Possibles secousses dans le monde des diamants synthétiques

Rob Bates

Depuis quelques années, le secteur des diamants synthétiques vit une parenthèse enchantée. La demande n’a pas cessé d’augmenter, notamment aux États-Unis, puisque les consommateurs adoptent de plus en plus ce produit et parce que plusieurs facteurs ont favorisé l’industrie pendant la pandémie de Covid-19. Bien entendu, les prix des diamants synthétiques ont constamment baissé mais, dans certains cas, les coûts de production ont également été réduits et comme la demande globale a augmenté, la plupart des acteurs ont continué de gagner de l’argent. Le marché a donc attiré toujours plus de monde.

Or, la demande est toujours en hausse, alors même que l’économie américaine commence à ralentir. Très récemment, Breitling et Blue Nile ont intégré les diamants synthétiques à leurs bijoux et Swarovski et Pandora ont étendu leur ligne de diamants synthétiques « de mode ». Nous savons maintenant que les diamants synthétiques se rapprochent de la part de marché des diamants naturels, un secteur qui rencontre ses propres difficultés.

Et pourtant, même si les baisses de prix sont fréquentes dans ce secteur, celles des diamants synthétiques cette année ont été particulièrement brusques, notamment lorsqu’un grand fabricant a réduit ses prix du brut. Il est maintenant fréquent d’entendre les négociants annoncer des remises de 95 % ou 96 % par rapport à la liste Rapaport – surtout pour des marchandises avec des nuances. (Et les prix Rapaport reculent eux aussi.) Un exposant du JCK Las Vegas a même annoncé des diamants synthétiques de 1 carat avec une remise de 100 % par rapport à Rapaport, autrement dit gratuits, assurant qu’il gagnerait de l’argent avec le sertissage.

Et même si les baisses des prix de gros ont dépassé celles du retail, les tarifs du retail reculent également. Le problème majeur des détaillants indépendants du secteur des diamants naturels – la concurrence des commerçants en ligne – commence aussi à peser sur l’activité des synthétiques. Étrangement, le seul grand détaillant de diamants synthétiques qui n’a pas baissé ses prix est Lightbox, qui a fixé des tarifs de 800 dollars par carat, un niveau qui avait d’abord été critiqué pour être trop faible.

De l’avis général, le secteur des diamants synthétiques est surpeuplé – aussi bien chez les fabricants que chez les négociants –, une autre chose qui devra changer.

« Nous assistons à plusieurs secousses majeures dans l’industrie, explique Lindsay Reinsmith, co-fondatrice et directrice des ventes d’Ada Diamonds, un détaillant de diamants synthétiques qui vient de conclure un tour de financement de série A. De nombreux fabricants arrivés dans ce secteur ces 18 derniers mois se sont retrouvés sans liquidités et bradent leurs marchandises pour quitter ce marché. La panique est générale mais nous espérons que cela va épurer le secteur. »

Ben Hakman, consultant de l’industrie et fondateur de Fire Diamonds, affirme que, même si les gros acteurs « s’en sortiront », certains des nouveaux venus vont devoir se diriger vers la sortie.

« Il faut quelques années pour affiner sa production. Avec la plupart des CVD sur le marché, la qualité n’est pas au rendez-vous. Les pierres affichent des teintes grisâtres, brunâtres, roses. Les détaillants n’ont plus confiance dans le produit et toute l’activité s’effectue en consignation. »

Certains des nouveaux négociants se retrouvent également lésés, affirme Ben Hakman.

« Des sociétés comme Quality Gold et Green Rocks ont noué des relations avec l’industrie il y a plus de 10 ans, explique-t-il. Mais beaucoup des nouveaux acteurs n’ont pas cette chance. Ils sont arrivés, ont acheté des marchandises, puis les coûts ont baissé. Et aujourd’hui, ils vendent à perte. »

Stanley Wong, un consultant en diamants synthétiques de Hong Kong, affirme que, « étant donné la menace qui plane sur l’économie américaine et la baisse des prix de Rapaport, l’activité des synthétiques ressemble à la tulipomanie. »

« Je reçois des listes de diamants, toujours plus longues, avec des prix toujours plus bas. La demande n’augmente pas au rythme de la production des fabricants. »

Stanley Wong envisage la possibilité d’un atterrissage en douceur mais estime que l’industrie des diamants synthétiques doit repenser son positionnement.

« Les diamants synthétiques ne sont pas du luxe, explique-t-il. Tout le concept du luxe abordable est un oxymore. Surfer sur la vague des diamants naturels ne fonctionne pas. Les diamants synthétiques n’auront jamais la même proposition de valeur. »

« Ce dont l’industrie des diamants synthétiques a besoin, c’est d’une sorte de cohésion, explique Stanley Wong. Pour soutenir l’activité des diamants synthétiques, il faut développer un écosystème qui apparaisse comme une activité internationale, ayant sa propre proposition de vente unique, sa propre histoire. Il faut parler de bonheur, de joie. Les diamants synthétiques sont moins chers, il y a donc de la place pour plus d’innovation dans le design ou dans la taille. »

Or, pour l’instant, l’activité fonctionne sur pilote automatique, explique Stanley Wong. Et c’est dangereux.

« Les fabricants agissent comme s’ils géraient une boulangerie : ils produisent encore et encore. Mais ce n’est pas de la qualité. Ce n’est pas parce que vous avez un four que vous êtes maître boulanger. Et personne ne veut de leur pain. »

Source JCK Online


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