L’année où la confiance est revenue sur le marché diamantaire – Perspectives

Avi Krawitz

Personne n’a vraiment été surpris lorsque le magazine Time a désigné Donald Trump « Personnalité de l’année ». Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Donald Trump a marqué 2016 plus que tout autre. Ce choix en dit autant sur l’impact qu’il peut avoir que sur son élection historique.[:]

Lorsqu’il a fallu choisir le sujet le plus important pour l’industrie diamantaire en 2016, nous avons opté pour des critères similaires. Parmi les nombreuses avancées, controverses et nouvelles motivantes qui ont ponctué l’année, l’événement le plus important sera certainement celui qui aura une influence durable sur le marché.

À cet égard, l’élection de Donald Trump pourrait bien occuper la première place. Les négociants de diamants sont largement optimistes pour la demande américaine. Non seulement les États-Unis ont soutenu la demande mondiale alors que d’autres marchés restaient atones mais la politique de Donald Trump devrait aussi grandement améliorer les conditions de négoce. Les choses seront plus claires, dès son entrée en fonctions, s’il tient sa promesse de baisser les impôts et de créer des emplois – avec par conséquent une augmentation des achats de diamants.

Une demande indienne démonétisée

Pourtant, lorsque l’on regarde les développements politiques qui ont influencé les échanges de diamants cette année, les élections américaines sont éclipsées par la démonétisation en Inde. En réalité, si nous nous lancions à la recherche, façon Time, de la personne la plus influente sur le marché en 2016, le choix probable serait le premier ministre Narendra Modi.

Sa décision audacieuse d’éliminer les billets de 500 et 1 000 roupies, autrement dit de retirer à peu près 85 % de la monnaie en circulation, a eu un effet paralysant immédiat sur le marché diamantaire indien, très influent. Résultat, une chute des ventes de bijoux dans le pays, qui s’appuient sur les espèces, tout comme de la demande de brut et de taillé de qualité inférieure.

La démonétisation devrait quasiment anéantir la demande pour ces catégories spécifiques, au moins au premier semestre 2017. Mais la décision de l’Inde de moins dépendre des espèces a formidablement contribué à légitimer le marché des diamants et devrait créer des conditions plus saines à long terme.

Les banques sont naturellement réticentes quant au côté informel de l’industrie. Et alors que l’Inde cherche à démêler les gros volumes de fausses devises en circulation et s’attaque au blanchiment d’argent, endémique à son économie, son marché diamantaire va devoir se restructurer et devenir plus conforme. Pour cela, Narendra Modi doit être félicité.

Mais une fois de plus, cette initiative à l’encontre des espèces suit une tendance globale vers plus de conformité dans l’industrie.

La conformité financière

Près de la moitié des sightholders de la De Beers respectent désormais les normes de déclaration financière internationales. Les autres devront y parvenir en 2017. De nouveaux accords fiscaux en Belgique et en Israël ont également levé une série d’incertitudes qui planaient sur le marché et devraient améliorer la conformité, les échanges et les liquidités dans ces centres.

Ces facteurs devraient quelque peu améliorer le profil à haut risque de l’industrie aux yeux du secteur bancaire. L’industrie a commencé à s’écarter fortement du risque en 2016, cherchant à devenir plus attrayante pour les prêteurs qui continuent à réduire leur exposition ou quittent totalement le secteur.

Pendant un certain temps, les banques ont vanté les vertus des bénéfices par rapport au chiffre d’affaires pour l’industrie diamantaire, laquelle a toujours cherché à stimuler la croissance en élevant les niveaux de production de taillé. Les diamantaires semblent avoir retenu la leçon des événements de 2014-2015, époque où ils continuaient à acheter du brut malgré des prix très élevés.

Du brut rentable

Cette année, la tendance en matière d’achats de brut s’est révélée rentable. Les miniers ont également semblé tenir compte de la capacité de leurs clients à réaliser des bénéfices. Le principe fondamental du commerce, selon lequel vous ne pouvez gagner de l’argent de manière durable que si c’est également le cas de vos clients, semble avoir fait son chemin.

Les échanges de brut ont été prudents, l’industrie prenant garde à ne pas proposer d’excès de brut ou de taillé. Tandis que le secteur de détail des bijoux continue à se regrouper et à réduire ses stocks, le reste de la filière procède à des rattrapages en optimisant ses réserves.

On peut craindre que l’équilibre entre offre et demande soit compromis car trois nouvelles mines (Renard, Gahcho Kué et Liqhobong) sont entrées en production fin 2016. Bien que ces lancements aient été relativement discrets, ils représentent des volumes importants et amèneront 7 millions de carats de plus sur le marché l’année prochaine.

Reste à savoir si la demande à court terme sera suffisante pour amortir cet apport supplémentaire. Après tout, l’industrie a toujours du mal à stimuler la demande face à une Chine tournant au ralenti, un recul de la demande en Russie et au Moyen-Orient lié au pétrole et une prudence générale en Europe.

Le renouveau du marketing générique – notre événement de l’année en 2015 – n’en est qu’à ses débuts et il lui faudra certainement un an ou deux afin qu’il trouve son rythme. Les campagnes ne devraient pas non plus avoir autant d’influence sur la génération Y, toujours plus consciente des marques, que le marketing générique d’il y a quelques dizaines d’années.

Les garanties des marques

Selon nous, les marques de diamants continueront à se renforcer car les consommateurs sont en quête de toujours plus d’authenticité et de garanties éthiques. Les marques de diamants et de bijoux savent qu’il est nécessaire d’offrir des garanties et ne peuvent le faire qu’en optimisant leur offre à chaque étape de la chaîne de distribution.

Davantage de sociétés ont démontré leur capacité et leur volonté de prouver la provenance de leurs diamants en 2016, qu’il s’agisse de détaillants de bijoux, de miniers et surtout de fabricants. Même si, précédemment, on considérait trop coûteux et trop difficile sur le  plan logistique de séparer les diamants lors du processus de fabrication, cela devient désormais une obligation.

De nouveaux programmes de vérification des sources ont été testés et mis en œuvre au niveau de la vente de détail, obligeant les fournisseurs à garantir la source éthique de leurs diamants (sans conflits, non entachés de violations des droits de l’homme et exempts de synthétiques, pour ne citer que quelques aspects).

Par nature, les programmes du type « Know Your Client » et les programmes des fournisseurs ont pour but de rétablir la confiance dans le marché diamantaire et, surtout, la confiance des clients. Le suivi des diamants sera un élément essentiel de tout message de marque et d’une importance cruciale pour l’industrie dans son ensemble, si elle veut renforcer sa réputation dans la sphère du retail. Puis, lorsque la tendance prendra, ces garanties deviendront essentielles à la pérennité des sociétés qui opèrent dans la filière intermédiaire.

Cette année, tout le monde en a clairement pris conscience. Nous pensons que la tendance se poursuivra et que d’autres entreprises s’attèleront à la tâche en 2017. La capacité des sociétés de diamants et de bijoux à assurer le suivi de leur approvisionnement deviendra ainsi partie intégrante du fonctionnement de l’industrie. C’est donc pour cela que nous portons notre choix d’événement de l’année 2016 sur la vérification des sources. C’est cet aspect qui définira la façon dont notre activité va évoluer.

Source Rapaport