Pourquoi le Botswana a-t-il choisi de ne pas augmenter sa participation dans la De Beers ?

Mathew Nyaungwa

Anglo American a convenu l’an dernier de racheter la part de 40 % de la famille Oppenheimer pour 5,1 milliards de dollars en numéraire. [:]
Selon les termes de l’accord, le gouvernement du Botswana disposait d’un droit de préemption, lui permettant de faire passer sa participation dans la De Beers de 15 % à 25 %. Cependant, fin juillet, le pays a décidé de ne pas exercer ses droits, mettant fin à des mois de spéculations.

Le journal Mmegi a expliqué que, si le Botswana avait exercé son droit, la décision aurait non seulement retardé la restauration de l’équilibre budgétaire, mais également épuisé les réserves internationales du pays, sans compter une hausse de la dette publique par rapport au PIB.

Au 30 juin 2012, la dette totale de Gaborone s’élevait à 20,5 milliards BWP (2,7 milliards de dollars), tandis que la dette extérieure atteignait 14 milliards BWP (1,8 milliard de dollars), soit 68 % de la dette totale.

« Une telle acquisition aurait augmenté le rapport dette publique/ PIB, empêchant le gouvernement de lever une dette supplémentaire sur les marchés internationaux pour d’autres projets », a expliqué le gouvernement du Botswana dans un communiqué.

« Cependant, nous attendons avec impatience de pouvoir renforcer les excellentes relations que nous entretenons avec Anglo American, à la fois grâce à notre participation dans la De Beers et à travers la coentreprise Debswana, et grâce à la mise en commun des perspectives à long terme très attrayantes de la De Beers ».

Les analystes avaient également expliqué en juin dernier que le pays d’Afrique australe n’augmenterait probablement pas sa participation dans le diamantaire, ne voyant que peu de logique stratégique pour Gaborone à dépenser plus d’un milliard de dollars pour une telle opération.

« … Selon nous, [le gouvernement du Botswana] aurait peu d’intérêt stratégique à dépenser 1,26 milliard de dollars pour augmenter sa participation dans une entreprise qu’il « contrôle » déjà dans les faits », a avancé Kieran Daly, analyste chez Macquarie Research, cité par Miningmx.

Des Kilalea, analyste chez RBC Capital Markets, a également déclaré que le gouvernement du Botswana possédait déjà une participation dans Debswana et qu’il ne serait donc peut-être pas logique d’exercer ces droits.

Le Botswana et la De Beers disposaient de 50 % chacun dans la société diamantaire (Debswana), considérée comme le premier producteur mondial de pierres en valeur.

Gaborone a également perçu des taxes et des redevances versées par Debswana au Trésor public, issues de ses opérations liées aux diamants.

Le nouveau contrat de vente conclu entre le Botswana et la De Beers a également été évoqué comme motif du refus du pays d’exercer ses droits.

D’après le contrat, la Diamond Trading Company (DTC) de la De Beers déménagera ses sights et opérations commerciales de Londres à Gaborone avant la fin 2013.

L’opération englobera les professionnels, les compétences, l’équipement et la technologie.

La DTC regroupera également la production des mines de la De Beers et de ses opérations de coentreprise dans le monde entier et vendra aux sightholders internationaux.

La Diamond Trading Company Botswana (DTCB) continuera de trier et d’évaluer la production de Debswana, avant de la vendre à la DTC.

En outre, le contrat prévoyait la création d’un point de vente indépendant pour le gouvernement du Botswana.

Bien que le Botswana n’ait pas pu profiter de son attribution de 10 % sur la production minière de Debswana pour l’année 2011, ce chiffre sera maintenu et progressera même jusqu’à 15 % sur une période de cinq ans.

« Pour nous, ce levier est extrêmement important car il nous permettra de ne pas compter uniquement sur la De Beers pour le côté marketing, » a déclaré en juin dernier le ministre des Minéraux, Ponatshego Kedikilwe (maintenant vice-président du Botswana), en marge d’une conférence minière à Gaborone.

Il a déclaré que le gouvernement avait créé une société appelée Okavango Diamond Trading Company pour commercialiser ses pierres. Parallèlement, la PDG de la DTC, Varda Shine, a déclaré que la première vente aux enchères pour les sightholders au Botswana ne serait organisée à la fin de l’année qu’en guise de test pour cette entreprise d’une valeur de 6 milliards de dollars. La première vente aux enchères à grande échelle a été fixée pour le mois de janvier 2013.

« Cela devrait constituer un excellent catalyseur pour le Botswana et l’Afrique australe, bien plus important que tout ce qui est jamais arrivé en Afrique, » a-t-elle ajouté.

« L’opération entraînera un afflux massif de compétences, de technologies, de personnes et une véritable atmosphère commerciale. Certains des plus grands experts chinois, indiens, européens ou israéliens viendront dans ce pays, qui va devenir une plaque tournante extrêmement importante. »

Le Botswana y voit un grand pas vers le développement économique du pays et aucune quantité d’actions de la De Beers n’équivaudrait à ce vecteur.

Suite au refus de Gaborone, Anglo a annoncé son intention d’acquérir une part supplémentaire de 40 % dans la Beers, portant sa participation totale à 85 %.

« Le partenariat novateur conclu entre Anglo American et le gouvernement de la République du Botswana, actionnaire de la De Beers, est la preuve évidente du niveau d’engagement du Botswana envers la prospérité à long terme du premier diamantaire au monde, » a déclaré la PDG d’Anglo, Cynthia Carroll.

La transaction devait être conclue le mois prochain, voire en août ; reste à savoir comment Anglo transformera le groupe diamantaire à une époque où l’industrie est confrontée à une demande en berne de la part des marchés traditionnels et émergents.

En un mot, le Botswana a pris une sage décision en décidant de ne pas augmenter sa participation dans la De Beers ; cela aurait été à l’encontre de ses efforts pour réduire le déficit budgétaire du pays dans les 17 prochains mois.

Source Rough & Polished