Le vol de Bruxelles, un avertissement

Edahn Golan

Le vol de diamants à l’aéroport de Zaventem de Bruxelles a plus d’intérêt si on le considère comme un récit édifiant que pour son préjudice financier. [:]Le butin, estimé à 50 millions de dollars, intrigue au-delà du montant dérobé. L’histoire fait apparaître une réalité effrayante, celle de procédures de sécurité laxistes et d’un accès aisé dans les aéroports, à une époque où le terrorisme international cherche à faire les gros titres. Le fait divers n’a pas encore fait l’objet d’articles détaillés, mais nous disposons de quelques informations. Huit personnes ont pénétré dans l’enceinte de l’aéroport par une porte ouverte donnant sur l’aérodrome. Masqués par l’obscurité, leur véhicule a rapidement rejoint l’avion de passagers, dans lequel les marchandises avaient déjà été embarquées.

Les hommes, munis d’un arsenal, ont volé les marchandises sous la menace d’une arme. Reprenant leur véhicule, ils sont repartis par la même porte, 10 à 11 minutes après leur arrivée. Leur présence près de l’avion n’a pas dépassé trois minutes.

Chaque jour, des diamants sont expédiés partout dans le monde. Les modes de transport sont testés et ces opérations se déroulent généralement sans problèmes. À Anvers, les marchandises sont remises au Diamond Office, puis transférées aux sociétés d’expédition (dans ce cas, Malca-Amit, Brinks, Ferrari et G4S). Elles sont ensuite acheminées jusqu’à l’aéroport de Zaventem pour être stockées dans des coffres de la Brinks. C’est alors qu’un véhicule blindé de cette société transfère les diamants, l’or, les bijoux, les billets de banque et autres articles de valeur jusqu’aux avions en partance.

Le véhicule blindé arrive une fois les passagers et le reste de la cargaison dans l’avion. Le transfert s’effectue sous la supervision d’un responsable de la compagnie aérienne. L’espace de chargement est ensuite fermé et l’avion décolle.

La seule occasion de vol se présente lors de ce transfert qui ne dure que 10 minutes environ. Les malfaiteurs doivent connaître l’emplacement exact de l’avion sur le tarmac et l’heure précise de l’ouverture du véhicule blindé. Un peu trop tôt ou un peu trop tard et les marchandises sont inaccessibles.

La sécurité a pêché lors du hold-up de lundi en raison d’une fuite d’information relative à la localisation de l’avion et l’heure d’arrivée des marchandises. La liste des défaillances est cependant bien plus longue.

Comment un groupe peut-il accéder à l’enceinte d’un aéroport, ouvrir une porte et s’y infiltrer, sans que la sécurité ne s’en aperçoive ? Comment une camionnette et une berline peuvent-elles traverser l’aéroport sans que personne ne détecte leur présence ? Pourquoi les pistes ne sont-elles pas éclairées la nuit ? Pourquoi l’avion n’est-il pas équipé d’alarmes dissimulées qui permettraient d’alerter immédiatement la sécurité de l’aéroport et de boucler l’enceinte ? Pourquoi un hélicoptère de la police n’a-t-il pas décollé juste après le vol ?

Chaque année, des dizaines de milliards de dollars de diamants et autres articles de valeur transitent par cet aéroport situé à la périphérie de Bruxelles. Or, encore une fois, l’aspect économique n’est pas primordial.

S’agit-il uniquement d’argent ?

Si cette histoire montre une chose, c’est à quel point il est facile d’entrer dans un aéroport qui respecte les plus hautes normes de sécurité européennes, d’accéder à un avion choisi, de sortir des armes d’assaut et de disparaître.

Un expert en sécurité informé a déclaré à IDEX Online que les marchandises avaient déjà été embarquées et que certaines étaient même restées sur place. Le vol concerne 120 lots de brut et de taillé et personne dans ou autour de l’avion ne l’a remarqué. L’équipe aurait tout aussi bien pu déposer un colis. Imaginez l’effet d’une bombe dans un avion de ligne…

Bien sûr, là est le cœur de l’affaire. Nous acceptons de nous plier à des exigences ridicules, nous enlevons nos chaussures, nous plaçons notre dentifrice dans un sac transparent pour passer les contrôles à l’aéroport, sous le prétexte que cela améliore notre sécurité.

Pourquoi acceptons-nous tout cela alors que n’importe quel membre du Hezbollah avec une once d’initiative pourrait très facilement contourner le système et faire exploser un avion de ligne transportant des centaines de passagers ? Tout récemment, ils ont fait sauter un bus touristique dans un aéroport de Bulgarie.

Deux semaines auparavant, un braquage similaire avait eu lieu à l’aéroport de Schiphol à Amsterdam ; une activité suspecte avait été détectée par la sécurité autour de l’aéroport. Une équipe avait ensuite pénétré dans l’aéroport en voiture, détourné le véhicule blindé et emporté 100 millions de dollars de marchandises. S’agissait-il d’un galop d’essai ? Le groupe avait évidemment planifié certains aspects. Pourquoi alors les préparatifs du hold-up de Bruxelles sont-ils passés inaperçus ? Les leçons du cas Amsterdam n’ont pas été tirées.

L’aéroport et le gouvernement négocient actuellement pour améliorer la sécurité de l’aéroport. Un correspondant informé des pourparlers a déclaré aujourd’hui : « Il s’agit d’une erreur humaine. » L’expert en sécurité en convient. « L’important est de bien sélectionner et former le personnel. Il faut sans cesse chambouler les routines, tester l’équipe, bousculer les attributions de postes. »

Va-t-on finir par réfléchir et agir avant qu’une nouvelle attaque terroriste n’ait lieu sur le sol européen, emportant des vies précieuses, et non plus uniquement des marchandises de prix ? On ne peut qu’espérer. Les lacunes sont trop grandes et tentantes.

Épitaphe

1. Il a fallu attendre plusieurs mois après le hold-up d’Amsterdam pour que des arrestations aient lieu. Il faudra peut-être aussi un certain temps cette fois-ci.

2. La valeur du butin fait débat. Le chiffre de 350 millions d’euros que nous avons repris provient des premiers articles. L’Antwerp World Diamond Centre évoque cependant 50 millions de dollars. L’une des sociétés d’expédition aurait déclaré plus de 28 millions de dollars de marchandises volées, une autre un peu moins de 20 millions de dollars. Les deux autres sociétés ont déclaré ensemble entre 1 et 3 millions de dollars. Selon toute vraisemblance, outre les diamants, le vol concernait d’autres objets de valeur, des métaux précieux par exemple. Les diamants représentaient donc moins de 50 millions de dollars, peut-être aux alentours de 40 millions. Ils étaient destinés à Mumbai, Tel Aviv, Hong Kong et Bangkok.

3. Le brut et le taillé volés pourront aisément réintégrer le circuit légitime après avoir été taillé (certaines marchandises revenaient du laboratoire HRD d’Anvers). Malheureusement, il faudra pour cela la collaboration d’un professionnel de l’industrie.

Toutefois, la réapparition des pierres ne sera pas nécessairement rapide. Les terroristes et les criminels doivent trouver le moyen de transférer de l’argent et d’effectuer des paiements hors du circuit réglementaire. Et malheureusement, les diamants serviront à cela.

4. L’opération n’aura pas d’incidence financière sur le marché ni sur Anvers, à l’exception peut-être d’une hausse des cotisations d’assurance. Les marchandises volées ne représentent même pas 1 % du commerce annuel mondial de diamants. La facture sera réglée par la Lloyds, l’assureur des quatre expéditeurs concernés. Elle devra ensuite réévaluer les risques et la fréquence des vols, peut-être de façon significative.

5. En fin de compte, les négociants sont payés rapidement (la Brinks avait déjà réglé ses clients) et se verront rembourser intégralité des marchandises volées. Ils sont satisfaits de l’issue de l’affaire. Il faudra que les conséquences de ce casse ébranlent le monde de la sécurité, faute de quoi nous en paierons le prix.

Source Idexonline