Maxim Shkadov : restez optimiste malgré des problèmes complexes

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Les difficultés à s’assurer une offre régulière de brut ou un crédit bancaire, des marges qui se réduisent et l’absence de marketing générique mondial, tels sont certains des thèmes traités par Maxim Shkadov, le président de l’International Diamond Manufacturers Association (IDMA), dans cet entretien.[:]

Vous avez été réélu président de l’IDMA lors du 36ème World Diamond Congress en juin.Quelles sont, selon vous, les compétences qui vous ont permis de décrocher ce poste ?

Je dirige la plus grande structure de fabrication diamantaire en Europe, Kristall Smolensk, à Smolensk, en Russie occidentale. Et malgré ce que beaucoup de gens pensent, ma société rencontre elle aussi des difficultés pour s’assurer une offre régulière de brut, de brut qui soit adapté, pour garantir que l’usine ne s’arrête pas. Kristall représente 8 % des revenus annuels des travailleurs de Smolensk, ma responsabilité est donc énorme.

Nous sommes sightholders de la DTC, nous nous approvisionnons chez ALROSA et nous rencontrons pourtant des difficultés. Tout comme nos collègues sur le marché, nous subissons la volatilité des prix du brut, souvent imprévisibles et ingérables. Ces conditions provoquent l’apparition de bulles spéculatives et détruisent les marges des fabricants, tout en limitant le financement proposé par les banques.

Alors oui, je pense vraiment savoir ce que l’industrie doit affronter.

Quels sont les principaux défis imposés aux membres de l’IDMA aujourd’hui ? Lors de la réunion de l’IDMA, vous avez évoqué les difficultés de rentabilité. Quelle est la situation aujourd’hui pour les fabricants ?

Les grands miniers, même s’ils ont à affronter leurs propres problèmes, semblent avoir oublié que la régulation du marché du brut est la première condition pour une croissance et une stabilité à long terme de la filière d’approvisionnement. Notre marché, qui vend des diamants bruts et taillés, vend aussi du rêve ! Et pour que les rêves durent, les gens doivent être d’humeur optimiste, pour être réceptifs au marketing des produits de bien-être, comme les diamants et les bijoux en diamants. Pourtant, le facteur bien-être doit provenir d’abord et avant tout des clients directs des sociétés minières.

[two_third]Il me semble que les sociétés minières devraient penser à leurs clients – et les écouter. Chez les fabricants, obtenir un sight ou un contrat a toujours été synonyme de réussite, une chose qui vous donnait confiance en l’avenir, l’illusion du succès. Or, aujourd’hui, un sight ou un contrat ressemble davantage à une punition. Les sightholders et titulaires de contrats ne peuvent espérer que 2 % à 3 % de bénéfices, s’ils en ont. L’équilibre n’est à l’évidence pas en leur faveur. Et, nous le savons, refuser d’acheter est tellement risqué que personne ne l’envisage vraiment, de crainte de perdre le contrat avec le fournisseur et donc des ventes. Parallèlement, les sociétés minières continuent d’enregistrer chaque année des profits record à deux chiffres.[/two_third][one_third_last]

« Or, aujourd’hui, un sight ou un contrat ressemble davantage à une punition. Les sightholders et titulaires de contrats ne peuvent espérer que 2 % à 3 % de bénéfices, s’ils en ont. »

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Que pensez-vous de l’émergence des tenders de brut ? Font-ils du tort aux fabricants ?

Pourquoi se contenter de parler des tenders ? Le système actuel des sights, des clients privilégiés et des clients principaux déséquilibre le marché. Combien de sociétés disposent d’un sight ou d’un contrat de vente du même ordre ? Environ 150 ? Et combien y a-t-il de sociétés de fabrication sur le marché ? Environ 5 000 ? Cela ne trouble personne que 150 sociétés achètent la majeure partie du brut aux producteurs, quelles que soient les conditions, et en versant le prix demandé ? Si l’on prenait la peine d’observer la situation générale – tout le marché en aval et son potentiel sur le marché des produits de luxe – il apparaîtrait évident que le modèle actuel de l’offre de brut nuit aux possibilités de développement et de croissance du marché des diamants et des bijoux en diamants. Les tenders et les enchères ont généralement un triple rôle – dont aucun n’est positif. Ils ne permettent pas de développer de relations à long terme, ils ne laissent aucune chance aux PME sur le marché et ils sont à l’origine de la hausse des prix.

[two_third]Comment peut-on convaincre les fabricants de ne pas tomber dans le piège de payer un prix exorbitant pour du brut, simplement pour réussir à s’en procurer ? Je pense que la solution réside dans une interaction entre les partenaires financiers et leurs clients, les diamantaires. Selon moi, il faut discuter avec les banques, les amener à s’asseoir à la même table que nous et tenter d’établir les bases du financement du brut. J’aimerais inclure TOUTES les banques concernées par le financement de la filière d’approvisionnement, y compris celles originaires d’Inde et présentes dans ce pays. Nous devons inclure tout le monde et nous assurer que les banques indiennes soient parties intégrantes de cet effort. Elles sont très influentes. Elles pourraient bien détenir la clé pour résoudre ce vaste problème.[/two_third][one_third_last]

« Il apparaîtrait évident que le modèle actuel de l’offre de brut nuit aux possibilités de développement et de croissance du marché des diamants et des bijoux en diamants. »

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Est-il vraiment réaliste de penser que les banques voudront financer l’industrie diamantaire alors qu’elles se plaignent souvent de son manque de transparence ?

Le problème est évidemment très sérieux. Les banques se désintéressent du secteur et aucun sang neuf n’est injecté dans le système. C’est la raison pour laquelle, à l’IDMA, nous insistons pour que soit créé un sommet bancaire international pour l’industrie du diamant, qui rassemblera l’industrie, les banques qui financent le secteur et, espérons-le, d’autres banques soucieuses de discuter des perspectives de l’industrie. L’événement est prévu pour la fin de l’année civile. Comme nous l’indiquions, nous espérons la participation des banques de tous les centres diamantaires.

La question du marketing générique est vraiment essentielle pour l’industrie. Alors pourquoi les divers acteurs sont-ils réticents à le financer ? Comment imaginez-vous qu’évoluera la World Diamond Mark Foundation ?

Nous ressentons clairement l’absence d’initiatives de marketing générique, telles que celles précédemment lancées par le Diamond Promotion Service. Depuis que la De Beers s’est retirée de la publicité générique du taillé, les diamants n’ont plus d’appui conceptuel solide. La stimulation de la demande des consommateurs pour les bijoux en diamants a beaucoup ralenti ces dernières années. Il faut absolument que tous les grands acteurs de l’extraction minière se rassemblent et élaborent une approche groupée, une espèce de feuille de route pour l’industrie.

Nous devons donner la plus haute priorité à la stimulation de la demande pour les bijoux en diamants, grâce à des solutions de publicité directe et de marketing créatif. Dans le cas contraire, la fabrication va s’affaiblir, devenir moins efficace et bien moins attractive. Les négociants douteux auront alors l’occasion d’occuper une place plus importante. En revanche, une hausse de la demande pour les diamants fera naître des opportunités saines de concurrence et de développement pour les acteurs du marché.

Depuis presque 10 ans, les miniers ont organisé des discussions interminables et stériles sur la nécessité du marketing générique. Et rien n’a été fait. Il était évident que le marché souffrait de l’absence d’un régulateur, qui assurerait le marketing générique, annulerait (ou au moins réduirait) la volatilité des prix du brut, pour la remplacer par une croissance graduelle stable, essentielle au concept même des diamants, et garantirait la pureté du produit grâce aux principes éthiques les plus stricts.

Toutefois, c’est désormais la World Diamond Mark Foundation qui a les cartes en mains, et nous pensons disposer d’une chance très sérieuse de réintroduire des programmes de marketing et de promotion générique sur le marché en aval. La World Diamond Mark (WDM) est une organisation sans but lucratif, constituée à Hong Kong et créée en 2012 par la World Federation of Diamond Bourses, en vue de faire naître le désir et la confiance des consommateurs à l’égard des diamants. Son objectif principal est de garantir la santé et l’essor de l’industrie des diamants et des bijoux dans le secteur du luxe, en créant de la demande grâce à un réseau de détaillants accrédités et des campagnes de marketing générique. L’initiative s’appuie sur trois activités principales :

·           L’éducation et la formation en matière de diamants pour les détaillants de bijoux, grâce au concept des détaillants accrédités ou Authorised Diamond Dealer (ADD).

·           La consolidation de la confiance des consommateurs grâce au programme d’accréditation des détaillants, Authorised Diamond Dealer, du WDM.

·           Des programmes de promotion et de marketing générique, sur les principaux marchés, pour les diamants et les bijoux en diamants, afin d’améliorer les ventes et les parts de marché des bijoux en diamants.

Pensez-vous que la démocratisation rapide de la technologie soit positive ou qu’elle représente un danger pour les fabricants ?

La technologie est une obligation, une obligation absolue. Plus il y a de technologie, plus le produit est parfait.

L’industrie diamantaire est-elle suffisamment unie pour affronter les défis qui se présentent à elle ?

Nous verrons. L’industrie compte de nombreuses bonnes volontés. Et pour réussir dans ce milieu, vous devez être optimiste.

Source Idexonline