Ce n’est pas une question de prix, mais d’expérience

Edahn Golan

Entre les boutiques traditionnelles et leurs rivales en ligne, la guerre pour gagner des parts de marché fait rage. Et cela ne concerne pas que le secteur des bijoux en diamants: c’est le cas pour chaque catégorie de produits.[:] Les États-Unis, chefs de file de l’économie mondiale, se trouvent aujourd’hui en première ligne. C’est là que le commerce électronique est le plus développé, et le taux de pénétration le plus important. Dans certains secteurs, il peut être plus agréable d’acheter sur Internet que dans les grandes artères commerçantes. Ce n’est cependant pas nécessairement le cas des bijoux en diamants.

Un achat en ligne, par définition, diffère d’un achat dans une boutique physique par bien des aspects. À l’université, l’un de mes professeurs a un jour comparé cela à la différence entre un film et une série sous l’angle de ce qu’il appelait « la considération des spectateurs ».

Selon lui, lorsque nous regardons une série chez nous, la lumière est allumée, parfois le téléphone sonne, autour de nous, ça discute, il y a des pauses publicitaires, nous nous esquivons à la cuisine pour trouver quelque chose à grignoter, et nous avons toujours conscience qu’il y a d’autres chaînes, d’autres programmes peut-être plus intéressants, accessibles d’un coup de télécommande. De plus, même lorsque nous payons la télévision par câble, nous considérons toujours que ce programme est gratuit.

Lorsque nous allons voir un film, nous nous habillons, nous allons au cinéma, et nous nous asseyons dans le noir. Toute notre attention se porte sur l’écran, les effets sonores nous plongent encore plus dans le film, et rien ou presque ne vient nous distraire. Nous payons nos tickets, notre popcorn, peut-être même le parking, voire la baby-sitter. Nous accordons une « considération » bien plus importante au film, et notre attention est proportionnelle à notre investissement : nous sommes beaucoup plus concentrés et patients face à un film au cinéma que devant une série que nous regardons chez nous.

Cette différence se répercute sur la manière dont les deux programmes sont conçus. Au cinéma, la scène d’ouverture peut être lente, commencer sur un plan large, ou au contraire s’attarder sur un détail insignifiant, et prendre le temps de nous révéler la scène. À la télévision, toujours d’après mon professeur, il faut tout de suite attirer l’attention du spectateur. Sinon, il ira voir ailleurs et c’est la plus grande peur des chaînes.

Il existe la même différence de considération entre achats en ligne et achats dans des boutiques physiques. Le mec en caleçon en train de manger des chips devant son ordinateur ne s’investit que très peu et ne s’engage pas à rester fidèle au site qu’il consulte. Il peut facilement passer d’un site à un autre. Le téléphone sonne, un ami passe le voir à l’improviste, le réfrigérateur l’appelle, les voisins se disputent et il peut tout simplement avoir envie de fermer son ordinateur et de sortir faire autre chose.

L’expérience des achats en ligne prend tout cela en compte. Les informations sont présentées rapidement, la proposition est claire. Et sans aucun doute, le meilleur moyen de faire mordre le client à l’hameçon, c’est de l’appâter avec un prix défiant toute concurrence. Bien sûr, il y a le service, la livraison gratuite et tous ces jolis graphismes. Mais le prix reste néanmoins primordial pour séduire les visiteurs et emporter leur adhésion.

À l’opposé du spectre, une boutique physique est comme un cinéma. L’acheteur potentiel sait déjà ce qu’est un diamant. Il connaît donc les grandes lignes de l’intrigue et ce sont les temps forts du film qui le surprennent. Au commerçant de les dévoiler au bon moment pour que l’effet soit spectaculaire. De la même manière, l’ambiance et la mise en scène devraient permettre de concentrer l’attention de l’acheteur sur l’offre et d’écarter les distractions.

N’ayez pas peur de commencer en douceur. Inutile de vous jeter sur votre client comme sur une proie, au contraire ! Il a fait l’effort de venir jusqu’à votre boutique, vous avez donc toute son attention. Et surtout, il veut de toute évidence quelque chose d’unique, quelque chose que ses amis n’auront pas. Vous pouvez le captiver avec votre histoire, le contexte de son achat, tout ce qui rend votre boutique et vos bijoux exceptionnels. Ce n’est pas la peine d’insister sur le prix.

Je n’ai rien contre le monde de la vente en ligne, ni contre son offre. J’achète des t-shirts, de la quincaillerie, des ordinateurs, des téléphones portables sur Internet. J’y fais mes courses, j’y suis mes comptes, j’y paie mes factures, j’y réserve des hôtels et des restaurants et j’en oublie. Internet n’est pas près de disparaître. Cela ne sert donc à rien de rivaliser avec les boutiques en ligne sur le terrain du prix. C’est leur terrain de jeu. Attaquez-les sur leurs points faibles, là où vous leur êtes supérieur. Et une boutique physique a de nombreux avantages.

Le prix ne fait pas tout. Même un géant comme Wal-Mart, qui s’est construit sur des prix très bas, cherche constamment à en offrir plus, en s’impliquant dans la vie de la communauté ou en s’engageant sur ses responsabilités à l’échelle mondiale. Qu’il s’agisse de bonnes intentions ou d’un marketing des plus cyniques, Wal-Mart a bien compris que le prix seul ne suffisait pas.

Bien sûr, des années se sont écoulées depuis ce cours. La télévision s’est faite plus cinématographique pour entrer dans une ère inaugurée par Les Soprano et d’autres séries de la même qualité. Les boutiques en ligne ne sont pas encore aussi raffinées, et les boutiques physiques ont encore de nombreuses cartes à jouer. Selon leurs propres règles.

Pensez au moment où vous dresserez le bilan de votre vie : voulez-vous que votre entreprise soit connue pour ses prix dérisoires ? Quelle horreur ! Visez haut, proposez des modèles incroyables, racontez une histoire grandiose, et fixez vos prix en conséquence. Voilà comment il faut faire.

Source Idexonline