Équilibre maintenu sur le marché diamantaire

Elena Levina

Après un premier trimestre très fructueux, les échanges ralentissent sur le marché diamantaire mondial. Toutefois, il n’y a aucune raison de céder au pessimisme. [:]Cela signifie simplement que le marché a finalement trouvé son point d’équilibre et suscite l’espoir d’une année stable pour toute l’industrie.

Trois mois de croissance

Les résultats du premier trimestre se sont révélés extrêmement positifs pour toute l’industrie. La demande de diamants et de bijoux, qui était particulièrement faible l’année dernière, a commencé à se reprendre. Les prix du taillé entre 0,3 carat et 1 carat ont augmenté de 1,4 % à 6 % au premier trimestre, d’après l’indice RapNet. Après une hausse de la demande, les diamantaires ont commencé à se constituer des stocks qui se sont passablement vidés après les fêtes. Quant aux sociétés minières, qui s’attendaient à des résultats extrêmement modestes, elles ont annoncé que les ventes dépassaient toutes les attentes.

Selon les experts, les grands producteurs, à savoir la De Beers et ALROSA, ont obtenu près de 2 milliards de dollars au total pour leurs ventes de brut du premier trimestre. La De Beers a publié des ventes d’un montant de 1,15 milliard de dollars, soit près de 610 millions de dollars en janvier et 545 millions de dollars en février. À la différence de la De Beers, ALROSA organise des sessions commerciales tous les mois, avec des volumes  légèrement inférieurs. Selon des estimations proposées par des sources du marché, la société russe a vendu entre 1,2 milliard et 1,4 milliard de dollars de brut au premier trimestre 2016, avec des ventes mensuelles à peu près égales.

Les deux sociétés ont publié un chiffre d’affaires supérieur à celui de l’année précédente, malgré des politiques tarifaires conservatrices. ALROSA maintient ses prix inchangés depuis septembre 2015, quand elle a appliqué une baisse de 8 %. La De Beers a réduit ses tarifs de 8 % à 10 % en février, pour les aligner sur les attentes du marché.

Cette politique conservatrice a porté ses fruits. Les données en provenance des plates-formes de négoce montrent que le prix moyen des diamants dans le monde s’est non seulement stabilisé mais qu’il a également commencé à augmenter. Puisque cet essor n’a pas été soutenu par les miniers, cela signifie qu’il est dû à l’activité commerciale sur le marché secondaire et à une demande satisfaisante lors des tenders. Les acteurs du marché expliquent, par exemple, que le brut vendu lors des récents tenders de Petra et de Rio Tinto s’échangeait avec des premiums, allant parfois jusqu’à 10 %.

analyt_11042016_1_eng

Le prix moyen des diamants importés à Anvers et exportés d’Anvers montre une tendance globale à la croissance par rapport à la fin de l’année 2015. En mars, le prix moyen des diamants importés à Anvers atteignait 122 dollars par carat, tandis que celui des diamants exportés s’élevait à 111 dollars par carat (la différence est due au fait qu’une partie du brut le plus cher reste à Anvers pour y être taillée). Ces chiffres sont inférieurs à ceux de mars 2015 mais bien supérieurs à ceux du mois précédent. Les prix des importations de diamants enregistrés en Inde montrent une tendance similaire.

Une période d’attente

Parallèlement, les volumes d’échanges ont baissé en mars par rapport à février, à la fois en valeur et en volume. Les importations et les exportations de brut d’Anvers ont reculé de 20 % en moyenne. Le GJEPC n’a pas encore publié ses données pour le mois de mars mais on peut s’attendre à une évolution comparable.

Or, il n’y a aucune raison pour que ce ralentissement incite au pessimisme. Le marché diamantaire a trouvé un point d’équilibre, un état de fait qui peut être étayé par au moins deux arguments. Le premier est relatif au volume des échanges. Certes, les ventes de mars étaient inférieures à celles de février en termes de volume, mais elles sont revenues à leur niveau historique des années précédentes, alors qu’elles étaient bien inférieures pendant tout le second semestre de l’année dernière.

analyt_11042016_2_eng

Le deuxième argument pourrait être la hausse des prix des diamants. Si le marché secondaire et les tenders permettent des premiums sur les transactions, cela signifie que les prix proposés par les producteurs de brut atteignent désormais un niveau équitable, offrant à la filière intermédiaire une occasion de gagner davantage. Et les faibles marges du secteur intermédiaire sont l’un des facteurs qui alimentent l’instabilité dans la filière diamantaire.

Les acteurs du marché considèrent que le ralentissement des activités commerciales est dû à la fin du réapprovisionnement chez les fabricants. « Au début de l’année, on a constaté une certaine pénurie de taillé, en particulier dans les 0,5 carat à 1 carat, qui se vendent bien. Les diamantaires achetaient donc du brut pour se réapprovisionner, a expliqué l’un d’entre eux. Toutefois, le deuxième trimestre verra arriver le taillé fabriqué sur le brut acheté en janvier. Le marché fait donc une pause ; il faudra voir si les prix du taillé commenceront à baisser après l’arrivée des nouveaux lots. » Selon RapNet, les prix sont restés stables en mars, traduisant une croissance nulle. Ce sont les résultats d’avril qui détermineront en grande partie l’évolution future.

Dans une telle situation, la meilleure tactique pour les sociétés minières consisterait à maintenir leurs niveaux de ventes pendant un certain temps. Actuellement, les ventes de brut sont conformes aux niveaux historiques et il est peu probable que le marché puisse en accepter plus. De nouvelles baisses de prix dévalueraient les stocks des fabricants, constitués depuis le premier trimestre. Une hausse des prix priverait une fois de plus les tailleurs de leurs marges et d’occasions d’augmenter leur activité.

À cet égard, l’annonce par Bloomberg que la De Beers a augmenté ses prix de 2 % est très perturbante. Jusqu’à présent, la nouvelle n’a pas été confirmée et l’un des sightholders, la société Kristall, installée à Smolensk, a été jusqu’à la réfuter, affirmant que les prix des assortiments de brut qu’elle avait achetés à la De Beers n’avaient pas changé.

À compter du 12 avril 2016, ALROSA lancera une session commerciale régulière pour ses clients de longue date. Nous ne savons toujours pas si la société prévoit de changer ses prix ou les quantités de brut proposées. Toutefois, s’exprimant lors d’une conférence pour les investisseurs fin mars, le président d’ALROSA a affirmé « s’attendre à ce que le marché soit stable et ne connaisse pas de corrections jusqu’à la fin de l’année. »

Source Rough & Polished