Joute verbale entre Rapaport et Diamond Foundry

Rob Bates

Ouverture d’un débat sur les synthétiques, l’éthique et, bien entendu, Leonardo DiCaprio[:]

Plus tôt ce mois-ci, Martin Rapaport a publié une complainte, passionnée comme à son habitude, contre les producteurs de synthétiques en général et contre la start-up de la Silicon Valley, Diamond Foundry, en particulier, qui a fait éclore un débat animé sur différentes pages Facebook (y compris la mienne).

L’article, intitulé « Synthetic Diamond Scam[1] » fustige les producteurs de diamants de laboratoire pour leurs pratiques marketing :

« Il est parfaitement immoral de prétendre que les diamants synthétiques sont plus éthiques que les diamants naturels, à seule fin de gagner plus d’argent, tout en détruisant les vies des personnes les plus pauvres et les plus nécessiteuses au monde. Les diamants synthétiques ne sont absolument pas plus éthiques que les diamants naturels issus du développement ou du commerce équitable. Ceux qui sont à l’origine d’affirmations et d’initiatives marketing qui prétendent que les diamants synthétiques sont plus éthiques que les diamants naturels sont des menteurs.« 

Il inclut également un courrier à un défenseur de Diamond Foundry, Leonardo DiCaprio – qui rejoint ma lettre ouverte de janvier adressée à l’acteur.

Si des sociétés de diamants de laboratoire ont tendance à faire souvent vibrer la corde sensible de l’éthique, c’est peut-être parce que la différence de prix entre les diamants naturels et les diamants de laboratoire reste relativement modeste. L’éthique est devenue leur principal argument de vente.

Et même si l’on met de côté les arguments pour et contre, il existe un risque de manœuvre marketing. Les diamants de couleur de laboratoire ont rarement été présentés comme des alternatives éthiques, simplement comme de jolis diamants vendus à des prix raisonnables. Cela leur a finalement permis d’être acceptés par le marché, même si c’était à contrecœur. Il est un peu étonnant que ce modèle ne soit pas suivi par les sociétés diamantaires, étant donné la sensibilité du marché à ces questions.

Martin Rapaport a soulevé un deuxième point :

« Les diamants naturels servent de réserves de valeur depuis des centaines d’années et les consommateurs considèrent, à tort, que les diamants synthétiques joueront le même rôle. Les consommateurs ont le droit d’être informés de ce qu’ils achètent. Savent-ils que la valeur des diamants synthétiques n’est pas durable et que le prix qu’ils ont payé va considérablement diminuer dans les années à venir ? »

J’ai beaucoup entendu cet argument récemment et, même si je comprends sa logique, il ne me convainc pas.

D’une part, il prend pour hypothèse que le prix des diamants synthétiques va baisser à l’avenir, à l’instar d’autres produits qui deviennent moins chers à mesure que la technologie progresse (iPods, etc.). Nous n’avons pas constaté cela avec les diamants de laboratoire. C’est donc, du moins pour l’instant, un argument basé sur des hypothèses.

Il suppose également que les diamants naturels vont conserver leur valeur. C’est également une hypothèse, qui s’appuie sur les prévisions de l’offre et de la demande de l’industrie lesquelles, quel que soit leur mérite en tant que modèle théorique, se sont en fait révélées bancales.

Enfin, de nombreux consommateurs considèrent que les prix des diamants sont de toute façon artificiellement gonflés. C’est, nous le savons, une idée obsolète et il n’est pas logique d’asseoir un argument marketing sur un stéréotype négatif et dépassé.

Diamond Foundry a répondu à la note de Martin Rapaport sur un ton irrité :

« Il n’existe aucun fondement pour supposer que les diamants de laboratoire « descendront au niveau du CZ ou des cristaux de verre en matière de prix … » que ce soit prochainement ou à plus long terme. Il est très difficile de cultiver des cristaux de la taille d’un diamant en laboratoire. Cela nécessite d’importantes dépenses en capital pour s’équiper d’un appareil complexe du type à semi-conducteurs. Les puces à semi-conducteurs sont devenues très bon marché, mais plutôt grâce à la densité d’intégration des circuits qui s’est faite de plus en plus importante sur les plaquettes de silicium. Les plaquettes elles-mêmes n’ont pas suivi la Loi de Moore. En comparaison, les diamants extraits de la terre sont gratuits dans le sol. Quoi qu’il en soit, les prix des diamants extraits des mines devraient baisser jusqu’à atteindre le niveau du CZ. »

Il a également accusé Martin Rapaport d’être, dans les grandes lignes, le centre du « cartel diamantaire » ce qui, pour reprendre un terme apprécié de Diamond Foundry, me paraît parfaitement fallacieux.

La définition du mot cartel est « une association de fabricants ou de fournisseurs ayant pour objectif de maintenir les prix à un niveau élevé. » La liste Rapaport est en grande partie le travail d’une seule personne et cette personne et sa liste ont souvent irrité les fabricants et les fournisseurs. C’est bien le contraire d’un cartel.

Un cartel a un sens spécifique dans le contexte diamantaire, ce qui est probablement la raison pour laquelle Diamond Foundry l’utilise régulièrement. Par exemple, la société affirmera souvent qu’elle évite les « tarifs de type cartel », même si, dans un entretien, Diamond Foundry m’a affirmé que ses tarifs étaient en grande partie comparables à ceux du marché des diamants naturels.

Lorsqu’un responsable de Diamond Foundry m’a adressé sa première réponse, je lui ai renvoyé un e-mail indiquant : « Vous pouvez faire mieux que ça. » La société m’a de nouveau répondu et la « Lettre ouverte au Botswana » de son PDG est en effet de meilleur aloi et un peu inattendue :

« Notre société est à même d’aider le Botswana – ou toute autre nation africaine intéressée – à devenir un fournisseur mondial de diamants, sans limite dans le temps. Nous avons la volonté de bâtir une fonderie diamantaire en Afrique et de faire entrer les diamants dans l’ère des semi-conducteurs, pour ainsi créer des emplois de haute technologie sur place, bien payés, et faire du pays un leader de la technologie des diamants propres. »

Voilà une proposition bien étonnante, même si elle a des relents d’argument publicitaire. D’une part, elle renvoie la balle dans le camp des gouvernements africains. Il y a à peu près autant de chances que le gouvernement du Botswana lise cette lettre que Leonardo DiCaprio lise la mienne ou celle de Martin Rapaport. Si Diamond Foundry veut vraiment s’établir en Afrique, elle doit le faire. Cela ne peut pas être négatif et, étant donné que les diamants de laboratoire sont inévitables, c’est peut-être le mieux que l’on puisse espérer.

Dernière chose : ce dialogue, s’il était parfois passionné, est très sain au final. (Diamond Foundry participera à un atelier sur les synthétiques au salon JCK Las Vegas en juin.) Mais Martin Rapaport et le JCK touchent un public principalement professionnel. Diamond Foundry a récemment fait l’objet d’une couverture dithyrambique dans Quartz et, le 14 avril, dans CBS Morning News. Entre la presse spécialisée et la presse généraliste, mieux vaut avoir la presse généraliste de son côté. Si le secteur veut vraiment exprimer son avis sur ces problèmes connus, il ne doit plus se contenter de se parler à lui-même.

Source JCK Online


[1] L’arnaque des diamants synthétiques.