2018, l’année de la transparence et autres perspectives

Marianne Riou

Alors ? Où va-t-on ? Cette année sera-t-elle celle du renouveau, de marges explosives, d’un sentiment de sécurité grandissant ? [:]Hum… 2016 nous avait certes permis de confirmer les nouveaux axes qui devaient régir l’industrie du diamant, et 2017 nous a accompagnés vers plus de certitudes. De là à aborder 2018 totalement détendus et optimistes, sûrement pas ; mais nous pouvons tirer des enseignements des deux années passées et être sûrs d’une chose : 2018 sera l’année de la transparence.

J’ai le sentiment que, depuis deux ans et demi, trois ans, l’industrie du diamant surfe sur une même vague. Les tendances qui commençaient à se dessiner pour se remettre des difficultés de 2015 se sont affirmées, le marché est entré dans une nouvelle ère, certainement plus équilibrée, plus réaliste et qui permettra à notre industrie de se tourner vers l’avenir en étant moins ancrée dans des habitudes obsolètes et risquées.

Transparence, RSE, ces préoccupations sont devenues inéluctables

Si la transparence était l’un des sujets principaux ces deux dernières années, c’est aujourd’hui LE sujet. Celui qui sera déterminant en 2018. Celui que nous allons retenir et défendre. Mais aussi celui qui dirigera nombre de nos actions et stratégies de développement dans le futur.

Entendons-nous bien. Vous devez déterminer votre modèle économique, savoir qui sont vos clients, votre valeur ajoutée. Mais vous ne pouvez plus vous poser la question de comment vendre, quel message faire passer et quels sont les impondérables pour perdurer sans vous être soucié et avoir défini, si ce n’est une politique de RSE/responsabilité sociale des entreprises, du moins un engagement social responsable et des pratiques transparentes. Tous vos clients ne s’en soucieront pas ; tous n’iront pas vérifier vos pratiques. Mais il faut que, si d’aventure c’était le cas, vous ne puissiez pas être pris en défaut.

Comment appliquer la transparence et la RSE à « mon » entreprise ?

Plus facile à dire qu’à faire ? Pas forcément. Déjà, vous n’êtes pas pris en traître, les habitudes ont changé, vous le savez, on en tant parlé sur ce site. Les miniers et les banques demandent des garanties. Toujours plus de garanties. Et, par voie de conséquence, vous en demandez aussi à vos fournisseurs.

Commençons par rappeler la définition de la RSE. L’Union européenne en a proposé une, en 2001, publiée dans son Livre Vert de la Responsabilité Sociale des Entreprises (cliquez sur le lien pour y accéder), outil pratique, axé sur la dimension sociale, à destination des entreprises souhaitant s’impliquer dans la RSE. Il s’agit donc de « […] l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir « davantage » dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes. » La RSE concerne d’abord les grands groupes qui, du fait de leur importance et de leur notoriété subissent plus de pressions de l’extérieur et ont plus de moyens pour la mettre en œuvre. Mais elle n’exclut pas les PME qui peuvent – et doivent –l’appliquer dans leur système de gouvernance, leur gestion interne, leur engagement social et local…

La RSE répond également à une norme définie par l’Organisation mondiale de normalisation, soit la norme ISO 26 000, éditée en 2010. Celle-ci propose notamment un schéma qui permet de comprendre de façon rapide et synthétique les champs d’action de la RSE.  Vous y trouverez une définition de la transparence en ces termes : « accessibilité des informations relatives aux décisions et aux activités ayant une incidence sur la société, l’économie et l’environnement (2.6), et volonté d’en assurer une communication claire, exacte, opportune, honnête et complète. » Pour ceux qui comprennent le Français, je vous renvoie à ce portail Internet que je trouve bien fait (cette remarque n’est pas exhaustive !) et qui vous donnera de nombreuses informations et conseils sur la RSE : E-RSE La plateforme de l’engagement RSE et développement durable.

ISO_26000

Revenons maintenant à nos moutons : alors, comment définir et construire votre politique de RSE ?

Vous pourriez par exemple commencer par lister les actions de votre entreprise qui entrent dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises, que ce soit au niveau de la gestion du personnel (plan de formation, apprentissage), du tri des déchets, de vos packagings, du contrôle des marchandises, etc. Ensuite, pourquoi pas un petit brainstorming réunissant des personnes de votre entreprise à tous les échelons (pas que les managers !), que le sujet intéresserait, et qui pourraient, en s’aidant de cette méthode à la mode usant des post-its, lister les bonnes idées, perspectives d’amélioration, projets réalisables à petite ou grande échelle. Choisissez-ensuite les meilleures idées, faites le tri, organisez, déterminez un axe principal, proposez une charte et ligne de conduite et commencez à écrire votre profession de foi. Ce qu’il y a de bien avec la RSE, c’est que l’on ne vous demande pas de tout faire parfaitement, le processus est perfectible en permanence, « work in progress »…

Qu’impliquera ce concept de transparence pour l’industrie du diamant en 2018 ?

Que nous travaillions dans l’industrie du diamant ne change rien à l’affaire. Certes les très grands groupes miniers et joailliers sont plus en avance que les petits diamantaires. Mais leur engagement doit être source d’inspiration. Leur engagement et leurs exigences dans ce domaine sont importants et leur communication, en 2017, a été très axée sur la transparence et leur politique de RSE. ALROSA a ainsi largement communiqué (sur notre site notamment : ALROSA s’engage pour une industrie responsable tournée vers l’avenir) sur ses engagements sociaux en Yakoutie et son positionnement dans des organisations internationales pour défendre la chaîne de valeur du diamant.

Vous disposerez cette année de nouveaux outils pour aller vers une plus grande transparence, comme la terminologie proposée par les membres de l’industrie pour différencier diamants synthétiques et diamants naturels. Ou juste diamants synthétiques et diamants « tout court ». Il serait d’ailleurs souhaitable que la régulation et la législation concernant le commerce de ces derniers progressent. Ils ne sont pas un danger en soi, tant qu’ils sont clairement identifiés et identifiables. Tant qu’il n’y a pas de fraude. Leur place dans le secteur de la joaillerie est dérisoire à l’heure actuelle mais doit être anticipée. Comment impacterait-elle le commerce des diamants naturels ? Comment se positionner par rapport aux diamants synthétiques ? Quelle est la plus-value réelle que les diamants naturels peuvent apporter aux consommateurs d’aujourd’hui et de demain ? Comment les convaincre que l’argument de « l’éthique » et du développement durable (innovation et produit soi-disant « clean », un cocktail détonnant), défendu par les créateurs de diamants synthétiques, n’est pas juste ? Le plus grand tort que font aujourd’hui les diamants synthétiques aux diamants naturels concerne l’image véhiculée. Il est vraiment indispensable que les consommateurs comprennent le « bien » social que peut apporter l’extraction minière traditionnelle aux pays producteurs de diamants. C’est un argument en faveur des diamants naturels et non des moindres.

Diamonds Do Good - couv

Il sera, enfin, toujours plus attendu que chacun soit garant de l’origine de ses diamants et puisse en justifier. Que nous soyons plus transparents sur les prix. Quel autre moyen avons-nous d’attirer de nouveaux financeurs et de rassurer le consommateur final ?

Mais nous devons également prendre le train des nouvelles technologies et innovations, avec l’optique d’une stratégie développée à long terme, prospective et prenant en compte tous les changements qui affectent notre industrie.

Est-ce que Blockchain est un feu de paille ?

Vous vous dites : « Super ces journalistes, régulièrement ils nous sortent un sujet à la mode, en font les gros titres, mais bon, ce n’est que du blabla tout ça ! » Eh bien non, clairement là, ce n’est pas du blabla. Est-ce que Blockchain est l’avenir ? Oui probablement.

De Beers (qui, toujours à l’avant-garde, prévoit un lancement de son registre numérique fin 2018), ALROSA, le AWDC, Lucara, tous se sont positionnés pour défendre et s’investir dans Blockchain. Et c’est une bonne nouvelle ! Le système est gage de transparence tant pour chaque intervenant de la chaîne diamantaire, que pour les banques ou le consommateur final.

Adapter l’utilisation de la technologie Blockchain aux besoins de l’industrie du diamant et s’assurer de la qualité des informations qui seront entrées dans le système ne sera pourtant pas simple et prendra du temps. Et quand bien même Blockchain ne serait pas la solution choisie définitivement pour X raison technique ou éthique, elle indique bien le sens dans lequel l’industrie se dirige aujourd’hui. Si ce n’est pas Blockchain, il ne fait aucun doute qu’un outil du même type sera choisi.

Et autres perspectives pour 2018…

Je ne ferai pas un bilan détaillé de l’année 2017, je vous encourage à lire le très bon article d’Edahn Golan sur ce sujet, il s’en est parfaitement chargé : Les problèmes de l’année 2017 sont-ils signe de croissance pour 2018 ?

L’année 2017 a été moyenne à correcte en termes de ventes de bijoux. Aux USA, les grands joailliers ont connu des difficultés. Même si la saison des fêtes a finalement dépassé les attentes, boostée, entre autres, par les ventes en ligne. Mais en Chine (où Chow Taï Fook a néanmoins perdu des parts de marché) et en Inde, la tendance à l’amélioration s’est précisée tout au long de l’année. Rappelons-nous juste que ces marchés ne ciblent pas le même type de produit.

Il est enfin intéressant de noter que le bilan de l’année pour Tiffany, Forevermark, les groupes Richemont (Cartier et Van Cleef and Arpels), Kering (Pomellato, Boucheron) et LVMH (Tag Heuer, Bvlgari) s’est avéré positif.

Ce qu’on en déduit pour 2018, c’est la place prépondérante que l’on peut attendre des bijoux de marque. Bijoux de marque et de mode. En fait, il faudrait pouvoir répondre aux besoins des consommateurs quels que soient leurs budgets, comprendre leur envie de différenciation et de personnalisation, mais en proposant  des articles de qualité (tant en terme de conception technique que de design) et identifiables.

Sans oublier de créer du désir pour le diamant…  Et ce dernier élément est loin d’être évident ! Le budget marketing de la DPA devrait atteindre 70 millions de dollars en 2018. S’en suivront des campagnes en Inde et en Chine et un renforcement du marketing aux États-Unis. Gageons que cet investissement, associé à des propositions originales et ciblées, trustant les médias numériques qui ont la côte, comme Instagram ou Youtube, contribuera effectivement à améliorer l’image des diamants et le désir qu’ils suscitent.

Après une année 2017 où les prix du taillé ont été stables voir médiocres en saison estivale, la situation s’est améliorée en décembre. Quant aux prix du brut, sur l’ensemble de l’année, ils ont très légèrement augmenté et l’offre baissé. En ce début 2018, la demande est donc bonne, mais ce n’est pas surprenant. Elle va diminuer à nouveau et s’approchera probablement de ce que nous avons connu en 2017, avec, éventuellement, un léger mieux. Il ne faut plus s’attendre à des miracles ou à une croissance exponentielle. Cette époque est révolue. Rien ne sert de s’enferrer dans l’immobilisme en espérant un retour au système traditionnel.

Mais est-ce à dire que l’époque qui attend l’industrie du diamant est moins intéressante ? Non. Elle sera plus versatile, plus en phase avec les lois qui régissent les économies de marché, plus aux prises avec les règles de la concurrence. Les acheteurs de brut et la filière intermédiaire doivent aujourd’hui trouver le moyen de moins dépendre des prix imposés par les miniers. De peser, concrètement, sur ces prix. De pouvoir les négocier. Comment, sinon, augmenter significativement des marges bénéficiaires toujours trop faibles ? Le financement et la transparence en sont sûrement la clef…


Photo © Rio Tinto Argyle, DPA, DR, ISO, Diamonds do good