La TVA émiratie sera-t-elle un poids pour la croissance du centre diamantaire ?

Aruna Gaitonde

L’annonce récente de l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5 % aux Émirats arabes unis (UAE) sur les diamants bruts aussi bien que taillés, à compter de janvier 2018, a agité et bousculé l’industrie diamantaire indienne qui a noué des liens commerciaux étroits avec le pays.[:]

Les EAU sont récemment devenus le plus gros centre d’échange de diamants au monde, après Anvers. Si la TVA de 5 % est appliquée, les exportateurs indiens de taillé et les importateurs de brut des EAU auront à supporter une taxe élevée 5,25 %, qui englobe la GST de 0,25 % du gouvernement indien. Cela engloutira les bénéfices déjà très minces des fabricants, qui se trouvent dans une situation catastrophique.

Le Dubai Multi Commodities Centre (DMCC) s’intègre depuis 10 ans dans un environnement défiscalisé. En outre, comme la plupart des grandes sociétés diamantaires en Inde ont établi des bureaux dans le DMCC, le brut importé des émirats atteint chaque année une valeur importante. Les diamants négociés aux EAU sont passés de 300 millions de dollars en 2002, année de la création du centre, à 26 milliards de dollars en 2016.

Les éventuelles répercussions financières pour les négociants des EAU sont donc énormes, ce qui a incité Ahmed Bin Sulayem, le président du DMCC, à s’exprimer lors de la récente Dubai Diamond Conference : « Notre pratique commerciale prend ses racines dans un environnement défiscalisé pour l’importation et la réexportation et repose sur un état d’esprit selon lequel c’est l’industrie qui influence le gouvernement et non l’inverse. »

Étonnamment, cette décision du gouvernement émirati intervient alors que Dubaï commence à être perçue comme le prochain grand centre de commerce après New York et Mumbai, et notamment après que de grosses sociétés diamantaires ont délaissé Anvers au profit de Dubaï.

Pour être tout à fait juste, le compte à rebours a commencé il y a quelques années lorsqu’Anvers a vu sa position de prêteur perdre en importance. L’exode vers les EAU de grandes sociétés, mais aussi de banques de financement, a débuté de façon inébranlable. Récemment, le succès de la conférence biennale a renforcé la croyance populaire selon laquelle l’émirat du Golfe est également sur le point de dépasser New York et Mumbai.

Après avoir atteint 25,3 milliards de dollars d’échanges diamantaires au premier semestre 2011, Dubaï a avancé à pas de géants pour devenir un marché mondial de plus en plus important évalué à 57 milliards de dollars, profitant de ses facilités de transport avec l’Inde, le plus gros importateur de diamants au monde.

Lorsque des négociants de diamants d’Anvers, plaque tournante de l’industrie mondiale, se sont retrouvés privés d’un financement plus que nécessaire lors de la fermeture d’un grand prêteur, ils ont trouvé refuge au Moyen-Orient. Les banques prêteuses des émirats ont rapidement saisi l’opportunité, ce qui a incité de nombreuses sociétés à s’établir dans le pays.

De nombreuses sociétés de négoce de brut, financées par des prêts bancaires, ont afflué à Dubaï, un ancien centre d’échanges de perles. Les importations de brut, qui représentaient 5,1 milliards de dollars en 2013, ont bondi à 5,9 milliards de dollars en 2016, obligeant le Kimberley Process à mettre en place un système pour enrayer l’arrivée des diamants du conflit en provenance des zones de guerre.

Aujourd’hui, le financement des diamants, de plus en plus disponible au Moyen-Orient, aide Dubaï à devenir un centre majeur pour l’échange de diamants. Lorsque la Banque diamantaire anversoise, qui a financé plus de 1,5 milliard de dollars pour l’industrie diamantaire pendant environ 80 ans, a cessé ses activités, ABN Amro Bank et Standard Chartered Bank ont suivi la même voie, prévoyant de quitter l’industrie graduellement.

Cela a laissé la place à la National Bank of Fujairah (NBF) qui a ainsi pu entrer sur le marché du financement des diamants. Aujourd’hui, en un peu plus de six mois, la NBF (qui appartient en partie à Dubaï et en partie à Fujairah) a misé sur le basculement du marché d’Anvers vers Dubaï, en proposant des prêts entre 5 millions et 50 millions de dollars aux négociants diamantaires.

Or, la TVA de 5 % annoncée par le gouvernement des EAU sera-t-elle « le caillou dans la chaussure » de Dubaï, l’empêchant de devenir l’un des plus gros centres diamantaires au monde ? Attendons de voir…

Source Rough&Polished