Le niveau des stocks

Avi Krawitz

C’est le mois de décembre, les marchés portent une attention curieuse aux niveaux de stocks de la filière, dans l’espoir que la période des fêtes permettra de générer des achats plus importants en 2013. Tout est relatif, car les échanges ont été limités en 2012 du fait de la prudence de rigueur.[:]

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À tous les niveaux (exploitation minière, fabrication, négoce, commerce de gros et de détail), les sociétés évaluent leurs perspectives d’approvisionnement à court terme : la De Beers et ALROSA proposent-elles suffisamment de brut ? Dans quelle mesure Surat est-elle prête à accélérer sa fabrication ? Les fabricants maintiennent-ils d’importants stocks de brut ? Possèdent-ils suffisamment de taillé ? Existe-t-il des pénuries de taillé, si oui, dans quelles catégories ?

Beaucoup attendent décembre pour se confronter à la réalité du marché, mais peu de choses devraient bouger à court terme. Jusqu’à présent, la saison des ventes de bijoux aux États-Unis n’a produit que de rares surprises, malgré un départ raisonnable. Il en va de même pour la Semaine d’or d’octobre en Chine et le festival de Diwali en Inde en novembre. Or, une saison « pas mauvaise » qui s’inscrit dans une année moyenne, n’est-ce pas trompeur ?

Les ventes paraissent relativement stables par rapport à l’année dernière ; dans le meilleur des cas, elles ont pu augmenter de faibles pourcentages à un chiffre. La De Beers a estimé cette semaine que les ventes mondiales de taillé avaient progressé de 4 % en 2012, contre 10 % en 2011. Le Japon a été le seul à fixer sa croissance à peu près sur le taux de l’an dernier ; le rythme a été réduit de moitié aux États-Unis, pour s’établir à 4 %, contre 11 % en Chine. Selon la De Beers, l’inquiétude porte sur l’Inde, dont les chiffres ont reculé de 1 %.

En cette fin d’année, l’industrie a réagi à ces chiffres d’un haussement d’épaules, continuant à profiter de ce qu’elle pouvait prendre pendant les dernières semaines de 2012. Il ne s’agit pas ici d’une marque d’insouciance, mais plutôt d’un signe de la crise prolongée qui a émergé à la mi-2011. Le marché continue de corriger la bulle qui a gonflé au premier semestre 2011, à l’époque où les prix ont monté en flèche suite à une demande spéculative indienne et chinoise qui avait entraîné un surplus de stocks.

L’indice RapNet Diamond Index (RAPI) pour les diamants certifiés de 1 carat a chuté de 12,5 % au cours des 11 premiers mois de 2012, il a perdu environ 22 % depuis son pic de juillet 2011. L’indice a tenté de se stabiliser en novembre et décembre, mais les acheteurs continuent de constater une tendance à la baisse qui ne les incite pas à travailler. Les fabricants et les négociants sont sans cesse face à des clients qui ne constituent pas de stock, mais s’emploient à satisfaire des commandes spécifiques, sensibles aux prix.

Il n’est donc pas étonnant que les grandes sociétés minières gèrent soigneusement leur approvisionnement, en essayant de maintenir leurs niveaux de prix.

Depuis plus d’un an, la De Beers se concentre sur l’extraction des déchets et l’entretien ; l’entreprise a réduit ses prévisions d’approvisionnement. Sa production a chuté de 20 % en glissement annuel, à 19,824 millions de carats pour les neuf premiers mois de 2012. Quant au dernier sight de l’année, la semaine prochaine, il devrait être relativement réduit. La De Beers a également mis en garde contre d’éventuelles insuffisances au premier trimestre 2013 ; plus exactement, elle a précisé qu’elle n’atteindrait pas ses prévisions d’il y a un an. 

À l’inverse, ALROSA a maintenu une production relativement stable, en baisse de 3 % seulement, soit 25,4 millions de carats au cours des neuf premiers mois. Le minier russe a toutefois considérablement réduit son approvisionnement, avec des ventes en baisse de 21 % en volume, à 22,3 millions de carats sur la même période. La valeur de son stock entre le 1er janvier et le 30 septembre a augmenté de 32 %, à 897 millions de dollars (27,75 milliards RUB).

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La De Beers a choisi de maintenir ses diamants dans le sol, quant à ALROSA, elle les stocke dans ses coffres, leurs sightholders respectifs ayant refusé de les entreposer dans leurs propres coffres-forts.

Des rapports ont annoncé cette semaine une amélioration de la demande et des prix du brut sur le marché des négociants (hors De Beers) ; la nouvelle vient peut-être en réaction aux rumeurs d’insuffisance actuelle de l’offre de brut. Attention toutefois, ne confondons pas les déficits et les pénuries. Le secteur de la taille, même s’il fait face à une baisse de la demande de taillé, conserve suffisamment de brut après une interruption de la fabrication pendant la saison des mariages et le festival de Diwali en Inde au mois de novembre. Et surtout, l’Inde a importé une quantité considérable de brut en octobre, en hausse de 3 %, soit 1,4 milliard de dollars. De nouveau, les déficits sont probablement établis en fonction de prévisions rétroactives.

Les fabricants continuent de rechercher du brut rentable plutôt qu’en gros volumes. Ce choix peut expliquer la fermeté récente démontrée lors des différentes enchères de brut, face à la faiblesse d’ALROSA et aux prix élevés des ventes contractuelles de la De Beers. En général, mieux vaut négocier du taillé que d’acheter du brut. Pourtant, les fabricants insistent sur leur disponibilité, arguant qu’ils doivent tenir compte de leurs employés et continuer à faire tourner leurs usines.

Quant aux fournisseurs de taillé, leur difficulté consiste à se procurer le type de marchandises idoine, et non à gérer la pénurie globale de taillé. Les diamants demandés, comme les puretés SI, les pierres non teintées certifiées par le GIA et les fantaisies bien taillées peuvent être rares, tandis que les marchandises de belle qualité, tel les VVS, sont amplement disponibles. La De Beers l’a noté cette semaine, la baisse des prix de 2012 reflète également un léger accent mis sur un assortiment de qualité moindre que les années précédentes. Effectivement, les détaillants avancent des rabais et des promotions importants dans un environnement très concurrentiel et sensible aux prix pour cette saison des fêtes.

Comme toujours, tout dépend de la demande des consommateurs ; les détaillants se satisfont de gérer leurs stocks en fonction des besoins. Ils semblent aussi disposer de suffisamment de réserves pour répondre à la demande actuelle, même s’ils se sont montrés frileux dans leurs achats de taillé cette année. Tiffany & Co., Signet Jewelers, Zale Corporation, Chow Tai Fook et Luk Fook Holdings ont chacun annoncé des stocks relativement complets en octobre 2012, supérieurs à ceux de l’année dernière.

En conséquence, personne ne prévoit de gros réapprovisionnements en janvier, alors même que la cible commerciale quitte les États-Unis pour se fixer en Extrême-Orient à l’occasion du Nouvel An chinois en février. La demande n’est pas non plus bloquée, le marché demeure relativement actif.

Les niveaux de stocks actuels sont donc sains et devraient permettre un rebond satisfaisant des marchés, dès le retour des précédents niveaux de croissance de la consommation. L’industrie du diamant et des bijoux a démarré décembre avec un sentiment de soulagement, convaincue d’avoir survécu pendant la majeure partie de l’année 2012. Le résultat est là : dans un tel environnement, ces niveaux de stocks réduits sont une mesure de sa réussite.

Source Rapaport

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