Avez-vous demandé aux femmes?

Marianne Riou

Depuis maintenant presque deux ans que je travaille dans l’industrie du diamant et que je lis quasi quotidiennement des articles sur le sujet, certains d’entre eux m’interpellent plus que d’autres. Et le thème tant rebattu de la publicité générique est un de ceux-là.[:]

L’année dernière, le débat portait sur la pertinence de relancer la publicité générique, comme lors des belles années de la De Beers. Nous n’en sommes plus là. C’est acté. Le programme World Diamond Mark devait être lancé en juillet dernier (Relisez l’article fort intéressant de Sergei Goryainov, publié sur notre site.) Si vous vous rendez sur le site de la WDM, vous lirez : « It’s the end of something, it’s the beginning of everything… » et « (official site coming October 2013) ». Nous sommes en novembre. Bref. Le programme semble actif néanmoins et le slogan de la prochaine grande publicité générique sur le diamant serait « « When the world loves, we are here  » / « Quand on aime dans le monde, nous sommes là ».

Hum, hum. Je suis perplexe. Pour moi cela correspond quelque peu à : « partout où il y a de l’amour, nous sommes là ». Quand vous êtes amoureux, vous, ça vous intéresse de savoir que : 1) les autres aussi sont éventuellement amoureux ?, 2) les autres « dans le monde », pourraient choisir ou vouloir un bijou en diamant pour sceller leur amour ? Franchement, quand nous sommes amoureux, hormis notre nombril et celui de l’élu(e), qu’est-ce qui nous intéresse ?

Vous m’opposerez certainement que ce slogan se veut généraliste et universel, qu’il s’adresse « à tout le monde », « partout dans le monde », sous-entendu : « Si les autres s’offrent un diamant, pourquoi pas nous?»

J’entends parler tant et plus du consommateur final, de ce qui le touche, le fera réagir, le fera consommer. D’où ma question : avez-vous demandé son avis au consommateur final ? Avez-vous demandé aux femmes ?

Je suppose que oui ? Comme tout bon programme marketing, la WDM a dû faire des études et des sondages auprès des consommateurs.
Mais moi, consommateur final, clairement je ne suis pas touchée. Pourtant je suis mariée et amoureuse de mon mari (je sais, je vous passionne là !) Mais nous n’avons pas éprouvé le besoin de sceller notre amour avec une bague en diamant. Le slogan trop ancien de la De Beers (« A diamond is forever »/ « Un diamant est éternel ») n’est pas arrivé jusqu’à nous. Nous pourrions encore le faire, même hors « bridal ». Mais avec ce nouveau slogan de la WDM, je ne suis pas séduite.

Les femmes sont bien le consommateur final pour les bijoux en diamant, non ? Ce sont surtout les hommes qui les achètent certainement, mais avant tout pour les femmes. Autour de moi, je vois des bagues de fiançailles avec des diamants. Mais pas que. Et pas autant que l’industrie pourrait l’espérer. Je ne pense d’ailleurs pas qu’elles proviennent des vitrines des plus grands joailliers. Certes, nous sommes en France. Notre classe sociale joue. Notre culture joue également. La France dessine toujours le luxe aujourd’hui. De là à le consommer, c’est autre chose. Mais je m’interroge néanmoins sur le désir des femmes ou le désir porté par les femmes. Partout dans le monde.

Dans certains pays, on place sont argent dans les bijoux. Y compris lorsque l’on vient de la classe moyenne. Car enfin, les personnes très riches ont-elles besoin d’être touchées par la publicité générique ? Ne sont-elles pas au-delà de ce type de considération ? Elles ont les moyens ; la question de savoir s’il est judicieux d’investir dans une bague de fiançailles en diamant ne se pose pas. Mais pour les autres ?

Pourquoi penser si souvent en terme de bridal ? C’est bien ce qui est encore sous-entendu dans ce slogan. Pourquoi rester si impersonnel ? Pourquoi ne pas imaginer que ce que chacun, chacune, aime dans l’amour, c’est ce sentiment d’être unique, différent. Nous ne parlons plus seulement d’éternité. Les amours se rompent. Nous ne parlons plus seulement de mariage. Les sociétés occidentalisées n’en sont plus là. Quant aux autres, elles en prennent le chemin. Partout dans le monde, les femmes cherchent, en fonction de leur cadre de vie, de ce qui est simplement et humainement possible, plus d’indépendance, de culture, de liberté, d’égalité…

Nous voulons quoi ? Ancrer plus le diamant dans les démarches de consommation habituelles, tout en n’oubliant pas qu’il s’agit néanmoins d’un produit de luxe.

Pourquoi ne pas imaginer que ces bijoux en diamant pourraient s’offrir à d’autres occasions que des fiançailles, des erreurs à se faire pardonner ? Pourquoi ne pas imaginer un discours, un slogan plus ouvert? Pourquoi ne pas imaginer non plus que les femmes aient envie de se les offrir elles-mêmes ces bijoux, parfois ? Ou que les hommes en portent plus ? Enfin, peut-être faudrait-il un slogan adapté à chaque région du monde, à chaque culture ?

Mais ceci n’est qu’un billet d’humeur. Et ce n’est que mon avis…