La World Diamond Mark (WDM), récemment présentée par la World Federation of Diamond Bourses (WFDB), réussira, nous l’espérons, là où ses prédécesseurs ont échoué.[:]
Elle prend la relève de feu l’International Diamond Board (IDB), une initiative des grandes sociétés d’extraction de diamants pour développer une stratégie de marketing générique pour l’industrie. Elle est à replacer dans le sillage des campagnes emblématiques de marketing générique de la De Beers qui ont soutenu l’industrie pendant longtemps, avant que la société n’axe sa stratégie sur sa propre marque, laissant les autres acteurs sous le choc de sa baisse de participation dans le marché du luxe.
Son slogan provisoire semble donc bien pensé, même s’il manque d’un certain piquant : « Le World Diamond Mark, la fin d’une époque, tout le reste est à venir… »
Comme par magie, les discussions visant à augmenter les dépenses marketing de l’industrie ont prolongé la période de mutation du marché. D’ailleurs, l’IDB lui-même était né de la crise de 2008.
Cependant, les auteurs de la nouvelle marque à la WFDB sont convaincus d’adopter une approche plus prometteuse, mieux centrée sur le consommateur.
« Selon nous, l’IDB a échoué parce qu’il a été créé depuis l’amont et qu’elles [les sociétés minières qui ont financé l’IDB] en sont restées à décider qui ferait le premier pas, a expliqué Alex Popov, président de la Moscow Diamond Bourse, chargé avec trois homologues d’élaborer le programme de la WDM. Nous avons cheminé de l’aval vers l’amont. Le pouvoir revient au consommateur, puis au détaillant, puis au fabricant, enfin au minier. »
Peut-être l’industrie reconnaît-elle ou admet-elle enfin que le marché est dirigé par la demande et non par l’offre. La De Beers a récemment engagé des démarches similaires en annonçant sa restructuration et une évolution sous-jacente dans son mode d’évaluation des conditions du marché.
Or, il convient de ne pas confondre la WDM avec la marque WFDB, mise à la disposition des négociants et des fabricants et qui est quelque peu passée inaperçue ces deux dernières années. La WDM se limite strictement à un programme de vente au détail.
En se limitant à cette orientation, la WFDB part du bon pied. Le groupe affirme que la WDM marque le début du plus grand programme d’accréditation et de marketing de l’histoire de l’industrie du diamant.
L’objectif est que les joailliers règlent une cotisation conforme à la taille de leur établissement pour devenir négociants agréés ; l’accréditation serait vérifiée et renouvelée tous les deux ans. N’importe quel joaillier pourrait participer au programme à condition d’avoir été recommandé par une bourse locale du diamant ou une organisation affiliée à l’industrie.
Ainsi, le programme pilote, qui sera développé au cours des neuf prochains mois, sera financé par les bourses, les fabricants, les détaillants et les partenaires stratégiques du programme. « Nous ne voulons pas que les miniers financent le projet avant que nous n’ayons concrétisé nos idées, a expliqué Alex Popov. Ils seront alors invités à nous rejoindre et à apporter leur écot, de sorte que les détaillants, l’industrie et les miniers contribuent à parts égales. »
Notons que la WDM en est encore à son stade initial. Tenant compte de l’expérience de l’IDB, la WFDB progresse avec prudence. L’idée a été lancée lors de l’assemblée de la WFDB à Dubaï en mai 2011, après quoi la planification a débuté en septembre de cette même année ; le projet a finalement été présenté et adopté le mois dernier à Mumbai. Cette étape marque le début de la phase de développement, au cours de laquelle l’équipe de la WDM sélectionnera les partenaires définitifs et lancera le programme des neuf prochains mois. La WDM vise un lancement en Chine et à Hong Kong pour commencer, aux environs de juillet 2013, puis un lancement officiel partout dans le monde en janvier 2014.
La World Diamond Mark Foundation a été créée sous la forme d’une organisation à but non lucratif contrôlée par la WFDB ; son rôle sera de lancer le projet. Pour l’heure, elle est supervisée par Alex Popov, Rami Baron, président du Diamond Dealers Club of Australia, Suresh Hathiramani, président de la Diamond Exchange of Singapore et Nicholas Chretien, consultant en marketing stratégique et acteur extérieur à l’industrie. Ceux-ci seront chargés de développer le programme WDM plus avant. Enfin, l’équipe recherchera un président-directeur général qui rassemblera une équipe et dirigera la fondation depuis son siège de Hong Kong.
Il faut avancer avec prudence car les organisations axées sur le marketing générique ont tendance à fixer des buts élevés et souvent inaccessibles.
L’équipe a dégagé six opportunités liées à la création de la WDM : elle permettra d’améliorer l’image de marque des détaillants grâce à la promesse de pratiques responsables, de transparence et de commerce équitable. La marque laissera aussi plus de place aux employés en favorisant le développement des compétences grâce à un programme de formation en ligne. L’objectif numéro trois consiste à produire une campagne de marketing direct ciblée visant à influencer le choix des consommateurs dans leurs achats de diamants et de bijoux. En outre, deux campagnes annuelles de publicité générique soutiendront l’industrie du diamant et des bijoux et feront la promotion des négociants agréés. La WDM vise également à réduire les frais de transaction et s’est associée à de grandes sociétés de cartes de crédit pour garantir l’opération. Quant à l’objectif numéro six, il stipule que la WDM, en sa qualité de première marque mondiale de l’industrie sans but lucratif, assurera un rendement durable pour faire avancer l’ensemble du secteur dans une direction commune.
Enfin, la WDM se veut être la nouvelle voix de l’industrie. Son objectif déclaré est d’être la première association sur le marché du luxe lorsque l’on évoque l’amour et la romance ; elle compte y parvenir en adressant un message simple et générique au public.
Belles paroles, certes, mais qui sont peut-être inévitables. Elles ont un air de déjà vu, même si certains contesteront le principe. Malgré tout, Alex Popov note que les réactions au projet sont allées d’un excès d’enthousiasme au rejet le plus flagrant. Il est encore tôt, ajoute-t-il.
Les sceptiques, notamment dans le secteur de la fabrication, lesquels formaient la majeure partie de l’auditoire à qui le projet a été présenté, peuvent craindre de ne pas pouvoir participer directement au programme tout en ayant à régler une partie de la note. D’autres pourraient redouter que la WDM n’ensevelisse leurs propres efforts de création de marque. Mais peut-être existe-t-il déjà trop de marques ! Certains, et nous-mêmes d’ailleurs, pourront remettre en cause la nécessité d’un marketing générique dans un monde axé sur les marques. Ils mettront en garde le public contre une dépendance excessive sur une campagne destinée à renforcer l’industrie du diamant.
Les sociétés minières seront soulagées de ne plus être appelées à agir. Espérons qu’il s’agisse d’une tendance générale pour s’affranchir de leur influence dans d’autres domaines, pour enfin devenir un secteur véritablement axé sur la demande. Or, les sociétés minières semblent avoir considérablement évolué depuis le rêve générique, tout en continuant à diriger l’industrie en matière de marketing et de création de marques. La De Beers et Rio Tinto sont deux exemples d’entreprises à avoir relevé la barre dans ce domaine. Il serait intéressant que d’autres sociétés, évoluant dans d’autres secteurs de la filière, suivent cette voie et améliorent leur propre marketing et leur création de marques.
Peut-être la WDM contribuera-t-elle à créer cet environnement concurrentiel. Espérons qu’elle complètera et renforcera les efforts individuels des marques de détail au lieu de les remplacer. Le test ultime viendra avec la réaction des consommateurs et la part de marché de l’industrie du diamant dans l’espace du luxe dans quelques années.
Cela vaut certainement la peine d’essayer. Au vu de sa stratégie intégrante axée sur la vente de détail, le projet pourrait bien être à la hauteur de sa promesse. La WDM diffère de l’IDB, elle devrait donc réussir à voir le jour là où les autres initiatives ont échoué. Quant à savoir si tout le reste est à venir, c’est un sacré défi à relever !