« Je suis un jeune homme en colère », déclare le nouveau président du World Diamond Council

Rob Bates

Edward Asscher fait partie de la cinquième génération de diamantaires à diriger la Royal Asscher Co. aux Pays-Bas. Il a été élu président du World Diamond Council le mois dernier. [:]Il est le premier dans l’histoire du groupe à accéder à ce titre par voie de vote. Dans un entretien tout en sincérité, Edward Asscher – qui occupait le mandat d’ancien président du Parti libéral aux Pays-Bas et a représenté le parti pendant quatre ans au Sénat néerlandais – s’exprime sur la façon dont il veut changer le Kimberley Process et indique s’il est possible de rassembler une industrie divisée.

JCK : Vous avez exposé les contours de votre approche dans votre discours au KP. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

[two_third]Edward Asscher : Notre approche a changé. Le KP est une organisation mature. Il a fait du très bon travail et a permis d’épargner de nombreuses vies. Le plus gros défi à relever est celui de l’égalité. Si tous les centres n’utilisent par le même savoir-faire technologique, la concurrence sera faussée et les diamants seront attirés vers le point le plus faible.

Certains bureaux diamantaires n’ont pas d’experts en évaluation. Un autre centre aurait délivré un certificat du Kimberley pour un pli suspect de République centrafricaine. [Note du rédacteur-en-chef : ces diamants sont interdits par le KP.] Si tel est le cas, il s’agit là de bien plus que d’une simple faiblesse du centre.

Les banques se demandent si l’industrie diamantaire est toujours rentable. Quel est le rapport avec le WDC ? Si l’industrie n’est pas capable de financer ses achats de brut, les prix baissent et cela nuit aux pays producteurs en Afrique. Les banques exigent non seulement des procédures strictes au KP, mais également la transparence, la conformité et la pratique d’audits. [/two_third][one_third_last]

« Le plus gros défi à relever est celui de l’égalité. Si tous les centres n’utilisent par le même savoir-faire technologique, la concurrence sera faussée et les diamants seront attirés vers le point le plus faible. »

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J’ai contacté les ONG et tous ceux qui dénoncent le KP. Dans le passé, on évitait de parler de certains problèmes au cours des discussions. Je ne peux pas garantir que nous serons d’accord sur tout, mais nous n’allons pas esquiver les problèmes.

JCK : L’élargissement de la définition des diamants du conflit par le KP pour inclure ceux produits dans des circonstances violentes interviendra-t-il dans un avenir proche ?

Edward Asscher : Le WDC s’est prononcé pour l’élargissement de la définition. Jusqu’à présent, trois pays s’y sont opposés. Je vais travailler dans ce sens, mais cette année, ce sera difficile. L’année prochaine peut-être. 

KPCScertificateJCK : Vous avez déclaré dans votre discours que le KP doit se concentrer uniquement sur les diamants du conflit. Pourriez-vous préciser ?

Edward Asscher : Ce que je veux dire, c’est que je ne souhaite pas inclure les pierres de couleur. C’est une question dont s’occupe le Precious Stones Multi-Stakeholder Working Group [PSMSWG], qui travaille sur l’or et les pierres précieuses. Cela est utile, mais je pense que ce groupe n’a pas la bonne approche.

JCK : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que ce groupe n’a pas la bonne approche ?

Edward Asscher : Nous devons travailler du bas vers le haut. Le [PSMSWG] est très influencé par les gouvernements et les grandes sociétés. 

JCK : Qu’en est-il des objectifs du groupe, d’augmenter les vérifications préalables tout au long de la chaîne d’approvisionnement ?

Edward Asscher : C’est un point très utile à long terme. Mais nous devons réfléchir davantage à la façon de l’organiser et de l’appliquer. Si l’on travaille sur une seule dimension, vous constatez la réaction de certaines des organisations spécialisées dans les pierres de couleur. Que vous soyez ou non d’accord avec des groupes – et je ne suis pas d’accord – comme le KP, vous devez les impliquer dans toutes les discussions.

JCK : Qu’avez-vous pensé du rapport du Partenariat Afrique Canada, qui critique Dubaï ?

Edward Asscher : Je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt. Certaines parties sont très subjectives, du point de vue des ONG. J’ai dit à Alan Martin [un co-auteur] que nous devons accepter le fait de ne pas être d’accord sur certaines questions. Nous différons peut-être dans notre approche de certaines questions, comme le tarif des transferts, mais le WDC doit se pencher dessus. 

Le WDC n’a pas parlé du rapport mais il sera sur la liste des risques potentiels pour le KP. Nous pourrions décider qu’il ne constitue pas un risque. Pour le moment, je ne me prononce pas.

JCK : La liste que vous avez dirigée a été considérée plus axée sur les réformes, plus favorable aux ONG que vos adversaires. Pensez-vous qu’il soit juste de dire cela ?

[two_third]Edward Asscher : Je dirais cela autrement. Le WDC a changé. Il possède un nouveau règlement et il représente cinq secteurs : les miniers, les fabricants, les négociants, les détaillants et certains indépendants. Si vous regardez le KP après 12, 13 ans, vous voyez une organisation mature, il faut voir ce qui a été laissé de côté et ce qu’il faut mettre en place pour rendre le KP étanche. Les fondements du KP et du WDC consistent à défendre l’intégrité de nos marchandises. Nous devons nous assurer que tous les membres de cette industrie gagnent bien leur vie et vivent correctement. Si vous appelez ça être réformateur, alors je suis un réformateur. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Si nous décidons que le KP n’est pas le lieu pour parler de ces questions, nous devrons alors trouver un endroit idoine.[/two_third][one_third_last]

« Les fondements du KP et du WDC consistent à défendre l’intégrité de nos marchandises. Nous devons nous assurer que tous les membres de cette industrie gagnent bien leur vie et vivent correctement. »

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JCK : Pensez-vous que l’industrie est divisée sur certaines de ces questions ?

Edward Asscher : Oui, bien sûr. Il y a des intérêts financiers. Il y a des divergences d’opinion. Les intérêts sont différents selon les pays. Il y a aussi une opposition entre l’ancienne industrie et le monde plus moderne. Mais je ne me fais pas d’illusions : je sais bien que nous ne pouvons pas améliorer le monde entier. Nous pouvons tout de même essayer d’être à la hauteur de ce qui a été fait au KP ces dix dernières années, voire d’être meilleurs.

JCK : Pensez-vous qu’il soit possible d’atténuer ces divergences ?

Edward Asscher : Si vous me demandez si je me suis lancé une mission impossible, je ne crois pas. Je suis en fin de carrière. Je vais tout donner. Nous avons tous intérêt à assurer l’intégrité des diamants en tant que marchandise. Si nous perdons cela, nous perdons notre activité. 

JCK : Pensez-vous que votre expérience politique vous y aidera ?

Edward Asscher : Je dis simplement qu’ils voulaient un jeune homme en colère et qu’ils en ont trouvé un. J’ai passé 44 ans dans l’industrie diamantaire et quatre ans au Sénat des Pays-Bas. Cela m’aide à comprendre la politique. La diplomatie n’est pas toujours la meilleure façon de gérer les choses, mais il faut aussi équilibrer son approche. Il faut toujours travailler ensemble et nous consulter les uns les autres J’ai beaucoup appris des années que j’ai passées au Sénat et j’espère que je vais pouvoir m’en servir. Je considère qu’il s’agit d’une énorme responsabilité. 

Source JCK Online