Se réinventer ou mourir

Edahn Golan

Le monde est en constante évolution. Rien n’est figé. Les centres diamantaires, comme d’autres centres de négoce, ne cessent de se modifier. Amsterdam a depuis longtemps perdu son attrait au bénéfice d’Anvers, qui profite de l’ascendant de la Belgique sur le Congo.[:]

Une hausse des coûts de la main-d’œuvre en Europe et le centre avide et bourgeonnant de Tel-Aviv ont amené Israël à devenir le plus grand exportateur de taillé. Les centres où les coûts salariaux sont les plus bas attirent le taillé à eux. D’ailleurs, l’Inde a vite détrôné Israël pour devenir le plus grand centre du taillé.

Pendant un certain temps, un faux sentiment de stabilité s’est installé, un quasi-équilibre : Anvers est le principal centre du brut, Mumbai et Surat en Inde, les grands centres de la fabrication, Israël est le centre du taillé et New York et Hong Kong desservent les centres de consommation.

Ces constantes évolutions expliquent en partie la petite querelle de la semaine dernière entre les fabricants à propos de l’avantage bancaire de l’Inde. Dès lors, on ne peut pas ignorer l’obligation qu’ont les banques indiennes de soutenir les exportations.

Un responsable d’une grande banque israélienne m’a affirmé cette semaine que son établissement réduisait son exposition à l’industrie « en raison des risques » présents. Il y a là une menace pour l’industrie israélienne, en plus du fait que les banques d’Anvers montrent du désintérêt (en retardant sans cesse la vente en attente).

Le déménagement de la De Beers au Botswana constitue une menace supplémentaire pour le centre du brut qu’est Anvers.

La nécessité de se réinventer

Avec le changement, naissent de nouvelles structures. Dubaï a pénétré l’arène du diamant il y a plus de dix ans, attirée par une amnistie fiscale de 50 ans. Une fois sa base initiale créée, l’Émirat a organisé sa première conférence pour ce mois-ci. L’événement participe de son passage à l’étape suivante : devenir une plaque tournante reliant l’Afrique à l’Inde. Dubaï veut se développer en accentuant sa pertinence sur le marché.

En Inde, le gouvernement a constitué un « Groupe de travail destiné à faire de l’Inde une plaque tournante du commerce international du brut ». Le rapport, publié en février, établit une liste de craintes, d’objectifs et d’idées. L’Inde craint que la fabrication ne déménage petit à petit vers la Chine, un pays qui a lourdement investi en Afrique et dans ses ressources. Si les entreprises chinoises rachètent des mines en Afrique, comme c’est le cas au Zimbabwe, elles enverront très certainement le brut pour traitement en Chine, plutôt qu’en Inde.

L’Inde demande déjà à son gouvernement des fonds pour le marketing, une législation fiscale favorable, un quota de réimportation sans taxe pour le taillé, à hauteur de 15 % des exportations moyennes sur les trois dernières années, la création de zones notifiées spéciales (SNZ) pour l’importation et l’échange de brut, une administration simplifiée des exportations, etc.

La Chine applique depuis longtemps une stratégie macro-économique qui vise à favoriser la croissance du pays. Cette stratégie est en partie soutenue par les partenariats conclus par le gouvernement avec toutes les grandes entreprises. Dans ce contexte, une société d’extraction chinoise ne vendra pas de brut aux enchères pour obtenir un prix maximum. Elle vendra directement aux fabricants chinois et créera des emplois, de la richesse et des marges pour les tailleurs, joailliers et détaillants chinois. Cette approche met l’Inde sur la touche.

 

Il est aussi indispensable de se réinventer que de respirer de l’oxygène. À Anvers, le AWDC cherche à renforcer ses liens avec la Chine. Il a ainsi ouvert un centre d’enchères pour le brut et fait pression sur un gouvernement inepte pour obtenir son soutien. En Israël, l’Israel Diamond Exchange organise une série d’événements (foires du taillé, enchères du brut, événements et séminaires haut de gamme) pour améliorer sa réputation.

Aux États-Unis, les détaillants de spécialité perdent des parts de marché face à Blue Nile, qui exerce sur Internet, et à des détaillants multi-canaux. Pour réagir, ils doivent travailler constamment à se réinventer ou accepter de mourir.

Les premières étapes engagées par Israël sont bonnes, elles sont aussi importantes. Il faut féliciter Yair Sahar, le président de l’IDE, pour sa vision et sa volonté de prolonger cet effort, et ce malgré de nombreuses difficultés.

Pourtant, beaucoup reste à faire. Israël doit réfléchir sur le long terme et se tourner vers le bas de la filière, tendre la main aux détaillants et attirer des acheteurs à Tel-Aviv.

Une stratégie à long terme, un ensemble d’objectifs, un plan quinquennal et le soutien du gouvernement, qui encourage les banques à aider le secteur, sont essentiels à la survie de l’industrie israélienne… et à celle de tout autre centre ou entreprise qui veut durer.

Source Idexonline