Sur-stock de brut – Perspectives minières en 2014

Avi Krawitz

Les miniers se retrouvent sur la corde raide ces jours-ci, attentifs à maintenir des niveaux de production à court terme conformes à la demande. [:]La planification de leur production pour 2014 pourrait donc se compliquer, étant donné les conditions du marché du brut.

Leurs clients, les négociants et fabricants qui achètent du brut, déplorent de faibles marges bénéficiaires ces dernières années. Freinés par un crédit bancaire plus strict, ils sont déterminés à voir leurs marges s’améliorer en 2014 et semblent prêts à refuser du brut non rentable – malgré une demande importante avant le sight de la De Beers pour la semaine du 20 janvier.

Or, la demande globale de brut devrait rester stable en 2014, comme en 2013. Les prix moyens pourraient baisser, face à des niveaux de production bien inférieurs aux capacités.

Pourtant, la production a augmenté l’an dernier. Le sentiment, début 2014, est que les sociétés minières ont maintenu des stocks relativement importants. Reste à savoir qui maintient les marchandises dans le sol et qui les stocke dans des coffres.

Peu importe. Les grandes miniers – la De Beers et ALROSA – annoncent des niveaux de production similaires à l’an dernier. Ceux de taille moyenne et petite accélèrent le rythme tandis que leurs projets de développement se concrétisent.

[two_third]En réalité, l’extraction de diamants fait l’objet d’une certaine somme d’investissements de la part des sociétés qui cherchent à accroître leur production au-delà de 2014. Elles misent sur la longévité, prévoyant que l’offre à long terme ne permette pas de répondre à une demande stimulée par l’essor de la consommation en Chine et en Inde. Plusieurs projets devraient donc prendre de l’ampleur en 2014, notamment avec l’expansion des mines actuelles et des programmes destinés à en créer de nouvelles. L’objectif est d’assurer un approvisionnement suffisant pour les dix à vingt prochaines années.[/two_third][one_third_last]

« L’objectif est d’assurer un approvisionnement suffisant pour les dix à vingt prochaines années. »

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La De Beers a certes limité ses dépenses en nouveaux développements miniers, elle vise toutefois à prolonger la production de sa mine phare de Jwaneng au Botswana et de la mine Venetia en Afrique du Sud. À Jwaneng, réputée la mine de diamants la plus riche au monde en valeur, la De Beers travaille sur l’extension du Cut-8 qui permettra de prolonger la mine jusqu’en 2025. La société devrait prendre une décision cette année en ce qui concerne le Cut-9, pour prolonger davantage la vie de Jwaneng. À Venetia, la De Beers a engagé 2 milliards de dollars en octobre pour construire une mine souterraine, qui amènera les opérations au-delà de 2040.

Jwaneng-De-Beers

ALROSA prévoit de faire progresser la production annuelle du groupe, d’environ 35 millions de carats en 2013 à 40 millions de carats en 2020, avant de retomber à 34 millions de carats à plus long terme. La société descend plus profond pour puiser des ressources totales estimées à 1,154 milliard de carats. Sur ses 10 mines en exploitation, celles de Mir, International et Aikhal sont déjà exploitées en souterrain, tandis que la mine souterraine Udachny devrait achever sa transition d’ici 2015. Dans le même temps, l’exploitation de Severalmaz par ALROSA devrait passer de 559 000 carats en 2012 à 10 millions de carats par an au cours des 20 prochaines années.

De la même façon, Rio Tinto a lancé l’année dernière des opérations souterraines à la mine Argyle en Australie. La société devrait récupérer environ 20 millions de carats par an, après 2020. La société espère également lancer la production à la mine Bunder en Inde d’ici 2019, date à laquelle elle prévoit une production annuelle de 3 millions de carats sur 25 ans.

Les sociétés minières de taille moyenne ont connu une année importante en 2013. Dominion Diamond Corporation, anciennement Harry Winston, a acheté la mine Ekati de BHP Billiton et figure désormais comme principal producteur de diamants du Canada. Dominion détient également 40 % de la mine Diavik, exploitée par son propriétaire Rio Tinto à 60 %. Bien que l’exploitation actuelle d’Ekati doive se terminer en 2019, Dominion pense pouvoir étendre la production en développant les cheminées de kimberlite Jay et Cardinal, ce qui prolongerait l’actif de 10 à 20 ans. Petra Diamonds, quant à elle, accroît progressivement sa production pour atteindre son objectif de 5 millions de carats par an, contre 3 millions actuellement. Le minier se concentre sur des programmes d’expansion majeurs dans ses mines Finsch, Cullinan et Koffiefontein. Chacune de ces structures pourrait ainsi bénéficier de 10 ans de vie supplémentaires.

Le petit nouveau, Lucara Diamond Corp., s’attend à une année décisive en 2014. Suite au lancement de sa mine Karowe, au Botswana, la société prévoit de vendre plus de 400 000 carats de diamants cette année, générant ainsi plus de 150 millions de dollars de recettes. Lucara envisage également différentes solutions pour sa mine Mothae, au Lesotho, temporairement arrêtée pour entretien et maintenance.

De même, Gem Diamonds profite de la production de Letseng, sa mine de grande valeur au Lesotho, mais développe la mine Ghaghoo au Botswana. Gem Diamonds devrait lancer sa production à Ghaghoo au second semestre 2014, exploitant l’ensemble de la ressource, estimé à 20 millions de carats.

Firestone Diamonds, également opérationnel au Botswana et au Lesotho, a bénéficié d’un coup de pouce cette semaine en obtenant les 140 millions de dollars nécessaires à la construction de la principale usine de traitement de la mine Liqhobong. La société vise à augmenter sa production dans ces installations, passant d’un peu plus de 150 000 carats dans l’exercice fiscal 2013 à 1 million de carats en 2016. Sa mine BK11, au Botswana, est en cours d’entretien et de maintenance et la société étudie les solutions envisageables pour le projet.

Les propriétaires des mines de Marange, au Zimbabwe, commencent à penser à long terme. La production à ciel ouvert s’épuise en effet dans les concessions actuelles. Certaines sociétés sont prêtes à investir en souterrain, d’autres se montrent plus réticentes à dépenser de l’argent dans ce but.

La mine peut-être la plus prometteuse parmi les nouvelles à venir est celle de Gahcho Kué, au Canada. Il s’agit d’une co-entreprise entre la De Beers et Mountain Province Diamonds. La mine devrait entamer sa production au quatrième trimestre 2015 et produire en moyenne 4,5 millions de carats par an, sur une durée de vie relativement courte de 11 ans.

Dans le même ordre d’idée, la construction de l’usine de traitement de la mine Grib en Russie aurait débuté en 2013. La mine, qui appartient à Lukoil, devrait produire 4 millions de carats par an et disposerait de ressources à ciel ouvert d’environ 57 millions de carats. La production de la mine Renard de Stornoway Diamonds, au Canada, également en cours de construction, devrait commencer fin 2015, pour produire 1,6 million de carats par an sur 11 ans. Le projet Star-Orion South Diamond de Shore Gold a quant à lui bien avancé. Il dispose d’une ressource estimée à 34 millions de carats, pour une durée de vie de 20 ans.

Divers autres projets plus petits sont également à l’étude. La mine Kao, de Namakwa Diamonds, au Lesotho, est en cours de construction. Ses ressources sont annoncées à 3,1 millions de carats. DiamondCorp, quant à elle, devrait lancer l’extraction de kimberlite dans la mine Lace d’Afrique du Sud au cours du troisième trimestre de cette année ; sa production pourrait augmenter pour atteindre 300 000 carats par an, sur une période de 10 ans.

Cette liste, peut-être incomplète, suggère des années à venir relativement mouvementées dans le secteur de l’extraction. Les mines sont rares et longues à développer, ce qui rend ces projets d’autant plus excitants. Toutefois, elles n’ont pas l’ampleur de Jwaneng, Argyle ou Mir, qui annoncent une production annuelle de 10 millions de carats sur 40 ans et plus. Elles ne devraient donc pas changer la dynamique globale de l’offre et de la demande.

Au contraire, les futures mines affichent des tailles relativement petites ; les projets d’expansion sont destinés à maintenir les positions de leurs propriétaires sur le marché. Ainsi, les prévisions de l’offre pour les 20 à 30 prochaines années restent relativement stables. La situation peut favoriser l’investissement dans les entreprises minières, les actionnaires étant motivés par la perspective que l’offre ne réponde plus à la demande à long terme.

Pourtant, leurs perspectives pour 2014 n’en sont pas pour autant stimulées. Les majors restent naturellement modestes sur leurs plans de production pour l’année. Toutefois, compte tenu des programmes mis en place pour augmenter la production à long terme, les chiffres totaux au plan mondial devraient augmenter légèrement en 2014. Reste à savoir si le marché garantira un afflux de marchandises. Il faut en outre tenir compte de l’attitude conservatrice des fabricants envers le marché du brut. Tous les facteurs pointent donc vers une surproduction de brut en 2014. Les miniers pourraient alors avoir à choisir entre maintenir les marchandises dans le sol ou les conserver dans des coffres. Sauf, bien sûr, s’ils sont prêts à vendre plus pour moins cher.

Source Rapaport