Le poinçonnage des diamants cherche ses marques

Avi Krawitz

Le poinçonnage, qui a longtemps été utilisé pour les métaux précieux, a actuellement le vent en poupe. Il permettrait de faire la distinction dans la production diamantaire, à une période où les projets de normes de la chaîne de contrôle pour l’industrie ont été mis en sommeil.[:]

À la différence du poinçonnage de l’or ou du platine, qui atteste de la composition du métal précieux, le poinçonnage des diamants sert de certificat d’origine. Il garantit que le diamant satisfait les critères d’approvisionnement recherchés par la génération Y.

« Nous sommes face à une jeune génération qui va rechercher sur Internet des informations sur la responsabilité sociale en matière d’approvisionnement des diamants, a affirmé Marc Altman, de B&E Jewelers, installé à Philadelphie, en Pennsylvanie. Ce sont eux qui en font la demande, même si le pourcentage est encore faible. Ils aiment savoir d’où provient le diamant. » D’après lui, Canadamark, un programme de poinçonnage auquel le joaillier a récemment souscrit, plaît tout particulièrement aux consommateurs américains car les diamants proviennent d’Amérique du Nord, sans aucun lien avec les diamants du conflit.

Pour certains producteurs, notamment au Canada et au Botswana, le poinçonnage pourrait engendrer des marges, sachant que 70 % des consommateurs sont prêts à payer un peu plus pour leurs diamants, selon James Pounds, président et responsable marketing de Dominion Diamond Corporation. Le minier, qui a relancé Canadamark en mai 2014, a fait remarquer que ses objectifs pour la marque vont bien au-delà de la question des diamants du conflit. Il espère mettre en avant la gérance environnementale et la responsabilité sociale de l’industrie diamantaire canadienne, avec pour objectif d’assurer des marges sur la production de la société.

Les écueils de la chaîne de contrôle

Dominion prétend être capable de créer un parcours d’audit, entre ses mines d’Ekati et de Diavik au Canada et ses opérations de taille. Le fabricant reçoit une facture et attribue un numéro de suivi à chaque diamant Dominion destiné à Canadamark, dès qu’il est séparé de l’approvisionnement de brut pour être taillé. Une fois la pierre taillée, le fabricant saisit les informations dans le système de Dominion, accompagnées des détails et des caractéristiques de la pierre. Un numéro de série unique est ensuite inscrit au laser sur le rondiste du diamant et Dominion crée un certificat Canadamark.

Les difficultés à appliquer une telle séparation à grande échelle sont souvent évoquées comme obstacle à la mise en œuvre des normes de chaîne de contrôle, tant vantées pour les diamants.

Des appels pour une attestation d’origine

Le Responsible Jewellery Council (RJC) ne projette pas dans l’immédiat de mettre en place une chaîne de contrôle pour les diamants, comme il l’a fait pour l’or et le platine. C’est en tout cas ce qu’a expliqué un représentant lors d’un entretien en mars 2015. D’après cet échange, le code de pratiques du RJC contient désormais une disposition satisfaisant les organismes qui souhaitent établir une attestation d’origine pour leurs diamants. Le RJC n’a pas répondu à temps à la demande de commentaires de Rapaport News pour que la réponse figure dans cet article.

Martin Rapaport, le président du groupe Rapaport, a souligné dans une présentation du mois de juin, face à des joailliers et diamantaires américains, que le poinçonnage aiderait les sociétés à faire la différence. Il contribuerait à une chaîne de contrôle qui atteste qu’une mine ou une société minière fournit un produit satisfaisant certaines normes éthiques et certaines caractéristiques physiques.

Loin des poinçonnages ordinaires…

De tels poinçonnages, ou certificats d’origine, sont différents de ceux de l’industrie joaillière. Marion Wilson, directrice du Assay Office Birmingham, a expliqué que le poinçonnage est une obligation légale au Royaume-Uni, qui garantit la teneur en métal précieux d’un bijou. Celle-ci est évaluée à l’aide de procédures scientifiques, qui visent à déterminer une teneur en or, en argent, en platine ou en palladium. Un poinçon approprié est alors appliqué à chaque article, a expliqué Marion Wilson.

« Ainsi, lorsque nous apposons un marquage 750 sur un article en or, nous garantissons que le métal contient 75 % d’or, a-t-elle expliqué. L’évaluation d’un diamant est un processus bien différent, elle ne se limite pas à sa composition. Notre service d’authentification et de certification des diamants doit évaluer la qualité de la pierre, sa couleur et sa pureté, il doit dire s’il est naturel ou s’il a été amélioré. Tout cela s’appuie sur une analyse scientifique, ensuite associée à l’avis d’un expert et à l’application des normes de l’industrie. »

… Loin des marques

Le poinçonnage ne doit pas non plus être confondu avec la création d’une marque de diamants, qui se concentre sur la qualité des marchandises, ainsi que sur leur origine, entre autres caractéristiques qui aideront à raconter son histoire.

La De Beers fait appel à ses propres laboratoires pour garantir que chaque diamant satisfait les standards de certification de sa marque Forevermark. Ces pierres proviennent d’une source responsable, à partir de quelques mines sélectionnées – toutes n’appartenant pas à la De Beers –, qui satisfont ses normes en matière sociale, commerciale et environnementale.

forevermark

Toutefois, la De Beers est incapable d’indiquer de quelle mine exactement provient un diamant en particulier, étant donné qu’elle mélange la production de ses différentes mines au Botswana, en Afrique du Sud, en Namibie et au Canada, avant d’approvisionner le marché. Les joailliers et les sightholders de la De Beers font confiance à la promesse d’approvisionnement responsable de la société pour leurs propres initiatives de marque, plutôt qu’à de vrais certificats d’origine. Certains acceptent cette promesse et profitent de l’emplacement de leur installation de taille pour appliquer une marque et commercialiser leurs diamants.

Emanuel Namdar, le directeur général de Schachter & Namdar Asia (SN Asia), a affirmé être capable de profiter de la solide association dont disposent les consommateurs et les joailliers en Chine et à Hong Kong avec des diamants provenant d’Afrique du Sud pour ses propres initiatives de marque. Dans le cadre de l’initiative « Proudly South African » du gouvernement de Pretoria, SN Asia dispose des droits exclusifs d’inscrire le logo et les mots « Proudly South African » sur le rondiste des diamants taillés dans son usine de Johannesburg. « Ceci s’accompagne d’un certificat qui établit que le diamant a été fabriqué à partir de brut acheté et taillé en Afrique du Sud », a expliqué Emanuel Namdar.

Dans le même ordre d’idées, le Diamond Hub du Botswana a autorisé les fabricants à utiliser le poinçon « Polished in Botswana » dans leurs déclarations.

La confiance des consommateurs, un aspect essentiel

Certains considèrent que le Botswana pourrait passer à côté de l’occasion de communiquer sur les diamants qui sont extraits dans le pays. Bien que l’approvisionnement de la De Beers soit vendu sous forme de mélange associé à la production d’autres sites, la société publique Okavango Diamond Company (ODC) a été créée fin 2013 pour ne vendre que des diamants du Botswana.

Jacob Thamage, le coordinateur du Diamond Hub du Botswana et président d’ODC, a fait remarquer, dans un e-mail adressé à Rapaport News, qu’il y avait déjà eu des propositions pour de tels programmes de poinçonnage, au début de la création d’ODC. Toutefois, celles-ci ont été abandonnées lorsque la société a démarré ses opérations et mis en place ses ventes aux enchères.

Les auteurs des propositions avancent qu’un tel certificat d’origine aide les fournisseurs de taillé à améliorer leurs marques et qu’il devient de plus en plus important pour la génération Y, en quête d’une telle distinction.

« Nous constatons un attrait de plus en plus fort pour la responsabilité écologique et sociale dans nos mines. C’est une histoire qui trouve un écho chez les gens, a expliqué James Pounds. La confiance des consommateurs est essentielle à notre activité. Le poinçon est le symbole de cette confiance et de cette intégrité. »

Source Rapaport