Un Botswana en plein essor

Avi Krawitz

L’actualité du Botswana a cette semaine largement dépassé les frontières du pays : la De Beers a lancé ses activités d’assemblage à Gaborone et Okavango Diamond Company a fini par désigner un directeur général. Le Botswana étant tenu de fixer un certain nombre d’étapes pour établir sa plaque tournante des échanges de diamants à Gaborone, ces dernières évolutions devraient être significatives.[:]

La société publique Okavango a désigné Toby Frears, ancien responsable des opérations de tri et d’évaluation de la Diamond Trading Company Botswana (DTCB), à un poste de responsable et lui a fixé pour objectif de lancer les ventes au deuxième trimestre 2013, bien plus d’un an après les premières prévisions. Un conseil d’administration provisoire de cinq membres, présidé par Jacob Thamage, le coordinateur de la plaque tournante du diamant, a également été mis en place.

La De Beers a annoncé en grande pompe que la division d’assemblage de la Diamond Trading Company (DTC), d’une importance majeure, avait réussi à déménager de Londres à Gaborone. Dès lors, la production de toutes les mines de la De Beers au Botswana, au Canada, en Namibie et en Afrique du Sud sera envoyée à Gaborone, où elle sera mélangée et triée en différentes catégories avant d’être transférée à Londres pour distribution aux sightholders. Enfin, d’ici la fin 2013, les sights dits de Londres déménageront à Gaborone ; l’annonce de cette semaine est donc l’étape la plus décisive à ce jour pour tendre vers ce but ultime.

Selon la De Beers, le déménagement de l’assemblage est intervenu avec deux mois d’avance, bien que cela fasse maintenant trois ans que le délai initial est dépassé. Les procédures ont été retardées par des négociations difficiles et prolongées avec le gouvernement, qui ont abouti à l’accord d’approvisionnement de 10 ans de l’an dernier, et établi ces deux étapes récentes.

Aujourd’hui, ce sont environ 32 millions de carats, d’une valeur approximative de 6 milliards de dollars, qui seront traités à Gaborone chaque année. La somme n’est pas négligeable, quel que soit le point de vue. Et même si les échanges n’ont pas encore commencé dans cette ville, le Botswana a malgré tout accentué la diversification de son industrie, au-delà du secteur minier et du secteur naissant de la taille.

Les échanges ne pourront bénéficier d’un véritable coup de pouce que lorsque Okavango lancera sa première vente. Apparemment éclipsée par le déménagement de la DTC, la création d’Okavango constitue à de nombreux égards une étape plus significative, compte tenu de l’impact qu’elle aura sur l’économie du pays (complétant le déménagement de la DTC) et de sa position potentielle de nouvelle entité sur le marché mondial du commerce des diamants.

Dès son lancement, Okavango devrait venir se classer parmi les six ou sept premiers fournisseurs de brut. En 2013, quand elle commencera à vendre (et probablement à acheter son attribution à Debswana), la société aura droit à 12 % de la production de Debswana, chiffre qui augmentera de 1 % chaque année jusqu’à atteindre 15 % en 2016. Une attribution de 10 % était disponible avec effet rétroactif à partir de janvier 2011.

Dans l’hypothèse d’une production de 22,89 millions de carats en 2011 pour Debswana, Okavango aurait accès à une valeur comprise entre 2,7 millions et 3,4 millions de carats par an à compter de son lancement, chiffre qui devrait progresser parallèlement aux niveaux de production de Debswana. Les données du Kimberley Process (KP) évaluaient la production au Botswana à 170 dollars/ct en 2011, mais l’offre d’Okavango serait estimée entre 459 millions et 583 millions de dollars, dans la tranche basse. En fin de compte, le prix de vente par carat sera probablement plus élevé.

Le volume de diamants proposé par Okavango à un moment donné et les prix affichés parallèlement peuvent constituer un baromètre important pour l’industrie. Et les avantages sont évidents pour le Botswana.

Pour la première fois, les produits issus d’une partie de la production de Debswana reviendront en intégralité au gouvernement du Botswana et ne seront plus partagés avec la De Beers, son partenaire de co-entreprise dans Debswana et la DTCB. Son budget devrait profiter d’un coup de pouce bienvenu. Ce sera également l’occasion pour le pays de créer une marque efficace pour ses diamants, « purement botswanais », étant donné que le marché accueillera désormais de grandes quantités de diamants de Debswana non assemblés.

Les représentants des sightholders de la DTC et les courtiers se rendront à Gaborone quasiment tous les mois pour recevoir leurs sights, mais les ventes d’Okavango généreront également un trafic touristique et commercial supplémentaire pour la ville : les acheteurs de diamants, en supposant qu’il y ait parmi eux d’importants sightholders hors DTC, s’y rendront pour faire leurs achats auprès de la société.

Par ailleurs, les ventes apporteront au gouvernement des renseignements sur le marché, lui permettant d’exploiter une certaine influence par l’intermédiaire de sa participation minoritaire de 15 % dans la De Beers, d’autant plus que Anglo American est maintenant prêt à conclure son rachat de la participation des Oppenheimer dans la société.

Jacob Thamage a rapporté qu’Okavango se présenterait comme une entreprise ouverte et transparente, peut-être pour tenter d’atténuer les préoccupations relatives à ces questions. Tout dépend de la façon dont la société développera sa stratégie et Toby Frears aura fort à faire dans les mois à venir.

Il a fait remarquer que le conseil d’administration donnerait la priorité à l’élaboration et à la mise en œuvre du plan de lancement d’Okavango, en constituant une équipe commerciale et administrative, notamment en désignant son adjoint, puis en développant sa stratégie et son plan d’exploitation, en définissant son modèle de vente et en identifiant et en équipant des locaux appropriés pour le début des activités commerciales au deuxième trimestre 2013. Le marché attendra avec intérêt l’évolution de ces développements.

Mais d’autres questions demeurent. La DTCB doit également aplanir ses relations de fournisseur de services avec Okavango. La production de Debswana sera envoyée directement de la chaîne d’approvisionnement à la DTCB, qui attribuera ensuite les parts respectives d’Okavango et de la DTC. Paul Rowley, directeur général par intérim de la DTCB, chargé de superviser le déménagement de la DTC, a indiqué dans une interview accordée à Rapaport Magazine au début de l’année, que l’offre d’Okavango ne pouvait pas refléter les boîtes ou les assortiments de la DTC en raison des lois sur la concurrence. L’équipe de direction d’Okavango prenant maintenant forme, les deux sociétés devraient commencer à discuter des détails.

Une autre inconnue concerne les destinataires de ses ventes. Comment les acquéreurs pourront-ils se procurer un permis pour acheter des marchandises et quelle sera la durée de la procédure ou son degré de bureaucratie ? Pourront-ils échanger entre eux, permettant la création d’un marché secondaire du brut à Gaborone ? Okavango organisera-t-elle ensuite les échanges de taillé ou l’opération sera-t-elle réservée à d’autres acteurs ?

Ce ne sera pas la première fois que des ventes de brut seront organisées à Gaborone indépendamment de la De Beers. Firestone Diamonds et Lucara Diamonds y ont chacun vendu la production de leurs mines respectives l’an dernier.

Mais Okavango a fait un pas en avant et va venir renforcer la place de Gaborone dans la communauté des acheteurs de brut. Par ailleurs, le déménagement de l’assemblage de la DTC (et les déménagements en attente des sights de Londres) souligne encore plus l’ampleur mondiale de cette ville. Après des années de planification et de promesses, le Botswana a, en une semaine, touché du doigt son objectif final. Il s’agit non seulement du premier pays producteur de diamants au monde à disposer d’un secteur d’enrichissement croissant, mais il apparaît maintenant comme le premier centre de distribution de brut.

Source Rapaport