Entretien avec Bob Gannicott, PDG de Dominion Diamond

Rob Bates

Avec la vente d’Harry Winston et l’achat de la mine d’Ekati, on a beaucoup parlé de Dominion Diamond Corp., ces temps-ci. [:]Son PDG Bob Gannicott s’est entretenu avec JCK sur la place du plus important producteur de brut dans le secteur du diamant.

Comment prévoyez-vous d’écouler la production d’Ekati ?

BHP passait par un système d’enchères, mais nous allons faire autrement. Nous procéderons de la même manière que nous l’avons fait pour les marchandises de Diavik pendant des années.

Vous passez par un système de sightholders.

Vous employez la terminologie de la De Beers. Nous vendons à des clients réguliers, et nous fixons les prix selon notre perception du marché.

De Beers et Alrosa vendent une partie de leur production par des tenders. Prévoyez-vous de faire la même chose ?

Nous le faisons de temps en temps, très rarement, pour prendre la température des prix. Cela fait office de baromètre pour les prix du marché. Mais nous ne le faisons pas souvent. Cela perturbe les affaires de nos clients car ils ne peuvent pas acheter le même stock tous les mois. Nous estimons que c’est sur le long terme que nous obtenons les meilleurs prix, quand une relation s’établit avec le client.

Bob-GannicottPrévoyez-vous d’avoir une plus longue liste de clients ?

Pas franchement. La plupart de nos clients ont toujours voulu davantage de marchandises. Nous prendrons de nouveaux clients. Il y en avait pour les marchandises d’Ekati, et nous ne voulons pas les ignorer. Certains aimaient le système d’enchères [de BHP], et ils ne voudront peut-être pas nous suivre. Mais ceux qui préfèrent un système de vente plus classique viendront à nous.

Maintenant que vous avez vendu Harry Winston, avez-vous d’autres projets en cours ?

Nous allons tailler des marchandises particulières. Nous allons explorer la mine de Misery, qui a la réputation de produire de jolis diamants fantaisie jaunes. Nous pourrions donc proposer des ventes annuelles pour ces marchandises.

Mais envisagez-vous des initiatives marketing ?

Non, si ce n’est qu’avec l’achat d’Ekati, nous avons obtenu la garantie Canadamark, la certification du pays d’origine. Nous allons peut-être continuer à nous en servir pour nous positionner un peu plus haut en gamme.

Prévoyez-vous d’acheter certaines propriétés à Rio ? Je pense notamment aux 60 % restants de la mine de Diavik.

Je n’ai pas de certitude quant aux plans de Rio Tinto. Les choses ont changé au sein de leur direction. Apparemment, Argyle leur pose problème et nous ne souhaitons pas en devenir propriétaires. Cette mine produit des diamants particuliers, et non les diamants ABC classiques. Ce sont de petits produits marchandises, peu onéreux, et nous pensons que c’est ce segment qui entrera en concurrence avec les diamants synthétiques. La mine se trouve en Australie et nous ne connaissons pas cette région.

Si l’ensemble des mines est vendu à un seul acheteur, pouvez-vous toujours faire usage de votre droit de préemption pour le reste de Diavik ?

Oui, tout à fait, nous pouvons utiliser notre droit de préemption. Il demeure inchangé.

Avez-vous développé des synergies du fait que vous possédez et exploitez les mines d’Ekati et de Diavik, qui sont si proches l’une de l’autre ?

Pas vraiment. Plus maintenant. Nous aurions pu le faire, mais il ne reste plus que six ans d’espérance de vie à ces deux mines. Diavik s’épuisera d’ici à 2019. Il en est de même pour le minerai actuel d’Ekati mais nous pensons pouvoir allonger sa durée de vie. Acheter Diavik ne la fera pas durer plus longtemps. Nous serions ravis d’acheter les 60 % restants à leur juste valeur, mais cela ne sert à rien d’essayer de les acheter à tout prix.

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D’autres acquisitions vous intéressent-elles ?

Oui, si elles se situent au Canada ou à d’autres endroits que nous nous sentons particulièrement à même d’exploiter. Nous ne souhaitons pas nous agrandir juste pour le plaisir de le faire. Nous voulons simplement rester rentables. Cela ne sert à rien d’acheter des ressources marginales juste pour avoir des diamants.

Pensez-vous que dans le futur, le secteur comptera davantage d’entreprises ne « faisant » que du diamant ?

J’estime que les diamants sont une matière première particulière. La seule chose qu’ils aient en commun avec le fer et les autres minerais, c’est qu’il faut creuser des trous. Aucune autre matière première n’est transformée de la sorte. Je ne suis absolument pas surpris que Rio et BHP vendent leurs segments diamants, car ils n’ont aucun lien avec leurs autres activités. Cela ne fait que les distraire. Les mines de diamants sont à réserver aux spécialistes.

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« Oui, si elles se situent au Canada ou à d’autres endroits que nous nous sentons particulièrement à même d’exploiter. Nous ne souhaitons pas nous agrandir juste pour le plaisir de le faire. Nous voulons simplement rester rentables. »

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Au niveau de l’entreprise, l’intégration verticale fonctionne très bien. C’était très rentable pour nous de détenir Harry Winston. Mais dans les salles de marchés, il y a toujours un analyste du secteur minier ou des produits de luxe. En tant qu’entreprise privée, je n’hésiterais pas à associer plusieurs activités. Mais c’est plus compliqué pour une société publique.

Harry Winston prévoyait de financer ses achats de diamants par un fonds d’investissement. Cela a-t-il fonctionné ?

Non, mais à leur décharge, quand ils se sont lancés dans cette aventure, ils se sont pris la crise de 2008-2009 de plein fouet et le prix des matières premières a dégringolé. Je ne pense pas que ce soit impossible, mais le diamant est un produit complexe, c’est plus compliqué qu’avec l’or.

Dominion n’a pas l’air de s’impliquer dans la politique du secteur autant que les autres producteurs. Cela va-t-il évoluer ?

Avec le plus grand des respects, je trouve que l’industrie passe beaucoup trop de temps à blablater. Vous pouvez assister à une conférence sur les diamants tous les jours. Nous préférons mieux employer notre temps en le consacrant à la gestion de nos affaires.

Allez-vous faire preuve de davantage d’autorité au sein de l’industrie ?

Nous n’avons pas la vocation d’être des meneurs. Bien sûr, nous sommes d’importants producteurs de brut. Je pense que nous venons juste derrière Alrosa et la De Beers. Nous ne cherchons pas à devenir des porte-étendards, mais nous n’allons pas pour autant oublier de soutenir les pays d’origine, par exemple. Si c’est ce que vous appelez faire preuve d’autorité, alors oui, nous le ferons.

En parlant de pays d’origine, que pensez-vous des systèmes de traçabilité comme la chaîne de contrôle du RJC ?

Je pense que la traçabilité va gagner en importance. Le monde en général est beaucoup plus déterminé à contrôler toutes les transactions financières. Les diamants peuvent servir de garantie pour les transactions financières, nous pouvons donc nous attendre à plus de rigueur. C’est l’un de nos avantages : nous n’avons pas de mines dans des pays douteux. Nous avons des mines au Canada. Nous trions même nos diamants pour les vendre ici, au Canada. Ils sont directement livrés au client et ils ne sont pas retriés.

Quelle est votre vision du marché du diamant à l’heure actuelle ?

Pour l’instant, tout a l’air pour le mieux. Après le salon du JCK à Las Vegas, tout le monde se montre plus optimiste quant au marché américain. Les marchés émergents chinois et indien ont tous deux des problèmes à régler, mais les ventes de détail vont continuer à augmenter. Il y a bien une pénurie de diamants qui menace, mais je ne pense pas que ce sera soudain. Je ne pense pas que de brusques flambées de prix viendront perturber le marché. Nous nous en sortons tous mieux avec une croissance des prix mesurée.

Source JCKOnline