Chaim Even-Zohar : les prix du brut vont se stabiliser d’ici à 2016

Mathew Nyaungwa

Le marché du brut et du taillé s’est montré bancal tout au long de l’année en raison de la subsistance de la crise de la dette européenne, d’une reprise économique molle aux États-Unis et de liquidités limitées. [:]

Le président de Tacy, Chaim Even-Zohar, a déclaré que la demande reculait également, l’industrie étant en concurrence avec des produits comme les iPad et les iPhone. Il a souligné que les consommateurs de diamants aux États-Unis et en Chine optaient également pour des pierres de qualité médiocre.

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Chaim Even-Zohar s’est entretenu avec le rédacteur en chef du bureau africain de Rough&Polished, Mathew Nyaungwa, en marge de la conférence inaugurale sur le diamant du Zimbabwe, qui s’est tenue récemment dans la cité balnéaire de Victoria Falls. Il a déclaré prévoir une baisse des prix du brut de l’ordre de 13 % à 15 % dans les années à venir, avant une stabilisation en 2016.

Les facteurs qui ébranlent actuellement l’industrie, a-t-il dit, devraient perdurer.

Il a également soutenu qu’Anglo American avait payé 1 milliard de dollars de trop cette année en acquérant la part de 40 % des Oppenheimer dans la De Beers pour 5,2 milliards de dollars, légèrement plus que prévu à la base, pour porter sa part dans le géant du diamant à 85 %.

Vous trouverez ci-dessous quelques extraits.

Que pouvez-vous nous dire sur l’état actuel du marché du brut ?

L’année dernière, nous avions affirmé sans ambages que les prix du brut allaient chuter. J’avais dit… les prix du brut devront baisser de 13 % à 15 %. D’après nos modèles, les prix du brut devraient encore (continuer de) baisser légèrement, pour finir par se stabiliser, mais pas avant 2016, où nous assisterons à un renforcement des prix.

La faiblesse des prix du brut reflète la situation du marché et en constitue la réponse. Du point de vue de l’industrie, nous ne percevons pas de changements notables qui feraient que 2013 soit mieux que 2012.

Nous devons être très prudents. Nous devons interpréter ce qui se passe de la bonne manière et nous écarter des sentiers battus. Durant la conférence, j’ai présenté des graphiques qui montrent un écart énorme entre l’offre et la demande.

Par le passé, il existait un lien entre la demande et le produit intérieur brut (PIB) mais, depuis le début des années 90, tout au long des années 90 même et durant la dernière décennie, la croissance du PIB a dépassé de loin la croissance de la demande de diamants et cet écart ne fait que grandir. Nous perdons du terrain. Pourquoi ? À cause de la concurrence d’articles comme les iPad, iPhone et autres priorités. Dans une certaine mesure aussi, le manque de publicité, il n’y a pas d’argent dans ce secteur… le marché restera difficile pendant un certain temps.

Même si vous ne vous attendez pas à un changement majeur, en principe, les marchés du brut et du taillé s’améliorent au moment des vacances de Noël et du jour de l’An. Pensez-vous que la tendance sera la même cette année ?

Vous pourrez lire toutes sortes de rapports élogieux sur l’augmentation des ventes de bijoux en diamants. Vous verrez, je suppose que l’augmentation sera de 4 % à 6 % mais, en termes de taillé, l’augmentation n’ira pas au-delà de 1,5 %. Pour quelle raison ? Parce que nous voyons une rétrogradation, nous avons vu que les bijouteries utilisent des diamants meilleur marché. Si vous regardez la valeur des diamants sur un bijou dans son ensemble, vous verrez que le contenu en diamants qui avait augmenté a de nouveau baissé…

J’ai compris que la demande de brut et de taillé de la Chine a reculé cette année. Pour quelle raison ?

La demande en Chine n’a pas tant baissé que ça ; il s’agit plutôt d’une baisse de la qualité des marchandises qui sont achetées. C’est le reflet de la réalité économique. Les diamants ont moins d’importance.

Du coup, qu’est-ce que cela nous dit au sujet de l’avenir de l’industrie diamantaire ?

Si vous regardez la production en 2006 et aujourd’hui, vous constatez une baisse de 30 % en carats. La baisse concerne les carats, le travail, la taille, ainsi que le nombre de bijoux en diamants. Il est très difficile d’accroître les activités si les stocks diminuent. Durant ma présentation, j’ai souligné que les prix du brut ont doublé au moment où nous assistions également à une augmentation de 10 % à 11 % en carats. Pour développer le marché, il faut donc des produits.

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BHP a vendu sa mine de diamants à Harry Winston et Rio Tinto a également manifesté son souhait de sortir de l’industrie. Est-ce que, selon vous, cela s’apparente à un vote de défiance au sein de l’industrie diamantaire ?

Je pense que les causes sont différentes mais que, dans l’ensemble, cela ne sent pas bon, je suis d’accord avec vous. Nicky Oppenheimer avait ses raisons de vendre [ses parts de la De Beers], mais je ne comprends pas la Russie. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement, qui s’est battu toutes ces années pour obtenir une part à hauteur de 51 % dans ALROSA, voudrait la vendre ou la faire entrer en bourse. Je ne comprends pas mais cela ne change rien.

À présent qu’Anglo American est majoritaire dans la De Beers, prévoyez-vous des changements majeurs dans la gestion de la société ?

Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que je pense qu’Anglo a probablement payé au moins 1 milliard de dollars de trop. Je pense également que la direction a fait un effort colossal pour justifier cet achat, d’où une forte motivation pour que la De Beers soit profitable. Ces gens ne sont pas novices dans l’industrie.

Anglo connaît la De Beers depuis toujours et ils ont les compétences et le savoir-faire pour aller de l’avant. Reste à savoir comment Anglo peut progresser car son niveau est déjà très élevé ; sa dette nette dépasse les 10 milliards de dollars. Toute personne qui acceptera le poste de directeur général devra effectuer des changements et, pour cela, vendre des actifs. J’espère qu’ils ne toucheront pas à la De Beers. Ils feront peut-être appel à une sorte d’investisseur chinois pour acheter la De Beers, je ne sais pas, mais en principe je ne pense pas qu’il y aura de changements majeurs. S’il y en a, je suppose qu’ils seront appliqués à bon escient.

Toujours au sujet de la De Beers, le Botswana a décidé de ne pas exercer son droit de préemption pour augmenter sa part dans le géant du diamant de 15 % à 25 %. Pensez-vous que cette décision était judicieuse ?

Même en termes de valorisation, les gens pensent que c’est mauvais pour le pays car l’économie du Botswana dépend trop des diamants. Lorsqu’il n’y aura plus de diamants, que feront-ils de toutes ces usines ? Peut-être aurait-il fallu investir dans autre chose et c’est également valable pour les 10 autres pour cent.

C’était trop cher pour eux et votre vote n’a pas plus de poids, que vous ayez une part de 25 % ou de 15 %. Un  total de 26 % aurait été bénéfique. Ils n’ont donc pas fait la dépense et je pense qu’ils ont eu raison.

Le KP fêtera ses 10 ans l’année prochaine. Après réflexion, comment évaluez-vous cette organisation?

Je sais que tout le monde nous félicite [le KP] pour notre travail mais j’ai des sentiments partagés. Je ne pense pas que ce soit grâce au système du KP que la guerre civile en Angola… [et] au Sierra Leone soit terminée… mais il a participé à rendre l’industrie bien plus transparente, ce qui est bien.

Source Rough&Polished

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