvent paraître extrêmement négatives, or certaines reposent sur de simples faits : les discussions sur la transparence des revenus ne sont pas du ressort du Kimberley Process. »

Et d’ajouter : « Nous avons voulu établir que le Kimberley Process ne va pas tout faire. Ce n’est pas une organisation, c’est un processus, ses capacités sont limitées. »

Son rôle, a-t-elle expliqué, est en partie de « rassembler d’autres organisations pour coopérer sur des questions extérieures à son mandat. »

Elle a fait la remarque suivante : « Certains aspects reviennent plus particulièrement au Kimberley Process, d’autres doivent être traités par des entités différentes. Et même si la transparence des revenus est une question majeure, toute une série d’organisations travaillent sur ce problème. »

Les diamants du conflit

Gillian Milovanovic a établi que le groupe a adopté de nombreuses décisions lors de la séance plénière ; les membres ne sont toutefois pas parvenus à s’entendre sur une nouvelle définition des diamants du conflit. À propos de ce dossier inachevé, elle a expliqué : « On parle du fait que nous n’avons pas réussi », tout en ajoutant qu’elle ne considérait pas cela comme un échec.

« Nous sommes parvenus à faire bouger une organisation dont les membres n’étaient pas du tout prêts à discuter de la définition des diamants du conflit, car ils n’en voyaient pas l’intérêt ; aujourd’hui, ils sont prêts à en parler », a-t-elle rappelé.

Gillian Milovanovic a ajouté que ces travaux se poursuivront dans le cadre de la nouvelle présidence l’année prochaine. « Nous avons convenu que la discussion continuerait sous la présidence sud-africaine. Nous avons beaucoup parlé, sans pour autant parvenir au consensus. »

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Le problème, a-t-elle rappelé, était lié à la nature intrinsèquement vaste et complexe du Kimberley Process. « Nous n’avons tout simplement pas eu assez de temps pour rassembler tout le monde (80 pays et des groupes de l’industrie et de la société civile) pour trouver et négocier une nouvelle définition. »

La présidente a également rappelé qu’avec la nouvelle définition, « l’accent est mis exclusivement sur la question des conflits, et notamment ceux qui se rapportent aux diamants. Elle n’aborde pas les questions générales des droits de l’homme, les questions de transparence des revenus, la dégradation de l’environnement ou le travail des enfants. »

« Cela ne veut pas dire que les membres du Kimberley Process ne jugent pas ces problèmes importants, a-t-elle ajouté, notant que le groupe ne peut travailler qu’en respectant son mandat. Nous travaillons dans le domaine qui nous est assigné. »

L’absence d’accord sur une nouvelle définition des diamants du conflit a déçu les ONG présentes à la séance plénière. « Nous sommes désabusés par l’absence de nouvelle définition, et surtout par la réticence et l’incapacité du Kimberley Process à adopter un nouvel énoncé, a expliqué Alan Martin. Pour nous, cela signifie que le Kimberley Process n’est pas une référence en la matière. »

Alan Martin a ajouté : « À l’avenir, pour avancer sur cette question, nous rechercherons d’autres lieux d’expression tels que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). »

L’ASM

Le seul point positif de la séance plénière a été l’adoption d’un mécanisme de soutien administratif (ASM), qui sera fourni par le World Diamond Council (WDC), a expliqué Gillian Milovanovic.

Le Kimberley Process a autorisé le WDC à accueillir le nouvel ASM pendant toute une année, à compter du 1er janvier 2013, mais a également imposé des restrictions afin que ses membres ne s’engagent pas dans les travaux du comité du Kimberley Process. Une évaluation de l’ASM a été prévue pour la réunion intersession au milieu de l’année 2013 ; la nouvelle présidence a toutefois tout loisir de modifier le calendrier.

Eli Izhakoff, le président du WDC, a noté que « l’industrie défend cette idée depuis longtemps. L’ASM a finalement été approuvé et nous sommes impatients de proposer un soutien plus que nécessaire à la présidence, et surtout au nouveau président… s’il le demande. »

Dans son discours d’ouverture de la session plénière mardi, Eli Izhakoff a expliqué que l’ASM « apportera son soutien constant au Kimberley Process en matière de logistique, d’organisation et de communication. » Il a poursuivi en expliquant que la gestion de l’ASM par le WDC s’effectuerait « avec la collaboration de quatre de nos membres, qui comprennent le Gem & Jewelry Export Promotion Council of India, l’Israel Diamond Institute, l’Antwerp World Diamond Center et la Diamond House of the Government of Ghana. »

Eli Izhakoff a ajouté : « La gestion de l’ASM sera un effort de coopération international, rassemblant Est et Ouest, Nord et Sud, dans la plus pure tradition du Kimberley Process. Il faut s’y attendre, il y aura une forte composante africaine. »

Le Kimberley Process en 2013

Lorsque le Kimberley Process se réunira à nouveau en 2013, sous la présidence du conseiller à la sécurité nationale d’Afrique du Sud, Welile Nhlapo, son aspect et son ton seront bien différents de ceux qu’il avait sous Gillian Milovanovic. L’organisation a approuvé de nouveaux membres, dont le Panama, le Kazakhstan, le Cambodge et le Cameroun.

Le groupe n’a pas désigné de vice-président pour 2013, mais Gillian Milovanovic a remarqué que « la Chine a confirmé sa proposition pour occuper le poste de vice-président et notamment souhaité que son dossier soit étudié pour 2013. »

Gillian Milovanovic a également ajouté que le Kimberley Process s’est prononcé sur plusieurs questions pratiques et importantes, dont la Déclaration de Washington, qui vient compléter la Déclaration de Moscou et aborde les questions de développement et d’exploitation minière artisanale.

Welile Nhlapo a remercié l’Ambassadeur Milovanovic pour son travail sur des dossiers importants, certains problèmes ayant été résolus grâce à ses travaux, et a déclaré qu’il avait l’intention de s’appuyer sur les progrès réalisés.

Welile Nhlapo a également souligné la nécessité pour le Kimberley Process de se conformer aux limites de son mandat et de sa mission. « La poursuite de cette discussion avait notamment pour but de faire comprendre à tout le monde que le rôle du Kimberley Process est complémentaire. Nous devons bien connaître notre mission pour participer à la résolution des conflits. »

Il a ajouté : « Nous devons prendre garde à ne pas trop faire de zèle » et a abordé plus particulièrement la question de la transparence des revenus. Selon lui, la responsabilité de la paix et de la sécurité incombe au Conseil de sécurité de l’ONU. « L’ONU a, dans des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, reconnu le rôle du Kimberley Process, à savoir soutenir les efforts déployés pour résoudre ces conflits et y apporter de la valeur. »

Compte tenu de la position de l’Afrique du Sud sur de nombreuses questions sensibles au Kimberley Process, certains pensent que, sous sa présidence, l’organisation ne devrait pas parvenir à des avancées majeures en matière de droits de l’homme.

Farai Maguwu l’a affirmé: « Étant donné que l’Afrique du Sud a adopté une posture très conservatrice sur la réforme du Kimberley Process, on attendait beaucoup des États-Unis en la matière avant la transition. D’ailleurs, en 2013, ce programme de réforme pourrait bien ralentir. »

Source Rapaport

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