Indépendance pour le Botswana, quelles modalités ?

Avi Krawitz

Perspectives.
Cinquante ans après son indépendance, le Botswana a toujours un besoin désespéré d’améliorer la diversité de son économie. Sa dépendance aux diamants, qui ne peut pas durer, en est la raison principale.[:]

Cela est apparu clairement lors d’une conférence de l’industrie organisée au cours de la semaine du 16 novembre à Gaborone.

Les diamants ont fait beaucoup de bien pour le pays au fil des années. Entre 1966 et 2014, le produit intérieur brut (PIB) par habitant a progressé à un taux moyen annuel de 5,9 %, l’un des plus élevés au monde sur la période, selon un document publié par la De Beers en vue de la conférence.

L’année dernière, les diamants étaient la source directe ou indirecte de plus de 34 000 emplois dans ce pays d’Afrique australe, contribuant pour 33 % à son PIB. D’après les conclusions du document, le partenariat entre la De Beers et le gouvernement du pays est le plus gros contributeur à l’économie, en dehors du gouvernement lui-même.

BotswanaMais cela concerne l’année 2014, une année dont les bons résultats sont presque embarrassants pour la De Beers.

Cette année montre une réalité toute différente pour la société et, par défaut, pour le pays. Rapaport prévoit que les revenus de la De Beers plongent d’environ 44 % en 2015, ce qui se traduirait par une chute notable de sa contribution en valeur à l’économie. Les exportations de brut du pays ont cédé 41 % en glissement annuel au troisième trimestre et 23 % au cours des neuf premiers mois de l’année, selon des données de la Banque du Botswana.

Cinquante ans après l’indépendance, le Botswana dépend toujours des aléas du marché du brut. Mais le gouvernement doit travailler pour améliorer la compétitivité et la productivité s’il espère diversifier l’économie et diminuer sa dépendance aux diamants, selon plusieurs intervenants de la conférence.

Des faiblesses mises au jour

Les crises financières et économiques ont tendance à exposer les faiblesses des pays africains qui dépendent d’une seule matière première, a expliqué Katso Tshipinare, économiste à la banque Barclays, lors de la conférence. Autant le gouvernement a profité pendant les années de croissance, autant la baisse de la demande et des prix des diamants ont plombé son budget et devrait entraîner un déficit en 2015/2016.

La récession actuelle va probablement durer. Comme nous le faisions remarquer au mois de septembre, le Botswana dispose de réserves suffisantes pour le court terme, mais pas nécessairement pour supporter une crise prolongée. Le problème consistant à savoir comment évoluer dans la crise actuelle n’a attiré que peu d’attention pendant la conférence, même si une réunion des actionnaires de la De Beers, programmée pour le 26 novembre, devait aborder cette question précise avant le sight de décembre.

Les secteurs du brut et du taillé du Botswana pourraient devenir le catalyseur du pays et lui permettre d’obtenir un avantage concurrentiel. La nation doit s’assurer que ses diamants répondent aux normes sociales, éthiques et marketing des consommateurs de la génération Y, ceux qui dictent les tendances de la consommation d’aujourd’hui.

Tout cela m’amène à m’interroger sur la seule chose qui ait manqué lors des discussions de la conférence : Comment développer une marque diamantaire solide « Made in Botswana ».

Grâce à Okavango Diamond Company, qui vend du brut exclusivement extrait du Botswana par l’intermédiaire d’un réseau de 20 usines de taille sur place, un diamant purement botswanais plairait à la génération Y. Or, d’innombrables spécialistes du marketing et consultants en tendances de consommation considèrent que c’est une génération essentielle pour l’avenir des ventes de diamants. Externaliser la production de bijoux à des créateurs et des fabricants locaux pourrait encore renforcer ce message.


Un pilier économique

Certes, le pays doit investir dans sa population, en particulier dans le développement des compétences et l’entrepreneuriat. Cela ne sera toutefois possible qu’avec une industrie diamantaire durable, servant de pilier à l’économie au cours des trois à quatre prochaines décennies, avant que les grandes ressources naturelles du Botswana ne s’épuisent.

Les options qui permettraient de diversifier l’économie semblent limitées. Les intervenants à la conférence ont suggéré que l’exploitation des réserves de charbon et d’un minerai de fer au potentiel limité iraient à l’encontre de l’image que le Botswana veut donner à la génération Y, sensible à l’éthique sociale. Au lieu de cela, Ross Harvey, chercheur senior en matière de gouvernance pour le Programme des ressources d’Afrique à l’Institut sud-africain des affaires internationales, a évoqué le potentiel de l’énergie solaire. Il a ainsi fait remarquer que, s’il y a bien une chose dont le Botswana dispose en abondance – en dehors de ses diamants –, c’est le soleil. L’écotourisme est un autre domaine évident de croissance potentielle.

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Pourtant, le marché diamantaire doit prendre l’initiative pour investir dans la population du Botswana.
La conférence a appelé l’industrie à soutenir une diversification plus complète. Pour sa part, le gouvernement doit apporter des incitations plus fortes aux fabricants qui ont investi des millions de dollars dans leurs usines de Gaborone. La promesse d’un approvisionnement de brut ne s’est pas révélée suffisante en 2015.

Or, la promesse d’un brut rentable serait intéressante. Après tout, la production de brut du pays reste le facteur clé de la croissance du PIB et le budget du Botswana continuera de subir des pressions si personne n’achète ses diamants. Le marché mondial doit recevoir de la valeur, ce qui n’est actuellement pas possible avec le brut de la De Beers, faute de quoi les professionnels cesseront tout simplement de se rendre à Gaborone pour s’approvisionner.

Les changements nécessaires

Au cours de la semaine du 23 novembre, Martin Rapaport, le président du Rapaport Group, a appelé la De Beers à baisser les prix du brut de 30 % à 50 %, afin d’injecter des liquidités et de la rentabilité sur le marché et de garantir sa pérennité pour tous ceux qui dépendent des diamants.

« Baisser les prix permettrait de relancer le moteur de la croissance, créée par les centaines de milliers de personnes sur le marché qui obtiennent des bénéfices honnêtes en ajoutant de la valeur aux diamants et en les vendant », a indiqué Martin Rapaport. Ce faisant, la De Beers et le gouvernement garantiraient la croissance future, non seulement pour l’industrie diamantaire, mais aussi pour l’économie du Botswana.

Cinquante ans après, il est temps que le Botswana devienne indépendant.

Source Rapaport