Diamants synthétiques : légitimez, n’excluez pas

Avi Krawitz

Les négociants de diamants issus de l’extraction sont divisés quant à savoir comment répondre au mieux à l’essor des pierres de laboratoire. Au cours de la semaine du 5 octobre, la Bharat Diamond Bourse (BDB) indienne est devenue la seconde bourse à interdire le négoce des diamants artificiels, ignorant ainsi toute une frange de l’industrie [:]qui préfère s’engager davantage auprès des producteurs et des joailliers de pierres synthétiques, afin de s’assurer une divulgation et une transparence adéquates.

La World Federation of Diamond Bourses (WFDB) n’est pas opposée au négoce des diamants synthétiques, à condition qu’ils soient déclarés comme tels, a-t-elle affirmé après l’ordre d’interdiction de la BDB. La production de diamants de laboratoire de qualité atteindra 2 millions de carats d’ici 2018, contre 360 000 carats l’année dernière, selon ce que prévoit le cabinet de conseil Frost & Sullivan.

À la différence des diamants naturels ou extraits du sol, il n’existe pas de structure au sein de laquelle pourraient exister leurs cousins synthétiques. Chaque bourse à la liberté d’établir sa propre politique pour régir le commerce des pierres de laboratoire, à condition de se conformer à la réglementation de l’organisme de tutelle, la WFDB. L’Israel Diamond Exchange a été la première à interdire le négoce des pierres artificielles dans ses locaux en 2014.

Un manque de compréhension

La décision de la bourse indienne « prouve une nouvelle fois que les dirigeants des bourses n’ont pas compris que la meilleure façon d’éviter les pratiques non éthiques consiste à encourager les négociants à adopter une divulgation et une transparence totales », a écrit Thierry Silber, président-directeur général de Diamaz International, un fournisseur anversois de diamants naturels et de laboratoire, dans un e-mail adressé à Rapaport News.

« Plutôt que d’interdire le commerce des diamants de laboratoire et de l’obliger à emprunter des voies sombres, les dirigeants de l’industrie devraient appuyer la création d’une association des diamants de laboratoire, qui tracerait un chemin pour un produit légitime et s’assurerait qu’il soit vendu en toute transparence », a-t-il expliqué.

Le plus gros problème des diamants de laboratoire est l’absence de divulgation. Roland Lorie, co-président directeur général de l’International Gemological Institute (IGI), a affirmé que l’IGI continue de rencontrer régulièrement dans ses établissements de certification de petits diamants de laboratoire non déclarés, mélangés à des pierres naturelles, même s’il s’agit de très petites quantités.

L’industrie prône depuis longtemps quatre étapes pour sauvegarder le marché des diamants naturels : différencier les pierres naturelles des diamants de laboratoire, les détecter lorsqu’ils sont mélangés à des pierres extraites de la terre, assurer une transparence totale vis-à-vis des négociants et des consommateurs et documenter correctement leurs caractéristiques. Pour lutter contre l’absence de divulgation, le Gemological Institute of America (GIA) a créé les machines DiamondCheck, mises à disposition dans les bourses mondiales, tandis que la De Beers et le HRD Antwerp ont commercialisé leurs appareils respectifs de détection du mêlé.

Négligence face aux menaces

Ernie Blom, le président de la WFDB, reconnaît qu’il pourrait exister un marché pour les pierres synthétiques. « Nous insistons simplement sur le fait que ces pierres doivent être totalement déclarées, afin que le marché et les consommateurs sachent exactement ce qui leur est proposé, a-t-il expliqué. Cela est essentiel pour garantir la confiance des consommateurs. »

Toutefois, le marché pourrait négliger d’autres aspects de la menace des diamants de laboratoire. Il faut savoir que les progrès technologiques permettent de créer des diamants plus gros et de meilleure qualité, tandis que la production devrait connaître une hausse exponentielle dans les années à venir.

La note de recherche de Frost & Sullivan publiée en 2014 prévoyait que l’offre de diamants de laboratoire dépasse la production de diamants naturels d’environ 25 % en 2050. Elle bondira à environ 20 millions de carats en 2026, avant d’atteindre près de 55 millions de carats par an aux alentours de 2050.

« Alors que l’offre de diamants issus de l’extraction s’épuise un peu plus chaque année, l’apparition des diamants de culture est un filet de sécurité pour l’industrie, ont écrit les analystes. Les diamants de culture peuvent non seulement combler le fossé entre l’offre et la demande pour le brut dans le monde mais également étendre le marché à de nouveaux domaines d’application et à de nouveaux profils de consommateurs. »

La demande de la génération Y

Bien que les consommateurs connaissent encore relativement peu les diamants de laboratoire, la demande de pierres synthétiques devrait augmenter de la part de la génération Y. Thierry Silber a affirmé que la nouvelle génération est au fait des nouvelles technologies et a été éduquée de manière à être soucieuse de l’environnement et des conditions sociales, ce qui devrait finir par influer sur leurs habitudes de consommation.

Les diamants de laboratoire, affirme-t-il, répondent à tous ces critères. Ils offrent aux clients une occasion d’aborder la technologie et d’éviter certaines des associations négatives faites avec l’extraction minière, comme les abus des droits de l’homme, les diamants du conflit et la dégradation de l’environnement. En outre, étant donné le climat économique actuel, les diamants de laboratoire constituent une alternative abordable aux pierres naturelles : les pierres blanches commerciales se vendent 30 % à 50 % de moins environ que leurs équivalents naturels.

Des campagnes marketing efficaces, qui soulignent les aspects positifs des diamants naturels, devraient contribuer à effacer ces perceptions et mettre en valeur les qualités des diamants naturels sur le marché. En réalité, comme l’a expliqué Martin rapport, président du Rapaport Group, dans un document daté de décembre 2013 et intitulé « Le synthétique fait tiquer », les diamants de laboratoire sont également bons pour l’industrie. Les miniers vont désormais devoir marquer la différence entre les diamants naturels et les synthétiques, grâce à des campagnes innovantes de marketing, de promotion et de publicité qui expliquent aux consommateurs l’intérêt de payer plus cher pour des diamants naturels.

Une porte d’entrée

Le marché des diamants naturels doit admettre que les pierres de laboratoire font partie du paysage. Après tout, l’industrie devrait profiter de leur essor : les synthétiques pourraient agir comme une porte d’entrée efficace et abordable pour les jeunes consommateurs, qui sont susceptibles, au final, de passer à des pierres naturelles plus chères. 

[two_third]En interdisant le marché des synthétiques, l’industrie s’aliène une part légitime de l’activité. Elle devrait plutôt instituer des mesures pour réguler le marché des diamants de laboratoire et surveiller son développement. Une association pourrait être établie afin de surveiller le commerce, de la même façon que l’on contrôle celui des diamants naturels. Un tel organe ferait inévitablement partie de la structure existante de l’industrie des diamants naturels mais pourrait être dirigée par des producteurs, des négociants et des joailliers de pierres de laboratoire. [/two_third][one_third_last]

« En interdisant le marché des synthétiques, l’industrie s’aliène une part légitime de l’activité. »

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Thierry Silber a affirmé qu’un tel organisme attirerait tous les négociants légitimes et fixerait des règles et des normes pour le marché des pierres de laboratoire. L’organisation aurait également le pouvoir de discipliner ses membres. La création d’une structure officielle et organisée ferait progresser la mise en œuvre des étapes indiquées précédemment et garantirait un marché plus transparent. Ce faisant, elle préserverait la confiance des consommateurs dans les diamants naturels, au fur et à mesure que s’élargirait le marché des diamants de laboratoire.

Source Rapaport