La réunion du Kimberley Process : géniale, décevante ou un peu des deux?

Rough and Polished

Est-il possible qu’une suite de projets achevés soit à la fois impressionnante et décevante ?
Revenons sur ce qui s’est passé à la séance plénière du Kimberley Process de cette année, écrit Rob Bates sur www.jckonline.com. Il s’agit probablement de l’une des séances plénières les plus impressionnantes qui aient eu lieu, les États-Unis affichant une belle liste de réussites.

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Il suffit de consulter le communiqué final, les décisions s’étalent sur six pages. Un mécanisme de soutien administratif ! L’augmentation du nombre de visites de contrôle régulières ! Une discussion sur l’exploitation minière à petite échelle !Lire la suite...

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Et pourtant, lors de la conférence de presse de clôture, le représentant de l’ONG Partenariat Afrique Canada, Alan Martin, n’a cessé de se plaindre. Il s’est montré tellement négatif que Gillian Milovanovic, la présidente du KP, généralement favorable aux ONG, a paru quelque peu irritée.

Comme pour beaucoup de choses au Kimberley Process, tout dépend de la façon dont vous considérez la situation. Ainsi, il est admis depuis longtemps que le KP se porterait bien mieux s’il était assorti d’un mécanisme de soutien administratif (ASM). Lors de la séance plénière de l’année dernière, tous les pays réunis ont convenu d’en créer un. Et pourtant, une grande partie de l’année s’est passée en simples disputes pour savoir qui devait gérer le système.

Enfin, le World Diamond Council est apparu comme le choix le plus populaire. Mais la demande du WDC elle-même a été quasiment bloquée lorsque le délégué russe a voté non au dernier moment, faisant état de craintes sur de possibles conflits d’intérêts. Seul un important lobbying de dernière minute par Eli Izhakoff, le président du WDC, lui a fait changer d’avis.

Il s’agissait là d’un effort héroïque de la part du responsable du WDC, d’une initiative louable… mais vouée à l’indifférence. Ce genre de situation a tendance à exaspérer l’industrie. Dans ce cas, le président du WDC s’escrime pour créer un ASM et le marché n’en reçoit quasiment aucun crédit. En effet, le public ne voit que le résultat final, et non tout ce qu’il a fallu faire pour y arriver. Et ils s’interrogent : en quoi cet ASM constitue-t-il une telle réussite ? Il aurait dû exister depuis belle lurette.

Là réside le problème du Kimberley Process. Le changement sera toujours extrêmement difficile à appliquer dans un environnement où les décisions requièrent l’unanimité absolue de quelque 80 gouvernements. Ainsi, reconnaissons l’incapacité de la présidence du KP à aboutir à une nouvelle définition des diamants du conflit. Certains ont parlé « d’échec ». Mais il ne s’agissait pas seulement de rajouter quelques mots sur du papier. Une nouvelle définition viendrait considérablement étendre la charte du KP et nécessiterait probablement une toute nouvelle série de procédures. Elle permettrait notamment au KP d’inspecter les dossiers des droits de l’homme des différents pays. Le changement serait, comme l’a justement dit Eli Izhakoff, « révolutionnaire ». Une telle évolution serait beaucoup demander à une organisation qui a mis un an à approuver un simple ASM.

J’ai souvent entendu dire que la moindre avancée du KP tenait du miracle. Et je suis d’accord. Mais le problème n’est-il pas là ? Pourquoi l’industrie consacre-t-elle autant d’énergie à une organisation dans laquelle l’accomplissement de petites choses est si difficile ? Ne devrions-nous pas essayer de résoudre ces questions nous-mêmes, au lieu de nous frapper la tête contre les murs en essayant de contrecarrer un obscur fonctionnaire du gouvernement russe ?

Lorsque Ian Smillie, ancien membre du personnel du PAC, a quitté le KP, il a expliqué : « À un certain moment, il faut bien admettre qu’on a mieux à faire. » Je ne suis pas d’accord avec ceux qui abandonnent, c’est immature et contre-productif. Mais je ne peux pas nier le fait le plus important : le Kimberley Process associe des nations, l’industrie et des ONG pour résoudre des problèmes. Cela en fait une organisation extraordinaire. Mais elle se révèle aussi frustrante, bureaucratique et décevante. L’industrie se dit peut-être qu’il existe de meilleures façons de passer le temps.

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Les personnes extérieures à l’industrie associent le KP au commerce des diamants de manière injuste. Après tout, ce n’est pas le marché qui gère le KP. Et pourtant, lorsqu’elle est confrontée à des problèmes d’éthique, l’industrie se tourne presque à chaque fois vers le KP. Ainsi, ses échecs deviennent nos échecs.

Beaucoup dans l’industrie étaient donc sur des charbons ardents l’année dernière, à l’époque où le KP semblait sur le point de se dissoudre. En effet, il n’existait pas d’alternative.

Vous pouvez dire ce que vous voulez sur le RJC et sur le Protocole sur la source des diamants (qui n’est pas prêt de disparaître). Ces initiatives sont dirigées par l’industrie, elles veulent être favorables au marché. Elles représentent un secteur qui prend son destin à bras-le-corps. Elles ont été conçues pour préserver l’intérêt du marché. On peut toujours s’interroger sur leur faisabilité mais je crois que, si vous rassemblez suffisamment de dirigeants, ils peuvent aboutir à une solution viable pour la chaîne de traçabilité qui plaira autant aux détaillants américains qu’au marché intermédiaire. Ils devraient au moins y parvenir plus rapidement que ce qu’il faut à 80 pays pour modifier la définition des diamants du conflit.

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« Le Kimberley Process associe des nations, l’industrie et des ONG pour résoudre des problèmes. Cela en fait une organisation extraordinaire. Mais elle se révèle aussi frustrante, bureaucratique et décevante. »

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Pour de nombreux acteurs du KP, rien de tout cela n’est nouveau. Lors de la conférence de presse, Alan Martin s’est exprimé sur la manière dont son groupe souhaitait faire avancer son dossier auprès d’autres sphères comme l’OCDE. Gillian Milovanovic elle-même explique que l’organisation ne doit être considérée que comme « une étoile dans une constellation ». Les groupes de l’industrie aux États-Unis élaborent leurs propres solutions depuis un certain temps déjà. Pourtant, simultanément, certains s’accrochent au KP comme à une bouée de sauvetage, faisant valoir qu’il doit avoir le dernier mot en matière d’éthique, même s’il apparaît de plus en plus clairement qu’il s’agit d’une impasse.

Nous aurons toujours besoin d’un Kimberley Process, tout simplement parce qu’aucun groupe de l’industrie n’égale sa portée ou sa puissance. Les États-Unis peuvent être fiers de leur année à la tête du KP. Gillian Milovanovic et les autres l’ont laissé en meilleur état que ce qu’ils avaient trouvé. Cependant, on pourrait avancer que la réussite est limitée au vu de la situation actuelle. Le KP affiche une histoire impressionnante mais, comme beaucoup sur le marché commencent à le réaliser, l’avenir est ailleurs.

Source Rough & Polished

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