La publicité des diamants

Avi Krawitz

Sanjay Kothari est en mission. Le vice-président du Gem & Jewellery Export Promotion Council (GJEPC) a profité de toutes les occasions au dernier Salon international de la joaillerie en Inde (IIJS) pour souligner la nécessité d’une publicité générique efficace dans l’industrie du diamant.
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Dans un défi lancé à d’autres organismes de l’industrie, Sanjay Kothari a annoncé l’intention du conseil de dégager 10 millions de dollars à affecter à la promotion de bijoux en diamant en Inde pour ces trois prochaines années. Le Congrès mondial du diamant (WDC) a saisi l’occasion et mis la promotion des diamants à l’ordre du jour de sa réunion biennale de Mumbai en octobre.

Cet appel de Sanjay Kothari s’est révélé naturel et nécessaire, compte tenu des conditions actuelles du marché. L’idée du marketing générique tend à gagner du terrain en période de récession. L’International Diamond Board (IDB), aujourd’hui disparu, est né de la crise de 2008-2009. Lorsque les budgets sont serrés, l’industrie a tendance à se lamenter de son manque de marketing, face à des consommateurs qui réduisent leurs achats personnels ou se tournent vers des articles plus tendance et plus mode : les tout derniers téléphones, tablettes, sacs à main et téléviseurs à écran plat ne constituent que quelques-uns des concurrents des diamants aujourd’hui.

Aucun doute, l’industrie du diamant a besoin d’être dopée et une campagne générique y contribuerait certainement. Mais l’industrie doit prendre garde à ne pas trop compter sur une telle promesse, d’autant plus si l’on étudie les tendances actuelles chez les consommateurs

Les consommateurs sont de plus en plus conscients des marques et recherchent des produits vrais, basés sur l’expérience, qui soient authentiques, personnels et mémorables, autant de qualités associées à l’histoire du diamant. Cependant, le message à long terme passe bien plus efficacement dans des campagnes axées sur la concurrence des marques.

Une étude réalisée en 2004 par des chercheurs de l’Université du Texas à Dallas et de l’Université de Floride centrale, intitulée Genericand Brand Advertising Strategies in a Dynamic Duopoly (Stratégies de publicité générique et de publicité de marques dans un duopole dynamique), a constaté que la publicité générique est proportionnellement plus marquante à court terme mais qu’elle génère des effets de parasitisme ; ceux-ci amènent à des dépenses sous-optimales en publicité générique. Le phénomène s’aggrave à mesure que les parts de marché s’équilibrent. Autrement dit, même si les dépenses initiales en publicité générique favorisent les entreprises les plus faibles, son impact s’atténue peu à peu.

« En raison de l’effet de parasitisme, l’entreprise la plus faible peut voir son profit instantané et sa part de marché grimper, d’après les chercheurs. Cependant, l’efficacité de la publicité générique et la répartition de ses avantages ne jouent que faiblement sur les parts de marché à long terme, bien plus influencées par les publicités de marque. »

Bien sûr, l’industrie apprécierait un coup de pouce à court terme, tel que celui que pourrait lui apporter la publicité générique. Mais pour sa stratégie à long terme, mieux vaudrait renforcer l’atout publicitaire parmi ses propres marques afin d’accroître sa compétitivité face à d’autres industries.

Même si les anciennes campagnes génériques de la De Beers ont sans conteste été les plus réussies de l’histoire, le choix de l’entreprise de se diriger vers un marketing axé sur la marque peut très bien se révéler plus efficace. En fait, durant les quelques années où la De Beers a gelé ses dépenses de marketing générique, le marché a considérablement avancé vers une publicité axée sur la marque. La saison des fêtes au quatrième trimestre de cette année devrait plus que jamais conforter cette tendance.

Quant à la De Beers, elle déploie sa campagne Forevermark au-delà des États-Unis. L’entreprise exporte son idée « Forevermark Promise » sur d’autres marchés, en lançant pour la première fois des campagnes de publicité à la télévision et au cinéma en Inde. Rio Tinto a également favorisé ses dépenses de marketing (en dépit de ses intentions annoncées de s’écarter de l’industrie) et semble également engager une approche régionale.

Rio Tinto a lancé sa marque Nazraana en Inde, son but étant de favoriser les achats de cadeaux en diamants dans le pays. Il a également fait équipe avec le joailler hongkongais Chow Tai Fook pour promouvoir les bijoux de mode en Chine et a récemment lancé une initiative baptisée « Diamonds with a Story » au salon JCK Luxury à Las Vegas. L’opération vise à informer les acheteurs, les fabricants et les consommateurs sur la source et la personnalité uniques des diamants de la société.

Un panel de discussion, organisé lors de la Rapaport International Diamond Conference (IDC) la semaine dernière à Mumbai, a souligné que la marque reste le moyen le plus efficace de créer et de fidéliser une nouvelle demande pour les diamants, mais aussi d’apporter de la valeur ajoutée au produit.

« Nous voulons vendre nos pierres à un meilleur prix et ce, grâce à l’image de marque », a expliqué Mehul Choksi, président du groupe Gitanjali, devant le panel. Il a ajouté que la marque reste le moyen le plus efficace de révéler l’attrait émotionnel des diamants. Vikram Merchant, de Rio Tinto, en a convenu et a exhorté les détaillants à « vendre l’histoire du diamant, plutôt que de se concentrer uniquement sur les quatre C. »

Peu d’intervenants contestent que les diamants présentent une opportunité de marketing ultime, compte tenu de leur attrait émotionnel et de leur attractivité en termes d’investissement. Mais seules quelques marques ont réussi à exploiter cet aspect de manière significative, d’où des opportunités que d’autres pourront exploiter .

Curieusement, ce sont encore les sociétés minières qui mènent la charge de l’image de marque, une source de frustrations potentielle pour Sanjay Kothari et d’autres. Peut-être est-ce parce qu’elles ont déjà emprunté la voie du générique par le passé. Suite à l’échec d’IDB, il a été admis que l’industrie ne pouvait pas compter sur les sociétés minières pour se charger du marketing. L’effet de parasitisme serait trop évident et trop rapide à intervenir.

Au contraire, les campagnes génériques devraient être dirigées par l’industrie. Et il faudrait qu’il y en ait plusieurs, chacun des organes menant la charge dans leurs régions respectives. En l’espèce, il faut saluer et encourager le GJEPC mais aussi être conscient des limites du générique, qui n’existent pas pour les produits de marque.

Les ventes de tablettes progressent, mais non pas parce que le concept est nouveau. Elles sont populaires parce que Apple, Samsung, Microsoft, Google et Amazon se battent pour les rendre plus agréables, plus fines et plus branchées. Plus ils œuvrent à gagner des parts de marché, plus ils renforcent l’attractivité générique du produit.

Il s’agit là d’une théorie éprouvée, qui s’appliquera aux diamants comme à tout autre produit. Si l’industrie du diamant veut rivaliser avec les gadgets et les produits les plus tendance dans la sphère du luxe, elle doit prouver qu’elle dispose de marques aussi tendance, élégantes et bien conçues. Les consommateurs, après tout, sont bien conscients de l’attrait émotionnel et de la valeur des diamants en termes d’investissement. Ils ont simplement besoin que des marques concurrentielles fassent passer le message.

Source Rapaport