Sightholders, attention, la De Beers annonce une nouvelle catégorie de clients

Edahn Golan

Après un siècle de relations commerciales, au cours duquel la De Beers vendait principalement ses diamants à un groupe restreint d’acheteurs sous contrat, les sightholders, la société envisage de créer une nouvelle catégorie de clients réguliers, les acheteurs accrédités.[:] Ceux-ci pourraient être nombreux – ensemble, ils recevront une part importante de la production de la De Beers. Le système sera mis en place dès la prochaine période contractuelle, en mars 2015.

Un peu d’histoire…

Au fil des années, la De Beers a eu deux types de clients pour écouler son brut :

Les sightholders, des clients réguliers qui recevaient 90 % des marchandises, et les enchérisseurs des tenders (De Beers Auction Sales, anciennement Diamdel) qui sont, en quelque sorte, des acheteurs occasionnels pour les 10 % restants.

Dans le cadre d’un remaniement de ses opérations commerciales, la De Beers a simplifié le processus de candidature des sightholders. À la place du parcours éreintant que devaient emprunter les postulants au sight avec les contrats précédents, le nouveau processus de qualification sera simplifié, basé sur la conformité. 

Il conviendra désormais de se conformer aux principes des meilleures pratiques de la De Beers (BPP), d’afficher un certain volume d’affaires, de prouver un certain niveau d’endettement de manière à assurer une couverture financière et, bien entendu, de présenter une bonne gouvernance d’entreprise, avec une transparence financière adéquate. Une fois les premiers critères d’entrée remplis, les candidats peuvent demander un certain approvisionnement, en fonction de leurs besoins.

La De Beers partage ensuite le gâteau : chaque sightholder reçoit un pourcentage donné de certaines marchandises, en fonction des catégories (grosseur, qualité, etc.). C’est, dit simplement, le système de l’ITO (intention de vendre). Chaque sightholder possède une ITO de six mois, il sait ce qu’il va recevoir et quand.

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Lorsque les mines de la De Beers produisent plus de marchandises que prévu, les sightholders profitent d’une offre supplémentaire, proposée hors programme, en plus de l’ITO.

Une nouvelle catégorie de clients…

Voici le programme des acheteurs accrédités, tel qu’il est établi actuellement :

  • Comment devenir acheteur accrédité ? Les sociétés devront postuler, puis satisfaire les critères d’entrée. Dans ce cadre, elles devront prouver que leurs achats de brut, l’année précédant la demande (de mars 2014 à mars 2015 pour le contrat à venir), dépassent un certain seuil. Ce seuil est probablement inférieur à celui imposé aux sightholders postulants et variera en fonction de plusieurs références, comme l’emplacement de la société ou le fait qu’elle possède, ou non, des structures de fabrication dans le cadre d’un programme de valorisation.
  • Combien y aura-t-il d’acheteurs accrédités ? Actuellement, on ne connaît pas vraiment le chiffre envisagé par la De Beers, mais elle évoque « une base importante ». S’agit-il de dizaines d’acheteurs accrédités ? Voire d’une centaine ? La personne de la De Beers à qui j’ai parlé ne le savait pas, mais elle n’a réfuté aucune de ces possibilités, expliquant ensuite que tout dépendra du nombre de demandes. Selon nous, ce chiffre pourrait être important, afin que l’opération en vaille la peine. D’ailleurs, il y a actuellement 83 ou 84 sightholders (la société en déclare 84 mais n’en répertorie que 83).
  • Comment et quand les acheteurs accrédités recevront-ils les marchandises ? Ils devront postuler pour les marchandises hors programme peu avant chaque sight, généralement une semaine avant, sur le système en ligne de la De Beers, utilisé pour communiquer avec les sightholders. Les acheteurs accrédités participeront ensuite à la semaine du sight, conjointement aux sightholders, dix fois par an.
  • Combien paieront-ils les marchandises ? C’est la question que tout le monde se pose. Réponse : comme les sightholders, conformément au tarif de la De Beers. Ils devront régler en espèces, avant la livraison.
  • Qu’en est-il des VAS ? Il sera intéressant de savoir si les acheteurs accrédités devront régler les frais des services à valeur ajoutée (VAS), qui s’élèvent à 1 % à 1,5 % pour l’ITO. La règle veut qu’un sightholder n’ait pas à les régler, mais ils se retrouvent alors en bout de file pour la sélection des marchandises. Ceux qui règlent les VAS auront le choix. Par conséquent, si les acheteurs accrédités demandent des marchandises hors programme et qu’ils n’ont pas d’ITO, la logique voudrait qu’il n’y ait pas de VAS. Sans les VAS, les acheteurs accrédités recevront, de facto, les marchandises à un prix inférieur à celui facturé aux sightholders !
  • Et si la demande dépasse l’offre ? À ce stade, la réponse n’est pas encore évidente. Une solution probable consiste à répartir les marchandises en fonction des performances passées – l’acheteur accrédité qui a acheté davantage de marchandises sera récompensé par une part supérieure de l’offre, lorsque la demande est forte.
  • De quelles marchandises parle-t-on ? L’extension de l’offre de marchandises hors programme concerne toutes les catégories. Cela permettra aux sociétés, quels que soient les diamants qu’elles négocient, d’avoir accès à ce dont elles ont besoin.
  • Les acheteurs accrédités auront-ils besoin d’un courtier ? La De Beers a affirmé à maintes reprises qu’elle n’impose pas aux sightholders d’avoir de courtier. En réalité, rares sont ceux à ne pas en avoir. La De Beers affirme que les acheteurs accrédités pourront choisir leur façon de procéder.
  • Cela implique-t-il un changement pour les tenders ? Les acheteurs accrédités représentent un nouveau type de clients, qui s’ajoute à ceux qui existent déjà, il n’y aura donc pas de changement pour les enchères.
  • Deviendront-ils des sightholders ? C’est possible. La De Beers envisage l’idée que les acheteurs accrédités puissent entrer en lice pour une ITO et ainsi devenir des sightholders. Il est fort probable que l’on constate une ressemblance avec le programme lancé il y a quelques années chez Diamdel, dans lequel les sociétés qui remportaient certains articles aux enchères, pour un montant total minimum sur une certaine période, étaient invitées à postuler pour un sight.
  • Y aura-t-il d’autres avantages ? Les acheteurs accrédités pourront afficher un insigne prouvant leur relation avec la De Beers, à l’instar des sightholders.


Avec les acheteurs accrédités, les tranches du gâteau seront plus fines…

Pour que ce programme fonctionne, la De Beers doit attribuer des marchandises à ce nouveau type d’acheteur. Pour cela, elle doit augmenter la quantité de marchandises hors programme – et cela, clairement, au détriment des sightholders. 

Si l’offre régulière, dont 90 % sont réservés aux sightholders, doit être réduite, même de quelques points en pourcentage, les sightholders vont donc se faire concurrence pour une quantité de marchandises réduite. Un sightholder avec qui je me suis entretenu cette semaine à propos de cette idée a simplement soupiré : « Oy vey ».

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Il existe bien une logique économique…

Vous pouvez soutenir qu’avec davantage de clients, la De Beers réduira sa dépendance envers un client donné. Or, les nombreux nouveaux acheteurs accrédités représenteront ensemble une partie relativement faible des revenus par rapport aux 83 (ou 84) sightholders. Pourtant, en cas de défaillance d’un grand sightholder, la De Beers pourra répartir l’ITO perdue parmi de nombreux autres acheteurs.

Cela m’amène à un autre point, le fait que les sightholders se mettent en quatre pour acheter du brut. L’année dernière, le marché a été ébranlé par la décision des banques de prendre du recul. ABN AMRO et Antwerp Diamond Bank se sont inquiétées : envolée des prix du brut, stabilité des prix du taillé, tendance des diamantaires à continuer d’acheter leurs pleines attributions malgré les faibles marges en résultant… Elles ont alors décidé de forcer la main du système et informé leurs clients et les principales sociétés minières que, à l’avenir, elles ne financeraient plus totalement les achats des sights. Leurs apports sont passés de 100 % à environ 60 % dans certains cas.

L’opération a quelque peu refroidi les prix et a eu un effet de modération sur le marché. La décision de la De Beers d’ajouter des acheteurs accrédités, qui postulent pour les marchandises une semaine avant chaque sight, signifie que, si les prix sont trop élevés, les demandes pourraient diminuer.

La De Beers modifiera aussi certainement ces demandes dans son mécanisme de tarification. Si les sightholders se plaignent, les premiums sur le marché secondaire vont baisser, les résultats des tenders seront mauvais et les demandes de marchandises par les acheteurs accrédités diminueront. Il sera alors évident que les prix seront trop élevés.

Un autre avantage est l’accès au brut qui sera offert à des sociétés plus petites. Elles auront l’occasion de se développer et davantage d’entreprises pourront s’asseoir à la table des grands. On pourrait appeler cela la démocratisation de l’offre.

Les sightholders avec qui j’ai parlé ne sont pas époustouflés par l’idée, mais c’est une bonne nouvelle pour un grand nombre de sociétés, capables et compétentes, qui éprouvaient des difficultés à rentrer dans les rangs des sightholders. Il sera intéressant de voir les conséquences sur le secteur du brut et de la fabrication, et si cela a un véritable effet sur les prix… et les marges.

Source Idexonline