Entretien avec Andrey Polyakov, nouveau président du World Diamond Council

Rob Bates

Le vice-président d’ALROSA s’exprime sur la mention des droits de l’homme, le marketing et, bien entendu, les synthétiques.[:]

Au salon JCK Las Vegas de cette année, Andrey Polyakov, le vice-président du producteur de diamants russes ALROSA, qui a récemment repris les commandes du World Diamond Council (WDC), s’est entretenu avec moi sur ses projets pour le WDC, qui représente l’industrie face au Kimberley Process. Il évoque ici la possibilité que le KP inclue la mention sur les droits de l’homme et ce que pense simplement ALROSA des synthétiques.

JCK : Il y a peu, le WDC a tenté de jouer les médiateurs dans le litige en cours entre les Émirats arabes unis [le président actuel du KP] et la coalition de la société civile. Pourquoi cela a-t-il échoué ?

Andrey PolyakovAndrey Polyakov : Je comprends et je respecte la position des ONG. Oui, nous avons un problème d’évaluation. Le président [émirati] du KP a organisé un séminaire d’évaluation avant l’intersession du KP. Cela a donné lieu à de nombreuses questions intéressantes. Le gros problème, sur lequel tout le monde s’accorde je pense, est qu’il y a un maillon faible, l’extraction minière artisanale. À mon avis, le World Diamond Council, la coalition de la société civile et l’Initiative diamant et développement peuvent créer une feuille de route pour les gouvernements des pays africains concernés par l’extraction minière artisanale.

Les ONG et le président du KP font un très bon travail. Je ne voudrais pas que l’un des centres diamantaires entre en conflit avec les ONG. C’est inutile et tout le monde y perdrait. Nous voulons que l’ordre du jour soit positif.

À ce propos, le président du KP a évoqué certains sujets à propos des ONG lors de l’intersession.

Pour l’instant, nous sommes trop dans l’émotion. Nous devons nous concentrer sur l’ordre du jour commun que nous avons établi. Ma mission est d’essayer d’offrir un moyen de communication.

Le boycott des ONG fait-il du mal au KP ?

C’est l’absence d’observateurs qui fait du mal au KP. Les ONG restent impliquées dans les travaux quotidiens du KP, dans les groupes de travail, dans les conférences téléphoniques, dans les missions d’examen. Nous devrions trouver un moyen de les amener à rétablir une participation totale.

Pensez-vous que le KP adoptera un jour ce que l’on appelle « l’énoncé des droits de l’homme » ?

Le principe de la création du KP était très précis : créer une plate-forme ou un mécanisme pour mettre un terme aux conflits alimentés par les diamants. Cette mission a été totalement accomplie. Il ne reste désormais plus qu’un problème en République Centrafricaine.

Doit-on dialoguer davantage au sein de l’industrie sur la façon d’instiller la confiance dans toutes les sphères : droit du travail, droits de l’homme et travail des enfants ? Bien entendu, il le faut. En tant qu’industrie, nous devrions apporter davantage de garanties au consommateur final. Mais c’est de la responsabilité de l’industrie.

Alors, vous ne pensez pas que le KP intègrera un jour la mention des droits de l’homme ?

Le KP est comme les Nations unies, il y a en son sein des courants divergents. Mieux vaut avancer efficacement. Le KP est le KP, avec son mandat étroit : empêcher les conflits qui peuvent être alimentés par les diamants. L’industrie est l’industrie. Disons essentiellement que la confiance des consommateurs est de la responsabilité de l’industrie. Nous devons convaincre les gouvernements que nous pouvons nous autoréguler et garantir la transparence de notre chaîne d’approvisionnement.

Le WDC a engagé une agence de relations publiques. Dans quel but ?

Elle doit assurer une communication efficace avec nos parties prenantes. D’après mon expérience personnelle, avec l’intersession naissent de nombreux malentendus dus au manque de communication. Parfois, il est nécessaire d’obtenir des conseils professionnels pour proposer des informations importantes pour l’industrie. Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas la chaîne d’approvisionnement, pourquoi nous avons besoin d’attributions, pourquoi le minier ne peut tout simplement pas vendre au joaillier, pourquoi cela est techniquement impossible. Nous devons communiquer de façon professionnelle avec toutes les parties prenantes.

Certains affirment que la De Beers, Rio Tinto et Dominion font tous un travail de promotion individuelle mais qu’ALROSA en fait très peu. Du fait que vous appartenez à cette société, pensez-vous que cela va changer ?

Nous sommes entrés en bourse en 2014, nous avons donc des actionnaires. Notre stratégie est assez simple : nous sommes des miniers professionnels. Commercialiser une marque en Russie coûte très cher. Nous avons des obligations envers nos actionnaires, celles de réaliser la stratégie discutée en 2014.

Nous pourrions lancer quelques opérations pour apporter des garanties quant à l’origine de nos diamants. Nous avons découvert que cela pourrait être intéressant sur le plan commercial. Mais ce n’est pas notre cœur de métier. Si nous le faisons, ce sera pas à pas. Notre stratégie actuelle est simple mais efficace.

Le marché diamantaire s’est-il repris après l’année dernière ?

Rappelons-nous ce qui s’est passé le trimestre dernier. En 2015, je pense que nous avons été tiraillés entre les prévisions et la réalité. Les fabricants pensaient que les ventes de détail continueraient d’augmenter comme en 2014. Mais il y a eu ensuite les problèmes en Chine et les stocks excédentaires des fabricants. Puis les producteurs ont [réduit] leur offre et les exportations des stocks des fabricants indiens ont augmenté et cela a eu un effet psychologique bénéfique. Quand tous les fabricants ont constaté les premiers signes positifs, je suis sûr qu’ils ont pensé que les producteurs risquaient d’augmenter leurs prix et ils ont commencé à acheter plus.

Je pense que ce regain d’activité est terminé. D’après moi, l’année sera stable mais positive. Mais cela concerne les secteurs du brut et du taillé. Nous ne pouvons pas dire ce qui va se passer avec les synthétiques ou la campagne de marketing générique.

À propos, comme ALROSA considère-t-elle les synthétiques ?

Nous verrons. La seule solution est de segmenter le marché. Certaines personnes achètent et portent des cristaux Swarovski. Pourquoi pas ? Il en va de même pour les synthétiques. Le problème, c’est le mélange illégal des diamants synthétiques et naturels. Nous essayons de faire notre possible, en proposant une technologie de détection et une chaîne d’approvisionnement distincte et transparente pour les fabricants et les détaillants.

Source JCK Online