Des centres diamantaires compétitifs

Avi Krawitz

À bien des égards, le contraste n’aurait pas pu être plus prononcé. Deux événements, très différents, ont eu lieu cette semaine. Le premier s’est tenu à Dubaï, l’autre à Ramat Gan.[:]Les ordres du jour différaient, chacun abordait des aspects distincts du métier. Mais les similitudes étaient tout aussi alléchantes. Tous deux ont d’ailleurs attiré des foules nombreuses et présenté une industrie plus optimiste qu’il y a un an.

Le leadership de Ramat Gan

À Ramat Gan, les négociants, tout juste sortis du salon de Hong Kong, ont échangé leurs marchandises lors de la semaine américaine/internationale du diamant. Le leadership du pays est apparu très clairement, il a retrouvé sa pertinence sur le marché. À l’instar d’événements similaires à New York et Anvers au début de l’année, le « festival » israélien a montré une nécessité : les centres traditionnels doivent innover et appliquer eux-mêmes un marketing agressif pour conserver leur part de marché.

En tout cas, l’Israel Diamond Exchange (IDE) a atteint son objectif pour la semaine : attirer environ 200 acheteurs de 15 pays, et ce malgré des critiques mitigées sur les échanges effectifs. Il a été annoncé qu’un excès de 1 milliard de dollars de taillé avait été proposé. L’événement a également donné aux acheteurs israéliens présents sur place l’accès à des marchandises qui, autrement, ne seraient pas entrées dans le pays avant les fêtes de Pâques la semaine prochaine. Les tenders de brut et de taillé y ont également été organisés.

Yair Sahar, président de l’IDE, avait sûrement en tête la stratégie à long terme d’Israël lorsqu’il a déclaré qu’il envisageait d’organiser de tels événements chaque année en Israël et à New York, et peut-être aussi dans d’autres pays. Israël a réussi à pénétrer le marché de l’Extrême-Orient. Le pays reconnaît malgré tout la nécessité stratégique de se diversifier davantage, ou du moins de renforcer ses partenariats existants. Ayant perdu la faveur des fabricants au profit de l’Inde, Israël évolue dans un environnement commercial mondial changeant et extrêmement concurrentiel.

Dubaï, « nouvelle route de la soie » ?

La conférence de Dubaï de cette semaine a illustré ce changement. La quantité de brut distribuée depuis l’Afrique australe augmente, notamment en provenance du Botswana et du Zimbabwe. Dubaï se positionne donc comme la « nouvelle route de la soie » pour les diamants destinés à l’Inde et à la Chine.

L’année 2013 pourrait être une année charnière dans cette évolution. La De Beers prévoit de déménager ses sights de Londres à Gaborone au quatrième trimestre. Selon Onkokame Kitso Mokaila, le ministre botswanais des Minéraux, des Ressources énergétiques et de l’Eau, la société publique Okavango Diamond Company prévoit d’organiser des ventes de brut indépendantes d’ici la fin juin. D’après ses chiffres, la valeur des marchandises taillées au Botswana est passée de 28 millions de dollars en 2005 à plus de 600 millions de dollars en 2011. Le volume des marchandises échangées, fabriquées et exportées depuis Gaborone devrait continuer à progresser.

L’essor de Dubaï a été tout aussi spectaculaire. Selon les données les plus récentes, ses importations de brut ont doublé entre 2009 et 2011, pour atteindre 3,75 milliards de dollars. Ses exportations de brut ont augmenté de 179 % pendant la même période, jusqu’à atteindre 5,91 milliards de dollars. Ses importations de taillé ont représenté 14,9 milliards de dollars face à des exportations de 14,7 milliards de dollars la même année. Peter Meeus, président de la Dubai Diamond Exchange (DDE), a insisté sur le développement des échanges entre Dubaï et l’Afrique. Il a rappelé que les importations en provenance du Zimbabwe sont passées de 1,7 million de dollars en 2008 à 408 millions de dollars en 2011.

Dubaï s’est imposée comme une destination naturelle pour les marchandises du Zimbabwe. Celles-ci continuent de subir les sanctions des États-Unis et de l’Union Européenne. Le Zimbabwe a donc été un catalyseur de la croissance de Dubaï ces dernières années, les tailleurs indiens ayant cherché à se procurer du brut issu des nouvelles mines de Marange, malgré la controverse.

Quoi qu’il en soit, près de 600 diamantaires et joailliers et 400 autres sociétés liées à l’or se sont installés dans l’Almas Tower. Cette tour accueille aussi la DDE et le Dubai Multi Commodities Centre (DMCC), selon Peter Meeus. D’après lui, le DMCC accorde en moyenne cinq à six nouvelles licences chaque jour. Dubaï a également accru sa visibilité sur la scène internationale. L’émirat a accueilli l’assemblée de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) en 2011, la conférence de cette semaine et, il y a quelques temps, la désignation de Peter Meeus à la présidence du World Diamond Council (WDC) pour le mois de juin, lorsque le poste sera vacant. À noter que cet organisme représente l’industrie auprès du Kimberley Process.

Dubaï vante ses infrastructures solides, l’absence d’impôts, une bureaucratie réduite à son minimum et une forte réglementation. Très peu des centres diamantaires établis peuvent rivaliser avec ces arguments. Son emplacement géographique lui permet de se positionner comme une passerelle entre l’ouest et l’est, ou plutôt entre le sud et le nord. L’avantage est considérable, au même plan que l’essor de son économie de grande consommation.

Anvers et Israël, quel avenir ?

Les centres d’échange de brut d’Anvers et, dans une moindre mesure, d’Israël, devraient en prendre bonne note. Leurs initiatives visant à anticiper pour augmenter leurs activités avec leurs partenaires commerciaux sont utiles. Ils ont pourtant besoin d’améliorer l’accueil des investisseurs… ou des négociants. S’ils simplifient les activités à Anvers et en Israël, notamment en réduisant la bureaucratie et en allégeant les codes fiscaux, ils favoriseront leur avantage concurrentiel, éviteront le départ des entreprises locales et conserveront leurs parts de marché respectives.

Là encore, Anvers et Israël profitent d’aspects qui œuvrent en leur faveur. Les fournisseurs de taillé ont certes accès aux marchés de consommation des États-Unis, avec lesquels ils maintiennent des relations de longue date, comme l’a montré l’événement de Ramat Gan cette semaine. Mais ils sont aussi en contact avec Hong Kong et l’Extrême-Orient. Et surtout, leurs négociants respectifs ont une connaissance inégalée des diamants, qui garantit leur professionnalisme.

Aujourd’hui, le paysage évolue. Les différents centres commerciaux jouent des coudes pour atteindre les premières places, le marché mondial se diversifie géographiquement. Les deux événements de cette semaine ont au moins présenté deux centres considérablement différents, mais unis par une même ambition : devenir un lieu d’échange de premier plan. Face aux autres acteurs, il faudra appliquer un marketing agressif et une réflexion stratégique pour s’assurer une croissance dans un marché relativement petit. Heureusement, il y a de la place pour tout le monde.

Source Rapaport