Logiciels sur-mesure au profit des diamants

Aruna Gaitonde

« De nombreux passionnés croient à l’avenir du secteur diamantaire mais très peu de sociétés ont l’idée d’investir dans la technologie… elles ont du mal à réfléchir ou à planifier pour le long terme », considère Stéphane Dujourdy, propriétaire d’une société d’e-business et créateur de logiciels pour l’industrie diamantaire.[:]

Dans un entretien avec Rough&Polished, Stéphane Dujourdy évoque les services qu’il a rendus à l’industrie et ses compétences dans le domaine de la création de logiciels.

Quand et comment êtes-vous entré dans le monde des logiciels ? Avez-vous été formé dans ce domaine en tant qu’ingénieur ou technicien ? Quand avez-vous réalisé que vous alliez en faire votre métier et y consacrer votre vie ?

stephane_dujourdyC’est en 1978, lorsque j’avais à peu près 14 ans, que j’ai commencé à utiliser des ordinateurs. J’ai eu un « flash » à l’école lorsque j’ai vu la salle informatique avec quelques-uns des premiers micro-ordinateurs (TRS80 Tandy et AppleII). À l’époque, c’était exceptionnel de voir des ordinateurs à l’école et dans des lieux publics.

Tout ce que je sais, c’est que j’ai été totalement fasciné par les ordinateurs et c’est à partir de là que j’ai entamé mon périple dans le monde de l’informatique.

Avec mon argent de poche, je me suis acheté une calculatrice TI57 et j’ai commencé à tenter de le programmer. Peu après, j’ai réalisé que je voulais travailler dans le domaine des logiciels et nulle part ailleurs. Ce n’était que le début et je n’ai plus jamais regardé en arrière.

J’ai toujours su que je finirais par être un créateur de logiciels. Non pas un programmeur ou un analyste, mais quelqu’un qui résout les problèmes en créant des logiciels « sur-mesure ». Depuis cette époque, tous mes postes dans différentes organisations ont eu pour objectif de créer des logiciels très spéciaux.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre e-business, Diamondsoftware.net ? Quels produits avez-vous créés pour l’industrie diamantaire ? Avez-vous des logiciels standard, prêts à l’emploi, ou les produits sont-ils personnalisés pour chaque entreprise diamantaire ayant besoin de logiciels complexes, adaptés à ses opérations ?

Jusqu’à présent, j’ai créé plus de 50 logiciels différents pour toutes les étapes du flux de travail des diamants, autrement dit de la mine (tri du brut) jusqu’à la gestion d’une boutique de joaillerie.

J’ai également créé des logiciels pour gérer les tenders, avec des processus et des contrôles sur les soumissionnements des clients. Ce qui est drôle, c’est que j’ai aussi créé un logiciel d’aide aux tenders pour les clients qui achètent ! J’ai également créé des logiciels pour gérer des flux financiers mondiaux très complexes, des logiciels pour gérer les stocks de brut, les stocks de taillé (pierres grosses ou petites) et le nettoyage, ainsi que des logiciels de gestion de sociétés.

Pour un client particulier, j’ai créé un logiciel d’extraction de données afin d’analyser le marché du taillé grâce aux chiffres publiés chaque semaine. Parmi mes créations, figurent également des logiciels d’usine permettant de gérer le flux de fabrication (stock, production, partie financière, etc.), ainsi que plusieurs petits logiciels pour aider les clients dans le calcul des diamants, le tri, l’estimation des prix, etc.

Quel type de solutions logicielles avez-vous créées pendant les 18 ans et plus que vous avez passés dans l’industrie diamantaire ? Celles-ci sont-elles conçues à la demande des clients ou d’après les manques que vous constatez chez eux ? Comment procédez-vous au départ avec un client lambda dans l’industrie diamantaire ?

Comme je l’ai indiqué, chaque logiciel est adapté aux besoins d’un client particulier. Mes clients m’expliquent comment ils travaillent et je transforme leur méthode de gestion en un logiciel qui les aide à mieux travailler. Mon leitmotiv est le suivant : ce n’est pas au client d’apprendre le logiciel mais c’est au logiciel à comprendre le client.

Je suis davantage un expert ou un conseiller, capable de créer les meilleurs outils logiciels pour un client, lesquels vont pouvoir lui servir pendant plusieurs années. C’est tout l’inverse d’une start-up qui propose un logiciel destiné à durer peu de temps mais qui se vend à de très nombreux exemplaires. Je conçois des logiciels qui doivent durer très longtemps. Ceux que j’ai produits en 1999 sont toujours opérationnels aujourd’hui et pourraient l’être encore pendant de nombreuses années.

Combien de clients environ avez-vous servis au cours des 18 années passées dans l’industrie diamantaire ? Et dans quels domaines avez-vous créé des logiciels en dehors de la production et du financement ? Avez-vous travaillé pour la sécurité, la conception ou dans d’autres secteurs ? Pouvez-vous nous donner une vue d’ensemble des travaux que vous avez réalisés ?

Au cours de ces 18 ans, j’ai eu 30 clients, mon but n’étant pas d’en avoir énormément. Je privilégie la qualité à la quantité. Pour créer des logiciels hauts-de-gamme, vous devez vous concentrer sur quelques projets à la fois. Dès le début, je n’ai pas cherché à obtenir de nouveaux clients. En fait, ce sont les sociétés qui me contactent et je décide si je veux travailler pour elles ou pas, selon si le projet m’intéresse et en fonction de la relation que j’ai avec les personnes. Je ne travaille que dans des conditions de respect mutuel.

Est-il difficile pour vous de créer des logiciels uniques et de grande qualité pour chaque client ? Par exemple, lorsque vous devez les personnaliser en fonction de leurs besoins ? À quels problèmes avez-vous été confronté au cours de toute votre carrière, étant donné que les caractéristiques de l’industrie diamantaire sont très particulières ?

La difficulté, comme toujours, c’est de trouver la bonne solution au problème d’un client. Jusqu’à présent, j’ai toujours fini par réussir. De plus, je ne dis jamais non à un client. Je considère que le professionnalisme, la passion, la discrétion, la confiance et l’implication sont essentiels.

Je peux procéder de la sorte parce que je me concentre uniquement sur la création du logiciel. Je ne gère ni les matériels ni les logiciels standard (Office, etc.) car il y a d’innombrables sociétés qui font ça parfaitement bien.

De quelle partie du monde proviennent la plupart de vos clients, puisque vous servez probablement des sociétés partout dans le monde en travaillant principalement sur Internet ? Y a-t-il eu des solutions particulièrement difficiles à créer ? Et comment avez-vous réussi ? Faites-nous part de vos réflexions.

Pour être précis, 90 % de mes clients se trouvent à Anvers mais ils possèdent généralement des bureaux à l’étranger (à Dubaï, New York ou en Afrique). Pour d’autres clients à l’étranger, la gestion peut se faire par Internet.

J’ai récemment rencontré des difficultés lorsque l’on m’a demandé de créer un processus de synchronisation entre trois bureaux pour un client. Pour une raison donnée, il est impossible de disposer d’un serveur central. Chaque bureau travaille donc hors connexion et nous devons synchroniser toutes les opérations au jour le jour. En raison du flux de travail spécifique de ce client avec les diamants, la situation est très complexe et nous n’avons pu utiliser aucun logiciel standard. J’ai donc créé un logiciel unique pour ce client.

Une autre situation difficile est intervenue il y a 10 ans lorsqu’un client, qui disposait d’un jet privé, a voulu avoir un écran à bord pour consulter le statut des processus de ses 4 usines et bureaux. Il y avait deux difficultés dans ce cas. Tout d’abord, il fallait créer une interface basique car le client n’était pas très bon en informatique. J’ai donc proposé une interface d’écran tactile avec des boutons très simples lui permettant de sélectionner ce qu’il voulait. Ensuite, il a fallu gérer la transmission à l’aide de la connexion satellite de l’avion.

Je crois savoir que vous avez créé le seul logiciel au monde qui gère le nettoyage des diamants, et ce pour une seule société diamantaire. Pouvez-vous nous donner le nom de cette société ? Êtes-vous disposé à créer un logiciel personnalisé du même ordre si un client en avait besoin ?

Pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas vous donner son nom. Mais si un autre client souhaite un logiciel pour le nettoyage, c’est tout à fait possible. Cette société pourrait avoir d’autres méthodes de travail et de gestion, je peux donc créer un autre logiciel en m’appuyant sur ce que je sais.

Les diamantaires croient toujours que tout le monde achète et vend des carats de la même façon. Mais d’après mon expérience, je constate que chaque société est différente et dispose de sa propre manière de travailler. Grâce aux connaissances que j’ai en matière de flux de travail dans le domaine diamantaire, je suis en mesure de les aider.

Avez-vous déjà créé des logiciels pour une société d’extraction minière de diamants ? Si oui, laquelle était-ce et en quoi est-ce différent des logiciels ordinaires destinés à la production, au financement, etc. ?

Le logiciel destiné à une société d’extraction minière de diamants (Angola) était un simple logiciel de tri et c’était il y a 10 ans. Pour moi, il n’y a pas de différence avec des sociétés diamantaires ordinaires. Mais comme je l’ai expliqué, chaque société diamantaire a son propre mode de fonctionnement.

Avez-vous créé des logiciels en aval de la filière diamantaire pour, par exemple, des grossistes et des détaillants de taillé, voire de bijoux en diamants ? Dites-nous en quoi cela est différent d’un client à l’autre, selon la taille des sociétés et des stocks ?

Non, je n’ai jamais travaillé pour des détaillants de bijoux ou de diamants, je n’ai servi que des grossistes. J’ai créé des logiciels pour des clients ayant toutes sortes de stocks, mais avec un flux de travail minimum.

Les très petites sociétés n’ont pas suffisamment de budget pour commander des logiciels « sur-mesure » et, parfois, n’en ont simplement pas besoin (un tableur Excel ou un logiciel standard peut très bien faire l’affaire). Le plus gros flux géré par un logiciel créé pour un client était de 2 millions de carats par an. Le plus petit était inférieur à 5 000 carats.

À l’heure actuelle, avez-vous une idée novatrice en tête pour un logiciel « inédit » qui pourrait servir à l’industrie diamantaire ? Si oui, quand pensez-vous le proposer à l’industrie ?

J’ai des idées relatives au tri et à la façon de travailler avec les logiciels, l’interface, etc. Mais comme je ne crée pas de logiciel standard ou prêt à l’emploi, je les réserve à un client actuel ou futur qui en aura besoin. Mes clients profitent toujours de mes nouvelles idées.

Pour finir, pensez-vous que l’industrie diamantaire soit prête à absorber les technologies les plus sophistiquées et les plus récentes plus vite que d’autres ? Pensez-vous qu’il soit possible de mieux utiliser la technologie dans l’industrie diamantaire ?

L’industrie diamantaire a beaucoup changé ces 10 dernières années et on constate une amélioration constante, comme dans toute autre industrie. De nombreux passionnés croient à l’avenir du secteur diamantaire mais très peu de sociétés ont l’idée d’investir dans la technologie, même en cas de crise. Elles ont du mal à réfléchir ou à planifier pour le long terme.

Source Rough&Polished