Les bonnes idées ne connaissent pas la crise

Danielle Max

C’est sûr, on ne peut pas croire tout ce qu’on lit dans les journaux et ce qu’on voit à la télévision peut tout aussi bien être mythe que réalité. C’est pourquoi je ne devrais pas vous conseiller de regarder la série télévisée britannique Mr. Selfridge pour obtenir des conseils de vente… Mais je vais le faire malgré tout.[:]

« Inspirée » du personnage de Harry Gordon Selfridge, un magnat de la vente britannique né aux États-Unis, fondateur des grands magasins londoniens Selfridges, la version télévisée de la vie de cet entrepreneur dynamique est le cas typique d’un personnage aux idées folles, qui les met en œuvre et en récolte les bénéfices. Il semblerait que ce vendeur ait été connu sous le nom de « Mile-a-Minute Harry » (que l’on pourrait traduire par « Harry la flèche ») pour son enthousiasme et ses innovations constantes.

H. G. Selfridge comprenait la valeur de la publicité, sans aucun doute grâce à 25 années passées à travailler pour Marshall Field’s à Chicago. Il a élaboré une campagne publicitaire d’ouverture léchée. Son succès a été tel qu’il a fallu 30 policiers pour endiguer la foule.

Selon la série (et, Qui sait ?, tout cela est peut-être vrai), H. G. Selfridge a réussi à persuader de grands noms, comme la danseuse Anna Pavlova, l’écrivain Arthur Conan Doyle et l’aventureux pilote Louis Blériot (avec son avion, celui avec lequel il a été le premier homme à traverser la Manche) de se rendre dans son magasin pour un formidable coup publicitaire. Il connaissait l’importance d’attirer des foules sur place et il n’a pas hésité à prendre des risques pour le faire. L’avion de Louis Blériot, par exemple, a fait venir 150 000 personnes dans le grand magasin en quatre jours seulement.

Il ne s’est pas non plus reposé sur ses lauriers et ne s’est pas contenté de vendre les mêmes produits, jour après jour, année après année. Parmi les nombreuses citations qu’on lui attribue, H. G. Selfridge aurait dit : « Je suis prêt à vendre n’importe quoi, un avion comme un cigare », ce qu’il a fait, avec beaucoup d’enthousiasme. Comme l’indique le site Internet de Selfridges, « Harry Gordon Selfridge a vraiment mis en scène la vente au détail et… si un sujet ou une tendance apparaissait novateur ou passionnant, Selfridges était le premier à les proposer. »

Ainsi, en 1910, H. G. Selfridge a ouvert un rayon beauté à l’entrée du rez-de-chaussée de son magasin, à une époque où les produits de beauté pour femmes étaient considérés comme sulfureux, quelque chose qu’il valait mieux vendre sous le manteau. Cette innovation a connu un tel succès qu’à ce jour, tous les grands magasins du monde continuent à installer leurs rayons beauté près de l’entrée du rez-de-chaussée.

Plutôt que de vouloir plaire à une tranche particulière de la population (comprenez, les riches), H. G. Selfridge a compris qu’il était nécessaire de proposer des produits adaptés à tous les portefeuilles. En 1911, un rayon discount s’est ouvert au sous-sol du magasin. Destiné aux « ménagères économes », les articles présentés dans ce coin du magasin étaient disposés avec autant de soins et d’attention que les gammes plus chères des rayons plus exclusifs – ce qui prouve que peu importe le prix d’un article, il possède une valeur spéciale.

Dans le même ordre d’idées, Selfridge avait également pour mantra : « Tout le monde est le bienvenu. » Il n’était pas nécessaire d’être un aristocrate aisé pour acheter chez Selfridges, chacun y trouvait son compte – un peu comme Tiffany qui propose un porte-clés Open Heart en argent sterling Elsa Peretti pour 75 dollars, pour que tout le monde ait la sensation de pouvoir faire partie de la marque. Après tout, avec Tiffany, tout est lié aux sacs bleus.

H. G. Selfridge savait aussi être un leader, et pas simplement un patron. Parmi les citations qu’on lui attribue, figurent celles-ci : « Les gens s’arrêteront et vous remarqueront si vous vous arrêtez et que vous remarquez ce qui les amène à s’arrêter et à vous remarquer », « Le patron répare la réputation après une défaillance ; le leader répare la défaillance » et « Le patron dit «  allez-y « , le leader dit  » allons-y ! « . »

Alors, pour ne pas laisser une belle histoire interférer avec la réalité, Selfridge aurait également été l’auteur de cette expression : « Le client a toujours raison. »

Bien que les dernières années de H. G. Selfridge lui aient été moins favorables (sa fortune a disparu pendant la grande récession, sans compter ses habitudes de jeu et son penchant pour les jeunes filles), l’homme et le personnage télévisé ont beaucoup à nous apprendre (plus de 100 ans plus tard) sur la vente de détail.

Après tout, comme il l’a dit (ou l’aurait dit), « Les bonnes idées ne connaissent pas la crise. » Souvenons-nous de cela.

Source Idexonline