La De Beers va-t-elle entrer sur le marché des diamants synthétiques ?

Rob Bates

Les partisans des diamants synthétiques avancent souvent que si tous les diamants étaient produits en laboratoire, le problème des diamants du conflit s’évanouirait.[:] Or, comme l’admettent la plupart des ONG qui travaillent sur le sujet, cela pourrait également porter préjudice au marché des diamants « éthiques ». L’industrie le sait, peut-être à la différence du grand public : l’extraction des diamants a fait du Botswana l’une des nations les plus prospères et les plus stables en Afrique. Le film Blood Diamond a fait naître une anxiété considérable dans ce pays, qui dépend largement des recettes des diamants (elles représentent au moins un tiers de son PIB).

Les pro-diamants synthétiques affirment également que ces pierres permettraient de relâcher l’étau de la De Beers sur l’industrie. Bien sûr, la De Beers possède une division des diamants synthétiques plutôt prospère, appelée Element Six, qui produit des diamants industriels, et non des pierres de qualité. La De Beers a maintes fois répété que E6 ne souhaite pas entrer sur le marché du diamant synthétique de qualité.

Vu la faible part des diamants synthétiques dans l’industrie, cela paraît parfaitement logique. La De Beers est une société minière qui extrait des diamants et les diamants de laboratoire constituent une menace pour son modèle d’activité.

[two_third]Mais si les diamants synthétiques gagnent en importance, la De Beers pourrait être tentée de changer d’avis. Elle pourrait même se sentir obligée de le faire. D’une part, elle pourrait en faire une publicité moins hostile à celle des pierres extraites (pour l’instant, la plupart des producteurs de laboratoire évoquent les questions des conflits et de l’écologie). Elle pourrait également appliquer des procédures visant à garantir la déclaration ; certains producteurs de laboratoire ont, à cet égard, alimenté l’ambivalence. L’entrée de la De Beers sur le marché du synthétique pourrait, au moins en théorie, contribuer à protéger le marché du diamant naturel.[/two_third][one_third_last]

« Mais si les diamants synthétiques gagnent en importance, la De Beers pourrait être tentée de changer d’avis. »

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Et, bien sûr, elle pourrait en être un formidable acteur. Non seulement la De Beers sait produire en masse des diamants synthétiques, mais elle l’a déjà fait (ce dont ne peuvent pas se targuer toutes les sociétés qui font parler d’elles dans ce secteur). Elle dispose en effet d’un institut de recherche, qui a appréhendé les techniques sous-jacentes et produit des pierres synthétiques. Elle connaît le marché du diamant et, surtout, ses modes de commercialisation. Les responsables de la société l’ont souvent affirmé en privé : « nous pourrions produire des diamants synthétiques mieux que quiconque. »

Mais quel serait l’impact pour les pays qui dépendent des diamants – le Botswana en particulier, qui possède 15 % de la De Beers ? Pour lui, les diamants synthétiques ne menacent pas simplement un modèle d’activité, ils ébranlent toute une économie. Peu de pays aimeraient voir disparaître un tiers de leur PIB. Une ONG locale, baptisée Botswana Institute for Development Policy Analysis (BIDPA), a récemment étudié la question dans un document intitulé Synthetic Gem Quality Diamonds and Their Potential Impact on the Botswana Economy (Les diamants synthétiques de qualité et leur possible effet sur l’économie du Botswana).

Les conséquences prévues pour le Botswana sont, inutile de le dire, délétères. Le rapport fait état de craintes d’une acceptation généralisée des diamants synthétiques, qui entraînerait une chute des prix des diamants en général. De fausses déclarations pourraient également nuire à la confiance des consommateurs dans les diamants naturels. L’étude aborde toutefois un élément très intéressant à propos des récentes négociations contractuelles entre la De Beers et le Botswana ; évidemment, l’éventuelle arrivée de la De Beers sur le marché du synthétique a été évoquée :

… Le gouvernement du Botswana a demandé à la De Beers de garantir qu’elle n’entrerait pas sur le marché des diamants synthétiques de qualité.

La De Beers a refusé. 

[En revanche], un accord a été conclu en la matière. Il prévoit que si la De Beers entre sur le marché des diamants synthétiques de qualité, elle les commercialisera dans le cadre dans une coentreprise à 75 %-25 % avec le gouvernement du Botswana.

[two_third]Pourtant, l’ONG a conclu que, même si cette transaction atténuait quelque peu la perte des revenus miniers, elle ne compenserait jamais le niveau actuellement produit par le pays.

(Lynette Gould, la porte-parole de la De Beers, m’a répondu : « Nous n’avons pas encore pu consulter le rapport du BIDPA, mais les conditions de l’accord avec le [gouvernement de la République du Botswana] sont évidemment confidentiels. Cela dit, nous n’envisageons pas d’entrer sur le marché des diamants synthétiques. »)[/two_third][one_third_last]

« Les conséquences prévues pour le Botswana sont, inutile de le dire, délétères. »

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La production de masse de diamants synthétiques semble encore très lointaine. On dit pourtant que des esprits brillants, du Botswana et de la De Beers, élaborent des stratégies pour aborder cette possibilité. Nous pourrions ainsi bientôt assister aux prémices d’un nouveau monde.

Source JCK Online