Les diamantaires ne veulent pas l’entendre, mais les détaillants sont sous pression

Edahn Golan

Commençons par le commencement : les détaillants américains achètent plus cher les bijoux qu’ils revendent et ne profitent pas de marges énormes. [:]Les factures qu’ils règlent augmentent plus vite que les prix qu’ils demandent. Leurs marges se resserrent. Or, les fabricants se retrouvent dans la même position. Eux aussi souffrent de la compression des marges. Les prix du brut augmentent et le taillé qui en est tiré ne permet pas un bénéfice considérable.

Il existe d’autres similitudes, notamment au niveau des frais généraux élevés. Une boutique située à un emplacement privilégié, qui profite d’une bonne visibilité et d’un passage conséquent, coûte de l’argent. Les frais du financement ont également leur importance. Les transactions, que ce soit pour la fabrication ou la vente au détail, subissent des coûts élevés.

Les prix de l’or et des diamants ont connu des hausses quasi-explosives en 2011. Les prix de gros ont grimpé pour suivre le coût des composants. Les prix de détail ont suivi, mais à un rythme plus lent. Les commerçants ont en effet absorbé une partie de l’onde de choc.

Certains diront que les détaillants, dont les marges sont supérieures, peuvent bien mieux absorber les fluctuations que les fabricants, dont les marges sont serrées et ne représentent que quelques points en pourcentage. Peut-être pourrait-on avancer que le rôle des détaillants est de serrer les dents, de modérer les prix et de s’adapter aux goûts des consommateurs.

Or, tout le monde le sait dans l’industrie, bien souvent, ce sont les consommateurs qui fixent les prix. Les détaillants en sont conscients, les niveaux des tarifs sont sensibles. Ils aimeraient que les bijoux puissent être classés en catégories tarifaires. Ainsi, si le montant d’un composant augmente, sa part dans le produit final doit être réduite. Suite à la hausse des prix de l’or, les bijoux ont été allégés. Quant à la hausse des prix des diamants, elle a poussé les détaillants à opter pour des couleurs ou des puretés inférieures.

Lorsque les prix de l’or et des diamants ont ralenti en 2012, les prix de gros ont pris le même chemin, comme on le voit dans le graphique ci-dessus. Or, dans le meilleur des cas, les prix de détail ont pu être maîtrisés. Les détaillants ont continué à absorber la hausse des tarifs. En fait, les prix de détail baissent depuis octobre 2012, même si les fournisseurs continuent d’augmenter leurs prix.

La malédiction du XXIe siècle

La situation n’est pas temporaire. Depuis le début du siècle, la facture augmente pour les détaillants, qui sont aussi moins bien rémunérés. Chaque année depuis l’an 2000, les prix de gros augmentent. Sur 10 des 12 dernières années, les prix de détail ont pris du retard. Deux exceptions ont concerné les années 2007 et 2008, les « années heureuses » de la hausse des revenus discrétionnaires d’avant la Grande Récession.

Au cours de cette période, les diamants et l’or n’ont pas réussi à suivre le rythme et les détaillants y ont vu une opportunité pour augmenter leurs marges. Cette opportunité est désormais disparue.

La dynamique de ces dernières années est irréfutable. Comme l’explique Ken Gassman dans son analyse cette semaine, les prix des fournisseurs de bijoux ont progressé jusqu’à 1,3 % en glissement annuel en février. Les prix de détail ont diminué de 0,9 %. La tendance se poursuit.

Face au ralentissement des prix de l’or ces six derniers mois (et au niveau quasi-inchangé des prix des diamants), pourquoi les fabricants continuent-ils d’augmenter leurs tarifs ?

Premièrement, parce qu’ils doivent essayer. Ce principe est un aspect fondamental du comportement économique : toujours essayer d’augmenter les marges, soit en rabotant les coûts, soit en augmentant les revenus. Deuxièmement, parce que les fabricants, et cela apparaît très clairement chez les tailleurs, ont très peu de marge de manœuvre. Avec une marge bénéficiaire de 3 % à 4 % (le PDG d’un très grand sightholder m’a affirmé récemment qu’il serait plus que satisfait de tels chiffres), il leur faut également une fenêtre d’opportunité.

Une issue de secours ?

Dans un tel contexte, pas étonnant que toute la filière prie pour que la demande augmente et que l’offre diminue. Si cela se concrétisait, les marges progresseraient légèrement. Pourtant, personne ne veut admettre qu’il puisse en être autrement.

Dans la pratique, tout le monde en est déjà réduit à des coûts minimum, sans véritable possibilité de faire mieux. Seules les deux extrémités de la filière pourraient apporter un certain soulagement : l’exploitation minière et la vente au détail. Les miniers peuvent baisser les prix, même si cela est peu probable. La De Beers a déjà fait son maximum et Anglo American entend parvenir à un retour sur investissement de 5,2 milliards de dollars. Alrosa se prépare pour son introduction en bourse, elle doit afficher des rendements importants pour être attractive.

Par conséquent, les consommateurs vont devoir payer les diamants plus chers. Cela ne sera possible qu’avec une image de marque et du marketing, et non pas en vendant des catégories tarifaires. La route semble longue et difficile, mais comment faire sinon pour générer des rendements décents ?

Source Idexonline