Les diamants synthétiques menacent-ils les pierres naturelles ?

Rob Bates

La semaine passée, Israel Diamond Exchange a révélé un nouveau slogan : « Natural is real » (« Le vrai, c’est le naturel »). Il y a là un élégant jeu de mots avec Israël, et un coup bien moins élégant dans la figure des laboratoires producteurs de diamants qui créent, en fait, de vrais diamants.[:] Et tout cela quelques semaines seulement après que la bourse a décidé d’interdire les synthétiques de sa salle des marchés. (Il est intéressant de noter qu’elle avait déjà interdit les diamants de laboratoire il y a 10 ans. On ne sait donc pas trop s’il s’agit d’une nouvelle interdiction ou d’une clarification de la précédente.)

Ces incidents donnent l’impression que le secteur du naturel est dans ses petits souliers face à l’arrivée annoncée des diamants de laboratoire. En fait, il semble terrifié. Et il n’est pas le seul : un rapport récent de l’institut botswanais pour l’analyse de la politique de développement conclut que : « Les synthétiques constituent une menace sérieuse pour l’industrie [minière]. »

Ce qui est vrai, dans une certaine mesure. Mais nous ne devons pas non plus sous-estimer le secteur du naturel. Nous avons tous lu des articles chantant les louanges des diamants de laboratoire. Mais les diamants issus des mines présentent eux aussi des avantages. Voyez plutôt :

Les diamants naturels sont un produit établi, ce qui n’est pas le cas des diamants de laboratoire.

Il n’est nul besoin de qualificatif pour décrire les diamants extraits des mines. Les consommateurs comprennent, ils savent de quoi il s’agit. Plusieurs dizaines d’années de marketing ont porté leurs fruits.

Lorsqu’on évoque les diamants de laboratoire, il faut toujours expliquer. Un astérisque leur sera toujours accolé. Un marketing intelligent pourrait tirer profit de cet astérisque, mais il sera toujours nécessaire.

Les revendeurs préfèrent le naturel, eux aussi. Un cadre de Charles & Colvard a avoué il y a peu que les joailliers « craignent que [la moissanite] ne cannibalise les ventes de leurs diamants. Ils ont déjà investi dans ces derniers. » Si c’est vrai pour la moissanite, qui n’a rien à voir avec un diamant, c’est doublement vrai pour les synthétiques. Et les épisodes récents des synthétiques non identifiés comme tels n’ont pas vraiment contribué à donner confiance au secteur.

Les diamants de laboratoire ne sont pas (encore) si bon marché.

Longtemps, le fait que les synthétiques puissent être vendus moins cher que les naturels constituait un argument de vente important. Après tout, pourquoi payer plus pour à peu près le même produit ? (Voir la fameuse citation de Carter Clarke dans Wired.) Cette attente est devenue un véritable problème pour le marché du synthétique. Les consommateurs s’attendent à ce qu’ils ne coûtent rien – Wired prévoyait 5 $ le carat –, mais ils demeurent chers à produire.

Cette semaine, Michael McMahon, PDG de Scio Diamond, m’a confié : « Pour l’instant, ils coûtent moins cher que les naturels. Je ne sais pas si cela va évoluer. Ici, on pense que [les prix] tendent plutôt vers la parité. » En entendant cela, j’ai comparé des diamants Gemesis à des pierres similaires de Blue Nile, et je n’ai constaté qu’une différence de 15 %. Nous sommes donc en deçà des 20 % à 30 % de moins que Gemesis proposait au début.

En cette période où les consommateurs font preuve de frugalité, toutes les remises font sens. Mais si vous voulez vraiment payer 15 % moins cher, achetez un diamant sur Craigslist. En fait, les laboratoires m’ont signalé que les questions environnementales et éthiques intéressaient les consommateurs bien plus que les remises. Et puisqu’on en parle…

Les arguments éthiques peuvent être réfutés.

La plupart des joailliers estiment que rien ne vaut le naturel. Mais le monde extérieur ne pense pas de la même manière que l’industrie. Pour de nombreux consommateurs, les mines de diamants sont des endroits horribles, théâtre d’esclavage et de travail d’enfants.

La question est, bien entendu, épineuse. Si les producteurs de diamants synthétiques insistent trop sur ces problèmes, ils vont dégoûter les consommateurs de tous les diamants, y compris des leurs. Ils risquent aussi de faire fuir leurs potentiels consommateurs, qui ne veulent pas que le reste de leur stock soit étiqueté comme non éthique ou nuisible.

Pourtant, les laboratoires producteurs rebattent généralement les oreilles des consommateurs à la conscience sociale aiguisée avec les deux mêmes arguments : leurs diamants ne sont pas issus de mines nuisibles pour l’environnement et, affirment-ils, leur production émet moins de carbone. Ils peuvent aussi prouver leur origine et assurer que ce ne sont ni des diamants du conflit ni des pierres associées à des violences quelconques.

Il y a un fond de vérité dans ces deux affirmations. Pourtant, il est tout aussi vrai qu’on peut considérer de nombreux diamants naturels comme éthiques, même en admettant qu’ils proviennent d’un trou dans le sol. Le problème, c’est que la plupart des consommateurs ignorent tout le bien qu’ont fait les diamants pour des pays tels que le Botswana… et l’industrie ne s’est pas vraiment appliquée à le leur raconter.

(Cette semaine, j’ai lu un article qui annonçait que le Botswana Investment and Trade Centre avait fait appel au rappeur Ja Rule pour faire la publicité des diamants botswanais aux États-Unis. Ce n’est pas la première fois qu’on voit de tels programmes, nous verrons bien si cela dure. Quoi qu’il en soit, pour prouver à quel point cette initiative est nécessaire, Ja Rule a annoncé lors d’une conférence de presse qu’il croyait que tous les diamants venaient de Sierra Leone.)

Le plus gros problème reste que, même si les consommateurs entendent la bonne parole prêchée au sujet des diamants botswanais, très peu des pierres vendues voient leur origine garantie. C’est pour cela que de nombreux produits, comme les synthétiques, les diamants recyclés, ou même la moissanite, se livrent à une véritable danse du ventre, mettant en avant leurs origines éthiques. Le secteur du diamant a laissé un vide énorme dans le marché.

Alors, oui, on peut réfuter les arguments éthiques. Mais cela exigerait que l’industrie du naturel propose davantage de diamants à l’origine certifiée, qu’elle communique auprès des consommateurs à la conscience sociale affûtée et qu’elle fasse un réel effort concerté pour résoudre les problèmes qui existent sur sa chaîne d’approvisionnement. C’est un défi de taille… dont le secteur traditionnel ne fait que bien peu de cas.

Les diamants de laboratoire sont un produit extrêmement prometteur. Ils ne sont pas près de disparaître, et ils ont leur place dans l’avenir de notre industrie. Et pourtant, comme toutes les industries naissantes, ce nouveau secteur a connu son lot de défis et de peines. Au fil des années, j’ai entendu plus de promesses de production de masse que je n’ai pu en compter. Pourtant, un jour, quelqu’un trouvera la solution. Et l’industrie traditionnelle aura besoin d’une stratégie pour affronter cela.

Voici mon conseil : le secteur des diamants naturels ne doit pas craindre les diamants de laboratoire ; il doit redouter les raisons qui les rendent attirants aux yeux des consommateurs. Aujourd’hui, les diamants issus des mines les répugnent. Pas plus tard que cette semaine, quelqu’un a écrit sur un forum :

« Dans certains endroits, une frange élitiste commence à rejeter les diamants parce qu’ils sont associés aux conflits, à l’exploitation des enfants, à l’esclavage, etc. J’imagine bien un scénario à brève échéance où les diamants connaîtraient le même sort que les manteaux de fourrure : celui d’un objet de luxe autrefois convoité, mais qu’il serait aujourd’hui inconcevable d’acheter et de porter. »

Alors oui, aujourd’hui, les diamants de laboratoire constituent une menace pour l’industrie du naturel. Mais c’est surtout parce que le secteur traditionnel a laissé cela arriver.

Source JCK Online