Les diamants de Rio sur la sellette : débâcle, désintégration et nouvel Orient

Edahn Golan

Le secteur des mines de diamants est-il en train de se déliter ? À une époque où la division du diamant de BHP Billiton passe par un nouveau tour d’enchères, Rio Tinto a lui aussi annoncé qu’il se déferait peut-être de sa section diamants. Tous deux sont les deuxième et troisième plus grands miniers en diamants au monde et ce possible changement de propriétaire est source de nombreuses questions et préoccupations au sein de l’industrie diamantaire. La première porte sur les conséquences pour l’industrie, BHP étant propriétaire d’une mine, Ekati, au Canada.[:]

Même si certains enchérisseurs de la mine n’ont pas eu la possibilité de passer au tour suivant, les acteurs toujours en lice étudient, paraît-il, un échantillon global du gisement pour les aider à évaluer la production.

Le prix final sera probablement inférieur aux premières estimations de 1 milliard de dollars (les enchérisseurs envisageraient une plage comprise entre 600 et 800 millions de dollars) ; or, un acheteur cherchera rapidement à capitaliser sur la production et peut même envisager de basculer sur un système d’enchères. Cela est d’autant plus vrai si l’acheteur n’est pas issu de cette industrie (Harry Winston Diamonds le serait), mais qu’il vient de l’extérieur (comme la société d’investissement KKR).

Dans le cas de Rio, la situation est un peu plus compliquée. La société possède trois mines d’une valeur comptable totale d’environ 1,17 milliard de dollars. Chaque mine affiche des caractéristiques bien distinctes en termes de volume, de valeur, de type de marchandises ou encore d’espérance de vie et d’emplacement. De ce fait, l’acheteur peut envisager de les vendre séparément et, par la même occasion, d’augmenter le revenu total issu de la vente.

La débâcle et les paris
L’actif le plus facile à vendre est peut-être Murowa, au Zimbabwe ; il pourrait revenir à une compagnie minière chinoise, voire à un consortium de miniers de diamants indiens, si une entité comme India Diamond Ltd décide de s’organiser en groupe (par le passé, plusieurs négociants israéliens ont envisagé d’acheter une mine en Afrique, mais cela ne s’est jamais concrétisé).

Harry Winston peut décider d’abandonner l’offre sur BHP et de racheter plutôt la participation de 60 % de Rio dans la mine de Diavik au Canada, pour en obtenir ainsi le contrôle total. La décision est logique (la société connaît déjà bien la mine), même si beaucoup sur le marché doutent de sa capacité financière à conclure l’affaire (et s’étonnent qu’elle continue à enchérir sur la mine Ekati). L’inconvénient réside dans la courte durée de vie de la mine Diavik, à savoir 10 ans. L’avantage, c’est la rentabilité de l’opération, malgré les importantes liquidités investies.

Argyle, situé en Australie, reste une question difficile. La mine à ciel ouvert s’épuise et le projet souterrain, qui a commencé sous la forme d’une exploitation par blocs de 760 millions de dollars a déjà atteint 2,1 milliards de dollars après que la compagnie ait choisi d’affecter un montant supplémentaire de 0,5 milliard de dollars au projet en décembre. La situation pourrait être qualifiée de « débâcle », si l’on considère non seulement le quasi triplement du coût mais aussi le fait que, pour obtenir un financement auprès des banques, les clients en Inde ont presque été obligés de signer un contrat de trois ans pour bloquer les prix. Si votre portefeuille vous le permet et si vous êtes joueur, l’achat d’Argyle pourrait être un pari intéressant.

Quant au projet d’exploration de Bunder en Inde, ce sera peut-être bien la principale victime des choix de Rio, à moins qu’une société d’exploration diamantaire sérieuse ne s’y intéresse.

Diversification et désintégration
Le processus que nous observons est historique. De Beers s’était établi comme l’acteur principal ; aujourd’hui, nous sommes face à deux mastodontes du diamant, De Beers et Alrosa. Les deux autres grands noms étaient BHP et Rio. Assistons-nous maintenant à une solidification de la position des deux grandes sociétés, les autres conservant au mieux une taille moyenne ?

Ou peut-être une troisième grande compagnie émergera-t-elle ? Ce scénario est peu probable. Gem Diamonds, Petra et les autres ne disposent pas de suffisamment de liquidités, à moins qu’une grande banque n’appuie la transaction.

Par conséquent, il est très possible qu’intervienne une fragmentation du secteur minier oligopolistique, tel que nous le connaissons actuellement, avec l’arrivée de nouveaux acteurs.

Perspectives
D’ici un an, le secteur des mines de diamants aura bien changé. De nouvelles structures vont mettre au point de nouvelles façons de commercialiser les marchandises. L’industrie n’appréciera pas nécessairement et n’en tirera peut-être pas profit.

Avec ces nouveaux acteurs, qu’adviendra-t-il des prix du brut ? Vont-ils baisser grâce à l’accentuation de la concurrence ou augmenteront-ils avec la hausse du nombre d’enchères ? C’est un sujet de préoccupation pour beaucoup.

Dans un précédent article, nous écrivions que, quelle que soit la question, la réponse est toujours la Chine. C’est toujours vrai. BHP et Rio se concentrent sur leur minerai de fer et sur d’autres grandes opérations, lorgnant sur la croissance industrielle continue de la Chine. Quant aux investisseurs des mines de diamants, ils doivent tenir compte de ce pays émergent et de ses consommateurs. Par conséquent, longue vie au « nouvel Orient », qu’il maintienne des prix bas pour le brut et établisse des prix élevés pour le taillé !

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