Fiona Solomon : l’Inde et l’Asie dans la ligne de mire du RJC

Olga Patseva

Fiona Solomon, la directrice du développement des normes au Responsible Jewellery Council (RJC), a accordé un entretien exclusif à Rough&Polished et évoqué les principales activités de cette organisation, ainsi que ses réalisations l’année dernière et ses perspectives pour 2015.[:]
Comment s’est passée l’année 2014 pour le Responsible Jewellery Council ?

Nous avons réalisé beaucoup de nouvelles certifications, avec plus de 500 audits réalisés depuis que le programme du RJC a été mis en route. Nous avons également inscrit près de 100 nouveaux membres depuis la fin 2013. Nous nous sommes aperçus que les nouveaux membres comprennent bien mieux les implications de la norme. Ils parviennent donc généralement à obtenir la certification beaucoup plus rapidement. Dans l’ensemble, l’année a été très chargée en termes d’audit toujours en cours, d’assistance aux membres et de gestion pour nous.

Félicitations pour cette étape importante… 500 membres ! Quel est votre prochain objectif ?

Évidemment, nous voulons poursuivre notre développement pour augmenter l’impact du RJC sur le secteur de la joaillerie. Nous avons connu une croissance de l’ordre de 10 % à 20 % chaque année et nous aimerions que cela continue. Pour l’heure, nous ciblons plus particulièrement certains marchés.

Nous travaillons d’arrache-pied pour nous implanter en Inde et nouer des relations avec son industrie diamantaire. De même, le RJC s’intéresse à la Chine et à Hong Kong, en particulier dans le domaine de la fabrication. Au niveau du secteur, nous nous concentrons aussi sur l’aspect minier, en particulier pour l’or.

En novembre 2014, nous avons co-organisé, avec la London Bullion Market Association, un forum sur l’or responsable à Lima, au Pérou. Nous avons rassemblé des représentants du gouvernement et de l’industrie locaux, tout au long de la chaîne d’approvisionnement, en ciblant particulièrement l’extraction minière et l’affinage de l’or. Grâce à divers ateliers et événements, nous avons réellement essayé de sensibiliser les participants aux opportunités qu’offrent des normes comme le RJC et aux attentes changeantes des consommateurs en aval, qui veulent des pratiques responsables en matière d’extraction minière et d’affinage.

L’année a magnifiquement démarré dans notre secteur de l’affinage de l’or. Nous avons accueilli beaucoup de nouveaux membres, qui ont adopté la certification de la chaîne de contrôle. Les affineurs sont au centre même de cet élan d’ « audit préalable », qui les pousse à se retourner vers les miniers et les fournisseurs, afin de comprendre les pratiques. Ce n’est pas tant pour aborder le sujet des conflits, mais de plus en plus pour traiter des questions sociales et environnementales.

Les affineurs semblent surtout motivés à entamer le processus de certification en raison de la législation sur les minéraux du conflit.

C’est vraiment positif. L’initiative vient des affineurs eux-mêmes, qui veulent montrer leurs pratiques de vérification préalable, ou des clients qui attendent des garanties des affineurs.

Il sera intéressant de voir où ces différents facteurs mèneront l’industrie. Un système créé pour une question comme les conflits ouvre la voie à l’évaluation des autres risques de ces chaînes d’approvisionnement. Pouvons-nous utiliser ces systèmes pour y répondre ? C’est en cela que la norme RJC est déjà très complète. Elle tente de traiter un large éventail de risques, au-delà des conflits : les questions écologiques, sociales, les droits de l’homme et des sujets spécifiques à l’industrie.

Les sociétés ont commencé à travailler sur la question de l’approvisionnement responsable ; c’est un thème très complexe en raison des exigences de communication publique. La législation oblige à dépasser cet obstacle initial. Je connais des sociétés d’électronique, par exemple, qui ont beaucoup travaillé sur leurs obligations de divulgation au titre de la loi Dodd-Frank et qui cherchent désormais à élargir la portée des questions qu’elles posent. C’est selon moi un aspect très intéressant et une avancée bien plus durable, qui est issue de la législation. 
  
Cette année, le RJC a beaucoup travaillé sur l’Inde, mais aussi sur la Chine et Hong Kong. À votre avis, quelle est l’industrie la plus avancée pour le moment ?

Le marché diamantaire indien est de loin le plus avancé. Les professionnels sont généralement très au fait des normes du RJC. Nous avons 56 membres en Inde et nous avons organisé plusieurs séances de formation très détaillées dans ce pays. Environ 10 % de nos membres ont leur siège social en Inde. Cela représente donc une part importante de nos adhérents au niveau mondial. L’Inde est un pays habitué à travailler dans un environnement législatif très bureaucratique. Ils sont donc très sensibles au contenu des normes et s’assurent de les respecter correctement. 

En revanche, à Hong Kong, le RJC travaille principalement dans les salons pour sensibiliser le public. La démarche en est encore à ses débuts, même si nous avons plusieurs membres qui disposent de structures certifiées en Chine.

Avez-vous des employés à demeure en Chine, à Hong Kong ou en Inde pour sensibiliser aux avantages de la certification RJC et en faire la promotion ?

Pas pour l’instant, mais nous avons budgétisé l’installation d’une personne en Inde dans les six prochains mois. Nous rechercherons également un profil similaire, probablement à Hong Kong, qui travaillera selon le même modèle à l’avenir. Il est très important d’avoir une représentation locale même si, bien sûr, les ressources sont toujours limitées.

Pensez-vous que les détaillants devraient envisager d’offrir des incitations supplémentaires pour que les membres du RJC militent pour plus de conformité grâce à la certification ?

Il existe forcément des sociétés à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement qui recherchent des avantages et des incitations. Certaines possèdent une certification RJC en contrepartie de l’attribution de contrats. Peut-être aussi est-ce une attente de leur part vis-à-vis de leurs partenaires, pour obtenir une garantie face aux risques de la chaîne d’approvisionnement. Le RJC ne s’implique pas dans les relations commerciales ni dans les décisions entre ses membres. Nous devons respecter la loi antitrust en Europe et aux États-Unis. Nous ne pouvons pas mettre en place une norme qui exige des membres du RJC qu’ils travaillent ensemble. C’est illégal.

En juillet, le RJC a publié son premier rapport de résultats, « Building Responsible Jewellery Supply Chains 1 ». Un aspect vous a-t-il surprise pendant la préparation du rapport ?

Je pense que l’une des choses qui m’a surprise a été l’essor des affineurs. Leur nombre a doublé entre 2012 et 2013. J’avais l’impression que nous en accueillions beaucoup de nouveaux. Lorsque j’ai étudié les chiffres, j’ai été ravie de constater que c’était bien le cas.

Y aura-t-il un deuxième rapport de résultats en 2015 ?

Absolument. Nous nous sommes engagés à le produire chaque année. Nous avons des recherches à effectuer cette année, dont un sondage relatif à la demande pour les certifications du RJC et des recherches sur la mise en œuvre en Inde et l’extraction minière au Pérou.

Un autre grand changement pour vous l’année dernière a été la désignation de votre nouveau PDG, Ashish Deo. Quelle orientation fera-t-il prendre au RJC et à l’équipe ?

Je ne pense pas qu’il y aura de grands changements d’orientation quant à la stratégie du conseil d’administration. Il me semble que nous continuerons à nous concentrer sur l’Inde, mais aussi sur l’Asie.

Quels sont vos projets pour 2015 ?

L’année dernière a été une année de transition pour nous. Nous acceptions des certifications pour les deux versions du Code de pratiques (celle de 2009 et la version récente de 2013). En 2015, nous allons véritablement peaufiner la version 2013 et nous assurer que tout le monde la connaisse bien. Nous cherchons aussi à accélérer une partie de notre formation et du renforcement des capacités autour de thèmes comme les droits de l’homme. Le but est de soutenir et d’appuyer ceux qui ont obtenu la certification, afin de commencer à réfléchir sur l’avenir des meilleures pratiques. Pour cela, le RJC fournira une plate-forme destinée à rapprocher les personnes, afin de discuter de nouvelles approches, de nouvelles questions qui émergent. Nous chercherons à améliorer nos systèmes, mais aussi à optimiser la valeur que nous offrons à nos membres et à nos actionnaires.

Source Rough&Polished


[1] Bâtir des chaînes d’approvisionnement responsables pour les bijoux