Faire connaître les diamants à une nouvelle génération

Avi Krawitz

La Diamond Producers Association (DPA) a été chargée de la tâche éléphantesque de réécrire l’histoire des diamants, d’après Jean-Marc Lieberherr, le président-directeur général de l’organisation. Au départ du moins, cette mission concerne les liens que tisse l’industrie diamantaire avec la génération Y, désabusée que l’on attende simplement d’eux qu’ils achètent des diamants pour des fiançailles ou d’autres occasions.[:]

La DPA affirme que les consommateurs recherchent des expériences et des produits authentiques et significatifs, qui sont rares dans le style de vie agité que nous connaissons. « Real is Rare », affirme son slogan, avant de conclure par « Real is a Diamond. »

Mais Jean-Marc Lieberherr ne se fait pas d’illusions. La DPA admet que l’industrie a perdu un peu de sa magie pour les jeunes consommateurs. La génération Y, celle des 18-32 ans, la génération la plus importante aux États-Unis, n’a pas les mêmes références vis-à-vis des diamants que les précédentes, explique-t-il dans un entretien récent avec Rapaport News.

« Ils n’ont pas été constamment exposés à des messages génériques sur les diamants », affirme Jean-Marc Lieberherr, évoquant l’impact de la campagne marketing « A Diamond is Forever » de la De Beers sur les précédentes générations. « Il est donc important d’élaborer un message qui leur parle. »

L’appréciation des prix

L’échec de l’industrie à faire passer ce message depuis que la De Beers a mis fin à sa campagne générique il y a plus de 10 ans a entraîné le décrochage des diamants dans la sphère de luxe. Avec une demande qui a fini par stagner, les prix du taillé ont reculé et les marges se sont resserrées.

Au final, l’objectif de la campagne de la DPA est de relever les prix du taillé et de permettre une augmentation des marges, affirme Jean-Marc Lieberherr, expliquant que l’industrie pourra ainsi rétablir la rentabilité et investir davantage dans le marketing. La DPA espère constater les effets directs de ses campagnes sur les prix dans les trois ans à venir.

Pour y parvenir, elle se consacre à raviver le désir de posséder des diamants chez les consommateurs.

« Il ne suffit pas que davantage de personnes veuillent des diamants, il faut qu’elles le veuillent plus ardemment, explique-t-il. Nous sommes une industrie contrainte par son approvisionnement, la croissance sera donc entraînée par les prix. Nous devons augmenter le désir des consommateurs jusqu’à ce qu’ils soient prêts à payer plus pour obtenir ce produit. »

Un acte de rééquilibrage

Pour cette raison, la majeure partie des messages vise à accroître la valeur que l’on attribue aux diamants, plutôt que d’en faire la promotion auprès d’un plus grand nombre de personnes.

Ainsi, Jean-Marc Lieberherr insiste sur la longévité de la campagne : elle a pour but d’asseoir la marque « diamant » et de moderniser l’expérience du consommateur, plutôt que de favoriser les ventes à court terme.

Bien que l’industrie dépense environ 1 milliard de dollars en marketing chaque année, la majeure partie vise à assurer les ventes du quatrième trimestre. Ces campagnes ne sont pas efficaces si le consommateur n’a pas entendu parler de l’industrie diamantaire depuis neuf mois, affirme-t-il. L’industrie doit plutôt nouer un dialogue constant avec les consommateurs, que les détaillants et les marques pourront alors exploiter pour appuyer leurs propres campagnes auprès du public.

C’est pour cette raison que « Real is Rare » a été lancé au troisième trimestre de l’année dernière et a pris fin pour le Black Friday, au moment où les détaillants sortent généralement leurs propres publicités.

Un message adaptable

Évaluant l’effet immédiat de « Real is Rare », Jean-Marc Lieberherr est heureux de constater que la campagne a obtenu de très bons scores en matière d’attractivité, de compréhension et de mémorisation lors des tests en interne. À ce stade, le groupe ne cherche pas à faire acheter les consommateurs. L’objectif est plutôt de faire résonner l’idée des diamants auprès de la jeune génération, au sens de l’individualité bien aiguisée.

« Les consommateurs doivent faire le lien avec ce que représente le diamant – c’est-à-dire l’amour et les émotions – plutôt qu’avec l’acte d’offrir un diamant, explique Jean-Marc Lieberherr. La génération Y n’aime pas qu’on lui dise ce qu’elle doit faire, il est donc très important d’introduire du sens dans l’acte d’achat du diamant. »

Tels sont les moteurs sous-jacents de la campagne « Real is Rare », lancée l’année dernière. La génération Y a été la première cible car ils sont à l’origine d’environ 50 % des achats de bijoux en diamants en valeur, souligne Jean-Marc Lieberherr.

Le message a également porté sur les engagements et les relations romantiques qui restent la pierre angulaire de l’industrie.

Jean-Marc Lieberherr affirme que d’autres groupes de consommateurs – comme les femmes qui achètent pour elles-mêmes, la catégorie à l’essor la plus rapide des consommateurs de diamants – et d’autres occasions de faire des cadeaux seront abordés au fil de la campagne.

Celle-ci couvrira également un éventail plus large de relations, avec les générations précédentes et la communauté LGBT[1], ajoute-t-il, répondant aux critiques des spectateurs qui jugeaient la première campagne trop étroite dans sa représentativité.

« C’est toute la beauté du message « Real is Rare », explique-t-il. Il peut être prolongé bien au-delà de la génération Y et bien au-delà de l’idée d’engagement ou de romance. »

Pour l’année à venir

Le groupe garde cet aspect en tête pour planifier la prochaine étape de sa campagne. La nature non conventionnelle des relations montrées dans les deux premières vidéos touche la corde sensible des 18-24 ans mais moins celle des 25-32 ans, signale Jean-Marc Lieberherr.

Dès lors, la deuxième phase de « Real is Rare », qui sera déployée en septembre, touchera plutôt les inclinaisons plus traditionnelles des « plus âgés » de la génération Y, affirme-t-il. Un nouveau spot, le troisième de la série, devrait être lancé au deuxième trimestre et la DPA cherche aussi à prolonger ses activités numériques et sur les réseaux sociaux.

La DPA évolue également à l’échelon international, prévoyant un lancement en Inde en septembre et un déploiement en Chine début 2018.

À la hauteur des diamants

Et, surtout, affirme Jean-Marc Lieberherr, l’association sera plus en lien avec les détaillants cette année, en leur offrant une plate-forme et une assistance pour relayer son message dans les boutiques. Pour le moment, la DPA lance un programme pilote afin de communiquer les directives qui permettront aux détaillants d’exploiter les ressources de sa campagne.

Jean-Marc Lieberherr compte sur ce type de collaboration avec le reste de l’industrie pour assurer le succès de la campagne. Dans cet état d’esprit, son organisation mène un plaidoyer autour de trois thèmes clés : les diamants sont uniques pour exprimer des émotions authentiques, ils sont intrinsèquement précieux car ils sont naturels et en nombre limité et ils font du bien dans le monde.

« Chaque détaillant devrait réfléchir à l’expérience qu’il procure à ses clients et se demander si elle est à la hauteur des diamants, insiste-t-il. Vendez-vous des certificats ou de belles pierres naturelles qui font naître une extraordinaire satisfaction émotionnelle ? »

Enfin, dit-il, « nous devons tous nous remettre en question, afin de rendre justice aux diamants que nous vendons et aux émotions de nos clients. »
Jean-Marc Lieberherr


Source Rapaport


[1] Lesbiennes, gays, bisexuels et transcendes.