L’essor des fabricants de diamants synthétiques indiens

Stephen Rego

Différents facteurs sont à l’origine de la croissance de l’industrie, malgré la chute précipitée des prix dans toutes les catégories.

La ville indienne de Mumbai, établie depuis longtemps comme le plus grand producteur mondial de diamants taillés naturels, est en passe de devenir le plus important producteur et fabricant de diamants synthétiques. 

La capacité de production du pays a considérablement augmenté : elle a été multipliée par dix en cinq à sept ans. Les exportations de taillé ont également connu un bond important.

La croissance s’est poursuivie l’année dernière, malgré la baisse importante des prix des diamants synthétiques, qui ont chuté de 70 % à 90 % dans de nombreuses catégories, selon les analystes de l’industrie. 

Smit Patel, un administrateur de Greenlab Diamonds et organisateur du sous-comité pour les diamants synthétiques du Gem & Jewellery Export Promotion Council, a déclaré : « Il est évident que l’industrie des diamants synthétiques en Inde est un segment en pleine expansion, quel que soit l’angle sous lequel on l’examine. »

« L’augmentation significative du nombre de fabricants de diamants synthétiques et de réacteurs, ainsi que de personnes employées dans le secteur de la taille et du polissage, témoigne d’une tendance réellement positive. »

Les données des exportations, compilées par le GJEPC, le confirment.

En 2023, les exportations de diamants synthétiques taillés ont progressé de plus de 50 % en volume, pour atteindre 6,45 millions de carats (contre 4,28 millions de carats en 2022), malgré un recul de près de 20 % en valeur, pour un total de 1,38 million de dollars (contre 1,72 million de dollars en 2022).

Les importations de brut synthétique ont suivi une trajectoire similaire.

En 2023, les importations de diamants synthétiques bruts ont augmenté de 31 % en volume, pour atteindre 31,7 millions de carats (contre 17,7 millions de carats en 2022), malgré un recul de 24 % en valeur, pour un total de 1,12 milliard de dollars (contre 1,47 milliard de dollars en 2022).

Il est de notoriété publique que la plupart des nouveaux arrivants sur le marché avaient prévu la baisse des prix et l’ont intégrée dans leur stratégie commerciale.

« La période des profits faciles et immédiats a pris fin avec la baisse des prix », a affirmé Smit Patel.

« Pourtant, la croissance s’est poursuivie grâce aux améliorations technologiques, associées à une production à grande échelle. Ainsi, les structures bien gérées dégagent des marges satisfaisantes, même avec les baisses de prix existantes. »

Vijay Desai, membre du comité de la Lab-Grown Diamond Association de Surat, a affirmé : « La fabrication des diamants synthétiques en Inde concerne principalement des marchandises de qualité destinées aux bijoux. Ce marché connaît une croissance majeure et affiche un énorme potentiel. Depuis deux à trois ans, la ville bénéfice d’importants investissements et au moins 8 000 machines sont en service à ce jour. »

Manish Jiwani, de la société Ecolight Diamonds, qui a créé une unité de production à Mumbai il y a un peu plus d’un an, a souligné qu’en plus de Surat, des usines de production de diamants synthétiques ont également vu le jour à Mumbai et à Jaipur.

Les observateurs de l’industrie considèrent qu’environ 8 000 à 10 000 réacteurs sont actuellement opérationnels en Inde, lesquels emploient principalement la technique du dépôt chimique en phase vapeur, ou CVD.

Selon les observateurs, ce chiffre a doublé par rapport aux 4 000 à 5 000 machines qui étaient en service il y a deux ou trois ans.

Cette hausse de la production (et des importations) de brut est rapidement absorbée par les unités de taille, étant donné la baisse de production des diamants naturels taillés.

On estime que près de 90 % des sociétés qui, auparavant, ne taillaient que des diamants naturels sont désormais entrées sur le marché des diamants synthétiques.

Les grandes sociétés ont transformé leurs unités et consacrent une partie de leur capacité au polissage des diamants synthétiques, tandis que de nombreuses petites structures se sont exclusivement tournées vers les pierres synthétiques.

Nirav Jogani, de Lemon Consultech, un grand cabinet de conseil de l’industrie basé à Surat, a affirmé que le secteur des diamants synthétiques avait développé une filière verticale assez indépendante.

« Il ne s’agit plus d’une petite activité dispersée. Des regroupements se sont produits et il existe environ 10 grands groupes aujourd’hui. Une part importante des petits investisseurs ont rejoint l’un ou l’autre de ces groupes », a-t-il expliqué. 

La baisse des prix du retail n’a pas terni l’humeur des professionnels en Inde, a souligné Nirav Jogani.

« Les capacités augmentent. Les plans d’investissement sont généralement établis à un horizon de deux ou trois ans, de sorte que les investisseurs se montrent assez indifférents aux variations de prix à court terme. »

« Nous constatons effectivement des évolutions. Ainsi, les développements qui étaient par exemple prévus pour une période de 12 mois peuvent maintenant s’étaler sur une plus longue période. En outre, même si les bénéfices effrénés ont disparu, les niveaux de prix actuels permettent encore de dégager des marges raisonnables. Et si l’on y ajoute l’énorme potentiel inexploité, le secteur reste un marché haussier. »

Kira Diam, qui se targue d’être le plus grand fabricant de diamants synthétiques CVD au monde, dispose de plus de 2 000 réacteurs dans ses infrastructures, qui occupent plus de 75 000 m² à Surat et ont été construites l’année dernière.

Mehul Vaghani, de Kira Jewels Inc., à New York, a déclaré : « Nous disposons d’un stock de plus de 20 000 pierres certifiées, prêtes à être expédiées du jour au lendemain aux États-Unis. Nous possédons également une sélection de plus de 75 000 pierres, de 0,18 carat à 15 carats, comprenant des diamants taille brillant mais également toutes les formes fantaisie, de l’incolore jusqu’aux couleurs fantaisie. »

La société lancera sa nouvelle gamme de bijoux cette année lors du salon de Las Vegas.

Greenlab, un nouvel arrivant sur le marché des diamants synthétiques, et l’un des acteurs les plus importants de ce segment, a affirmé avoir enregistré des « ventes impressionnantes » cette année, grâce à une demande en forte progression.

 
« Les États-Unis restent de loin le plus gros marché mais l’Inde montre un développement prometteur. Nous recevons des demandes d’informations de la part de nouveaux détaillants presque tous les jours, en provenance du Moyen-Orient et d’Extrême-Orient », a déclaré Smit Patel.

Greenlab, qui est également installée aux États-Unis, a récemment ouvert des bureaux à Dubaï et à Hong Kong. 

Nombreux sont ceux qui considèrent que les chiffres actuels ne reflètent qu’une petite partie de l’énorme potentiel du marché.

Outre l’impact des améliorations technologiques inévitables, le marché semble devenir plus mature, et des niches spécialisées ont commencé à apparaître.

Selon Smit Patel, certaines unités de Surat ne produisent que des petites pierres, tandis que d’autres se spécialisent dans les grosseurs plus importantes. Quelques rares unités se consacrent aux couleurs et tailles spécialisées.

Or, la production de diamants synthétiques est principalement destinée aux bijoux.

La nouvelle terra incognita à explorer pourrait bien être celle des accessoires de mode, admet Smit Patel, « que l’industrie commence tout juste à appréhender. Les besoins sont totalement différents, il s’agit de gros volumes en grosseurs, tailles et couleurs uniques. Plusieurs acteurs ont déjà engagé des activités de R&D à cet effet. »

Nirav Jogani, qui souligne que les diamants naturels conviennent mieux au segment du luxe tandis que les diamants synthétiques sont plus adaptés aux bijoux de mode, a expliqué que l’industrie doit changer radicalement d’état d’esprit.

« Les fabricants de diamants synthétiques ne doivent pas chercher à « imiter » l’industrie des diamants naturels ni essayer de lui faire concurrence. Ils doivent mettre sur pied une filière indépendante qui intègre l’innovation », a-t-il expliqué. 

Smit Patel et Nirav Jogani pensent également que les emplois industriels des diamants dans les domaines de l’électronique, de l’extraction minière ou dans des industries haut-de-gamme, comme l’exploration spatiale par exemple, sont susceptibles de stimuler la croissance dans les années à venir.

Photo : Kira Diam, qui se targue d’être le plus gros fabricant de diamants synthétiques CVD au monde, a installé  une centrale solaire de 25 mégawatts pour alimenter sa production en plein essor. Elle est l’une des nombreuses sociétés indiennes à investir dans le segment des diamants synthétiques, malgré la baisse du prix des pierres.

Source National Jeweler