Impact de la crise ukrainienne sur l’or, les diamants et l’économie américaine

Hedda Schupak

Les marchés boursiers ont horreur de l’incertitude. Rien de surprenant donc à ce que les bourses américaines aient dégringolé lundi 3 mars, lorsque la prise de contrôle militaire, par les Russes, de la région de Crimée, en Ukraine, a été annoncée. [:]Dès mardi 4 mars, les bourses se sont reprises alors que les tensions dans la région diminuaient légèrement. La situation reste cependant irrésolue.

L’or, quant à lui, a atteint un plus haut en quatre mois, lundi 3 mars (1 355 dollars), mais a reculé mardi 4 mars. En effet, les négociants à court terme ont pris leurs bénéfices et le marché s’est corrigé. L’annonce par le président russe, Vladimir Poutine, qu’il n’avait pas l’intention d’annexer la Crimée, a ralenti la demande d’or, à titre de valeur refuge. À l’heure où nous mettions sous presse, le métal jaune s’échangeait à 1 340 dollars.

Un tiers des diamants mondiaux provient de Russie : si le monde occidental impose des sanctions économiques lourdes à ce pays, il ne fait aucun doute que cela aura une incidence sur le commerce des diamants.

Diamants mis à part, d’après les meilleurs économistes de Wells Fargo et de Kitco, l’exposition directe des États-Unis aux économies russe et ukrainienne est négligeable. L’Union européenne, quant à elle, sera touchée plus lourdement si la crise s’aggrave, et les retombées atteindront alors l’Amérique. La Russie et l’Ukraine approvisionnent une grande partie de l’énergie de l’UE. Si la Russie ferme le robinet, les prix du pétrole et du gaz vont exploser et remettre en cause la reprise naissante de l’Europe après la récession. Un effet domino pourrait ramener les États-Unis dans la récession, car même si le pays ne dépend pas de la Russie ou de l’Ukraine pour le pétrole et le gaz, il est clair qu’un pic des prix entravera les dépenses de consommation.

Jay Bryson, économiste mondial pour Wells Fargo, souligne pourtant, dans un rapport spécial, que la baisse de l’offre d’énergie à l’UE ne laissera pas la Russie indemne non plus. Les exportations énergétiques à l’UE représentent environ 10 % du fragile PIB de la Russie, qui n’a enregistré que 1,2 % de croissance l’année dernière. Le sujet n’est pas à prendre à la légère, car la Russie pourrait replonger dans la récession avec le reste de l’Europe.

Bjarne Schieldrop, analyste en chef pour les matières premières chez SEB Commodity Research, a déclaré à Kitco qu’il ne pense pas que la situation en Ukraine soit gelée. Selon lui, les investissements pourraient s’intensifier dans les valeurs refuge, ce qui entraînerait une hausse de l’or. Il s’est même dit surpris que la demande de valeurs refuge ait chuté si rapidement.

« Il est trop tôt pour souffler, à mon avis », a-t-il affirmé à Kitco. Il craint que Poutine ne veuille encore récupérer des parties de l’Ukraine à l’avenir.

Les prix de l’or devraient rester entre 1 100 dollars et un peu moins de 1 300 dollars dans un proche avenir, prévoit Andy Waldock, fondateur de Sandusky, conseillers en dérivés et matières premières, basés en Ohio. À plus long terme, selon lui, l’or sera moins influencé par la crise en Ukraine que par la Fed. Janet Yellen, sa nouvelle présidente, est considérée comme favorable au statu quo des taux d’intérêts, en les maintenant près de zéro tant que le chômage dépasse les 6,5 %. Elle travaille à la création d’un environnement plus inflationniste, qui puisse entraîner les acteurs avec lui, affirme Andy Waldock.

Une réduction de l’approvisionnement en pétrole, en gaz et en blé de Russie et d’Ukraine pourrait profiter aux entreprises énergétiques et aux agriculteurs américains si l’Europe doit trouver d’autres sources d’approvisionnement. Cela n’irait pas non plus sans certaines conséquences économiques plus larges aux États-Unis, où les prix à la consommation seraient influencés par l’offre et la demande. Certes, les principaux économistes prévoient une amélioration de la croissance de l’économie américaine cette année, mais c’est sans compter de grandes crises mondiales éventuelles. En cas de difficultés, tous les paris sont ouverts.

Pour en revenir aux diamants, le Russe ALROSA assure environ un tiers de la production mondiale en volume et en valeur, principalement des qualités supérieures et des articles de base, de moins d’un carat. Les sanctions économiques contre la Russie affecteraient très certainement l’offre et, par extension, les prix. La plupart des hausses de prix concerneraient le brut, mais avec des détaillants américains – le plus gros marché pour les diamants –sous pression pour maintenir des prix bas, un resserrement toucherait plus durement les fabricants.

Le président Obama est en faveur de sanctions économiques contre la Russie, mais les principaux dirigeants de l’UE – notamment David Cameron pour le Royaume-Uni et Angela Merkel pour l’Allemagne – y sont réticents. En effet, leurs propres économies dépendent grandement des investissements et de l’énergie russes. Des sanctions américaines uniquement n’auraient que peu, voire pas d’impact sur les prix des diamants et ce pour deux raisons : d’un côté, il est assez facile d’acheminer des marchandises russes par le biais d’autres centres commerciaux ; d’autre part, compte tenu de la lenteur avec laquelle l’industrie mondiale du diamant adopte les amendements du Kimberley Process, le soutien à un boycott des marchandises russes ou à l’éviction de la Russie du KP sont tout à fait invraisemblables, pour le moins.

Parfois, la menace de sanctions est tout aussi efficace que leur application effective. Le marché boursier russe et le rouble sont en chute depuis l’entrée de Poutine en Crimée. Or, son annonce selon laquelle il n’a pas l’intention d’annexer la Crimée suggère déjà des pressions internes, l’exhortant à faire marche arrière. Et si les oligarques industriels russes pensent que leurs actifs à l’étranger pourraient être gelés, ils vont aussi mettre leur grain de sel.

Source The Centurion