Le lobby indien des diamants et des bijoux

Avi Krawitz

Les récentes propositions du Gem and Jewellery Export Promotion Council (GJEPC) pour le budget 2013-2014 de l’Union indienne constituent un pas dans la bonne direction, sans pourtant aller assez loin. [:]Espérons que le gouvernement leur accordera une attention suffisante, au moment d’effectuer ses derniers ajustements, avant le discours budgétaire du ministre des Finances, P. Chidambaram, le 28 février.

La principale proposition consiste à réduire le taux de calcul de l’impôt sur les sociétés, de 6 % à 2,5 % du chiffre d’affaires, et à introduire un quota libre de droits pour les importations de taillé, égal à 15 % des exportations d’une entreprise de l’année précédente.

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Il n’y a pas si longtemps, le GJEPC faisait pression pour l’introduction d’un droit de 2 % sur les importations de taillé. Son objectif était de freiner les « allers-retours », qui ont permis aux sociétés de profiter d’une franchise de droits : elles exportaient et réimportaient immédiatement les mêmes marchandises pour gonfler artificiellement leur volume d’exportation et ainsi bénéficier d’un financement bancaire complémentaire.

Les droits à l’importation ont eu plus d’effet que ce qui était souhaité à l’origine. Associés à la faiblesse de la demande étrangère, ils ont entraîné une réduction spectaculaire du commerce de taillé indien en 2012. Les exportations ont chuté de 37 %, à 16,99 milliards de dollars sur la même période, alors même que les importations reculant de 72 %, à 5,59 milliards de dollars. Nous réitérons notre affirmation de l’année dernière : les « allers-retours » doivent être contrés par un resserrement des prêts bancaires et non au moyen d’une politique fiscale restrictive.

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 » Les exportations ont chuté de 37 %, à 16,99 milliards de dollars sur la même période, alors même que les importations reculant de 72 %, à 5,59 milliards de dollars. »

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Pourtant, selon le GJEPC, du fait des droits, le recul du commerce extérieur de l’Inde reflète actuellement davantage la réalité. Mais ces droits ont aussi eu des effets néfastes : les négociants étrangers ont été découragés de travailler en Inde et la compétitivité du pays a diminué. Il est probable qu’un important volume de taillé, qui aurait autrefois transité par l’Inde, passe désormais par Dubaï, Hong Kong ou d’autres centres de négoce attrayants, qui n’appliquent pas de tels droits. L’année dernière, de très nombreux ressortissants indiens, travaillant pour de grands diamantaires, n’ont cessé d’annoncer des délocalisations destinées à faciliter les échanges.

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Le projet de franchise de 15 % sur les exportations de l’année précédente pourrait aider l’Inde à récupérer une partie de cette activité. Cependant, à dessein ou par défaut, la proposition du GJEPC n’incite pas les sociétés étrangères du secteur du taillé à travailler à Mumbai. Pour que l’industrie se développe en Inde et pour éviter que le pays ne devienne un simple centre de fabrication, les sociétés étrangères doivent rester à Mumbai. Malgré les bons chiffres de l’industrie locale, le pays ne peut pas, à lui seul, gérer un carrefour commercial dynamique. La Bharat Diamond Bourse doit s’ouvrir davantage aux entreprises étrangères ; or, à l’exception de Rapaport qui y a établi son nouveau siège indien cette semaine, et de quelques autres, ce n’est pas le cas.

Portons au crédit du GJEPC que, tandis qu’il œuvre à améliorer les chiffres indiens du commerce du taillé, l’organisation semble faire des progrès dans ses actions de lobbying auprès du gouvernement. L’annonce cette semaine de la réintroduction dans le pays d’une disposition relative à la mise en place ‎d’entrepôts privés ou publics, sous douane, pour les diamants et bijoux, constitue une avancée non négligeable.

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 » Pour que l’industrie se développe en Inde et pour éviter que le pays ne devienne un simple centre de fabrication, les sociétés étrangères doivent rester à Mumbai. »

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Ainsi, les sociétés peuvent s’affranchir des droits respectifs sur le taillé, les pierres de couleurs et les pierres précieuses et semi-précieuses, brutes et non serties, si elles importent dans une zone économique spéciale (ZES) ou dans un entrepôt public sous douane , puis réexportent ˗ à condition d’ajouter au moins 5 % à la valeur des marchandises pendant la période de garde. Encore une fois, cette avancée encouragera la taille de diamants et fabrication de bijoux en Inde, sans pour autant favoriser les échanges.

De surcroît, la recommandation du Conseil d’établir des zones notifiées spéciales pour l’importation et le commerce de brut a pour but de renforcer l’offre de brut aux fabricants. L’objectif est d’attirer des noms comme Rio Tinto, ALROSA et d’autres miniers, mais aussi de grands négociants en concurrence pour la vente de brut. Suite à une hausse de ses importations de brut de 3,7 % en volume en 2012, le GJEPC note qu’une augmentation de la fabrication favorise l’emploi et les exportations de bijoux en diamants, d’où un impact positif sur la balance des paiements.

La chose est peut-être vraie, mais les besoins de fabrication du pays, sans doute déjà satisfaits, pourraient neutraliser l’intérêt des diamantaires internationaux à venir acheter et vendre du taillé à Mumbai sur le long terme.

Le gouvernement affiche un point de vue différent et compréhensible. Porteur de l’un des plus grands déficits budgétaires des grandes économies émergentes, le pays ne devrait pas atteindre son premier objectif de déficit de 5,1 % du produit intérieur brut (PIB) en 2012-2013. Fitch Ratings a annoncé cette semaine une possible dégradation si le pays ne respectait pas ses nouveaux objectifs fiscaux.

L’attention devrait aussi être portée sur le niveau record de 5,4 % atteint par le déficit du compte courant du pays au deuxième trimestre clos le 30 septembre 2012 ; l’effet combiné des deux déficits a probablement contribué à l’affaiblissement significatif de la roupie en 2012. Pour ajouter de l’huile sur le feu, le gouvernement a abaissé jeudi sa prévision de croissance à 5 % pour l’exercice se terminant le 31 mars 2013, en deçà des attentes des analystes.  ‎

Le gouvernement a réagi en tentant de freiner les importations par un meilleur ciblage de sa consommation de métaux précieux. L’an dernier, outre les droits d’importation de 2 % sur le taillé, le gouvernement a mis en place des droits de 6 % sur l’argent et de 4 % sur l’or (relevés à 6 % il y a quelques semaines seulement), bizarrement peu de temps avant le discours du budget.

Même si ces mesures peuvent être nécessaires pour réduire le déficit du compte courant, elles nuisent au commerce local des bijoux et au penchant historique de l’Inde pour toutes les choses qui brillent. Selon le dernier rapport du World Gold Council sur les tendances de la demande d’or, la consommation de bijoux en or de l’Inde a chuté de 16 % en glissement annuel, à 27,42 milliards de dollars au cours des 12 mois au 30 septembre 2012. Cette hausse des droits devrait réduire encore la consommation de bijoux, vu la hausse probable des prix de détail des marchandises en or.

Le GJEPC se retrouve ainsi dans une situation délicate compte tenu des besoins budgétaires du pays. Il doit naturellement choisir ses combats. Les recommandations budgétaires du Conseil ont été prudentes et pourraient, espérons-le, se révéler efficaces quand viendra le 28 février. Pour laisser de la place sur le marché aux entités étrangères, il faudra passer à l’étape suivante, qui nécessitera bien plus qu’une politique des portes ouvertes. En effet, l’industrie locale doit se développer et dépasser les chiffres du marché. Et elle n’y parviendra pas si elle demeure dans un environnement isolé et non concurrentiel. ‎

Source Rapaport