La collection Paris Haute Couture de Pomellato revalorise des pierres endommagées

Emili Vesilind

Les objets profondément endommagés peuvent être restaurés, voire améliorés.

Telle est l’idée qui sous-tendait la collection du joaillier italien Pomellato pour la semaine Paris Haute Couture de 2021 (prévue du 25 au 28 janvier, au format numérique pour cette saison). La collection capsule du joaillier milanais s’appuie sur des pierres endommagées pour présenter une technique de restauration japonaise traditionnelle appelée kintsugi : « kin » signifiant « or » et « tsugi » signifiant « relier ».

Observé pour la première fois au XVe siècle, ce savoir-faire reflète la philosophie japonaise de la résilience, qui aboutit à ce processus de restauration : il transforme un objet dégradé – généralement de la poterie, mais pas uniquement – en un objet précieux.

Ce sont les maîtres vernisseurs qui pratiquent cet art ancien. Leur expertise consiste à réassembler les nombreux morceaux d’un objet cassé, avant qu’une laque à séchage rapide ne les attache pour toujours. Une fois la pâte adhésive appliquée à un objet, celui-ci est mis à sécher pendant plusieurs semaines. Puis la colle est poncée, afin d’égaliser la surface. À ce moment-là, un maître-artisan embellit la jointure désormais lissée, en y appliquant de l’or, de l’argent ou du platine.

La collection couture de Pomellato est le résultat d’une collaboration avec une artiste et maître kintsugi, installée à Tokyo. La série se compose de deux boucles d’oreilles, deux bagues et deux pendentifs, tous arborant du jais noir et du kogolong (une variante blanche de l’opale), artistiquement réparés. Les artisans de l’atelier Casa Pomellato sertissent les pierres sur des designs minimalistes qui mettent en valeur les lignes dorées et bien visibles du kintsugi. 

« Nous nous sommes montrés très respectueux de la sagesse séculaire de cet artisanat. L’objectif n’est pas d’atteindre la perfection mais un résultat très spontané et très individuel, a expliqué Vincenzo Castaldo, directeur créatif de Pomellato, dans un communiqué préparé. Chaque bijou est véritablement unique. Telle est pour moi, la véritable essence de la valeur. »

Une légende est associée aux débuts du kintsugi : le Shogun Ashikaga Yoshimasa (qui a régné de 1449 à 1473) aurait envoyé son bol à thé préféré en Chine pour le faire réparer. Déçu par l’aspect grossier des attaches métalliques utilisées pour le rénover, il aurait mis au défi ses artisans de trouver une meilleure solution. Ceux-ci ont fini par restaurer le bol à l’aide de résine et de poudre d’or, donnant ainsi naissance au kintsugi.

« Je me suis rendu au Japon en 2019. Lorsque j’étais à Tokyo, j’ai approfondi mes connaissances de l’art du kintsugi, a déclaré Vincenzo Castaldo dans le communiqué. J’ai été attiré par l’élégance de la réflexion japonaise et par l’idée qu’un objet cassé puisse prendre de la valeur grâce à ce rituel de réparation. La volonté de célébrer ses cicatrices, qui deviennent un signe de force grâce à la cicatrisation, est une philosophie très contemporaine. »

Le dirigeant a également été frappé par l’idée de convertir des matériaux au lieu de les jeter. « J’ai voulu trouver une façon d’intégrer le kintsugi chez Pomellato, a-t-il ajouté. Milan et Tokyo se trouvent peut-être à des kilomètres de distance mais nous partageons une vision poétique et peu commune de la beauté, loin des idéaux artificiels, et ces deux mondes intègrent la diversité et les imperfections d’une même façon. »

Source JCK Online