Des sociétés minières créent un avenir durable pour les diamants

Abraham Dayan

Au mois d’août, Tiffany & Co publiait son sixième rapport annuel sur le développement durable, qui décrit le travail de responsabilité sociale des entreprises de la société, ainsi que son engagement envers l’environnement et ses contributions aux communautés au sein desquelles elle évolue dans plus de 30 pays. [:]Ce rapport a aidé à mettre la lumière sur les initiatives de l’industrie des diamants et des bijoux dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises. Bien qu’elles soient largement répandues, ces actions font rarement l’objet d’articles. Parmi les points forts chez Tiffany l’année dernière, citons le fait que, pour la première fois, toutes les nouvelles boutiques ouvertes en 2015 bénéficiaient d’un éclairage à DEL éco-énergétique. Plus de 100 boutiques de la marque disposent d’un éclairage à DEL.

Dans la sphère diamantaire, de nombreuses sociétés, en particulier les plus grandes, comme la De Beers et Rosy Blue, mettent en œuvre des activités de RSE. Rosy Blue a innové dans la promotion de la RSE, en publiant ses rapports annuels depuis 2011, avec un accent mis sur les droits de l’homme, les conditions de travail, l’approvisionnement éthique et des pratiques de travail responsables, l’autonomisation des communautés et la préservation de l’environnement.

Dans son rapport de 2015, Tiffany a souligné qu’elle avait établi un nouvel objectif, celui de parvenir à compenser totalement les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Un « fonds vert » interne de plusieurs millions de dollars est consacré à l’efficacité énergétique dans le monde, aux énergies renouvelables et à d’autres projets permettant de faire des économies en termes de coûts, de carbone et de ressources. En outre, la société soutient la création de zones marines protégées, par l’intermédiaire de la fondation Tiffany & Co, pour porter leur total à 14. Depuis 2014, ces zones protègent plus de 4 millions de kilomètres carrés d’océan, soit une surface deux fois plus grande que le Mexique.

L’année dernière, le joaillier de luxe a désigné sa première directrice du développement durable, Anisa Kamadoli Costa, qui « fixe l’agenda stratégique du développement durable pour garantir une amélioration continue des performances sociales et environnementales et s’aligner davantage sur les objectifs de l’entreprise », a indiqué la société. Elle s’est également engagée à supprimer la déforestation induite par les matières premières dans ses principales chaînes d’approvisionnement d’ici 2020, en consultation avec la Rainforest Alliance. Elle travaille en outre sur des emballages pour les consommateurs, dont la Blue Box et les sacs de Tiffany, ainsi que sur des catalogues et des produits. Tiffany a également rejoint la US World Wildlife Trafficking Alliance afin d’encourager l’industrie de la joaillerie à éradiquer toute utilisation de produits illicites, comme le corail et l’ivoire, de ses chaînes d’approvisionnement.

L’extraction minière, qu’il s’agisse de diamants ou d’autres minéraux, n’est évidemment pas durable. Les sociétés creusent d’immenses trous, extraient le minerai et le transportent ailleurs. Pour finir, les excavations ne produisent plus de diamants. Il ne s’agit évidemment pas d’un mode de fonctionnement durable. Par conséquent, le développement durable est devenu un sujet brûlant ces dernières années. Des sociétés diamantaires se sont engagées dans plusieurs projets destinés à prouver aux consommateurs qu’elles se soucient de l’environnement et des personnes qui vivent à proximité de leurs projets miniers.

À l’ère d’Internet, où de vastes quantités d’informations sont facilement disponibles, les membres de l’industrie des diamants et des bijoux savent que les informations relatives à leurs activités sont aisément accessibles. Le corollaire, c’est que les miniers peuvent publier des informations sur leurs activités de développement durable.

L’extraction des diamants peut dont être réalisée de manière à contribuer au développement durable, développement nécessaire pour aider à éradiquer la pauvreté et apporter des bienfaits économiques. Il ne s’agit pas seulement pour les miniers de nettoyer ou pour les fabricants de bijoux d’installer des structures modernes et mieux ventilées.

La préservation et la remise en état de l’environnement naturel sont également nécessaires. Cela implique de réduire l’empreinte écologique des mines sur l’environnement naturel, dans les limites de changement acceptées par les indicateurs environnementaux. Cela signifie également que des normes de remise en état soient clairement établies, totalement financées et réalisées.

Ainsi, par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada, les conséquences physiques comprennent une réduction de l’habitat piscicole due au drainage des lacs, à la détérioration des ruisseaux et à des changements dans la qualité de l’eau. Ces changements ont été mesurés jusqu’à 200 km en aval du Lac de Gras, où se trouve la mine Ekati. En outre, des changements irréversibles auraient été constatés sur la qualité de l’eau et peut-être même sur la composition des espèces à Snap Lake, le projet diamantaire fermé de la De Beers. Des groupes spécialisés en la matière affirment que 20 lacs ont été détruits dans la région, sans mesure de contrepartie pour l’habitat piscicole.

Une autre conséquence est la disparition des habitats terrestres pour certains animaux sauvages comme les caribous, les grizzlis et les carcajous. Il a été découvert que certaines vaches, portant des colliers émetteurs, passaient désormais moins de temps à s’alimenter dans les zones proches de la mine Ekati. Parallèlement, des quantités accrues de gaz à effet de serre ont aussi été mesurées. Les mines d’Ekati et de Diavik sont alimentées par des millions de litres de diesel. Ainsi, chaque année, elles contribuent fortement à la production des gaz à effet de serre dans les territoires du Nord-Ouest.

Il faut également compter avec les impacts sociaux et culturels des mines de diamants, en particulier dans les zones reculées. Un afflux soudain d’argent dans les communautés provoque des tensions sociales. Cela se concrétise par l’augmentation de la toxicomanie et des violences familiales. Les horaires de travail imposés aux employés des mines perturbent aussi les rythmes sociaux, en éloignant des parents de leurs enfants et de leurs aînés pendant plusieurs semaines à la suite.

Et même si les miniers se sont engagés à tenter d’embaucher des personnes de la région, respecter leurs quotas leur pose problème. Il n’y en a en effet pas assez de personnes prêtes, désireuses et capables de travailler dans les mines. Cela signifie qu’un afflux de travailleurs migrants sera nécessaire si les sociétés continuent de développer de nouvelles mines plus rapidement que ce que la main-d’œuvre locale peut absorber.

Les deux mines ont investi dans des programmes relatifs à l’impact environnemental de leurs opérations, ainsi qu’à la santé et la sécurité. Elles ont investi dans les communautés locales et dans des bourses pour permettre aux jeunes d’étudier.

La définition la plus souvent citée pour le développement durable est issue de Our Common Future, également appelé rapport Brundtland. « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Il contient en son sein deux concepts-clés : le concept des besoins, en particulier les besoins essentiels des populations pauvres du monde, auxquels la priorité absolue doit être donnée ; et l’idée des limites imposées par l’état de la technologie et l’organisation sociale sur la capacité de l’environnement à satisfaire les besoins actuels et futurs. »

Mais les définitions du développement durable exigent que l’on considère le monde comme un système global. À partir de là, on comprend que la pollution de l’air en Amérique du Nord puisse avoir une incidence sur la qualité de l’air en Asie et que les pesticides pulvérisés en Argentine puissent nuire aux réserves de poissons au large des côtes australiennes.

Les industries des diamants et des bijoux ont rapidement réagi pour faire la promotion du développement durable. L’un des principaux organismes à montrer la voie est la CIBJO, la World Jewellery Confederation, qui organise des cours pour les dirigeants sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). L’objectif est de souligner le lien qui existe entre la RSE et la promotion d’une activité économique, sociale et environnementale durable dans les pays où ces industries sont présentes.

Parmi les exemples de développement durable dans les sociétés diamantaires, citons les projets lancés par Petra Diamonds. Sa mine de Koffiefontein et le département sud-africain de l’Agriculture, de la Forêt et de la Pêche ont établi une pépinière communautaire, qui vend des arbres et des jeunes plants indigènes abordables et contribue de manière positive à la vie des membres de la communauté de Xhariep et à l’environnement.

La pépinière plantera et soignera 1 million de plantes et d’arbres dans la région pendant cinq ans, lesquels sont destinés à d’autres projets communautaires de la région et des villes voisines. Il est également prévu que le projet se développe pour aider ensuite Koffiefontein à réhabiliter ses terrils miniers.

Parallèlement, Murowa Diamonds, au Zimbabwe, a permis d’améliorer les ressources éducatives de la région, en offrant aux enfants de Murowa et de Davira des salles de classe avec des manuels scolaires d’anglais, de mathématiques et de sciences. Plus de 6 000 manuels ont été distribués à 3 000 élèves des régions au sein desquelles la société est présente. Murowa aide également à développer une infrastructure éducative pour perfectionner l’environnement d’apprentissage des enfants et a construit des salles de classe et fourni des meubles et une alimentation électrique pour les salles informatiques.

Elle soutient également des activités sportives locales dans les écoles voisines de la mine, pour promouvoir l’éducation par le sport et la culture, grâce au parrainage de tournois au niveau local et provincial. Elle a également aidé à réduire la propagation du VIH et du sida en lançant un programme de santé communautaire ciblé sur la sensibilisation à ces maladies et sur des conseils et des tests de dépistage volontaires avec une société partenaire.

Pour en revenir aux activités de Rosy Blue, Dilip Mehta, son PDG, affirme : « Nous ne pouvons vendre des diamants qu’après avoir gagné la confiance des clients de façon durable, à long terme. Le rapport sur la responsabilité sociale des entreprises tente de traduire et de refléter ce que nous faisons, pour que nous puissions aussi voir précisément là où il est encore possible d’ajouter de la valeur sociétale. »

Rosy Blue a affirmé que le problème de réputation est « le plus gros défi » de l’industrie diamantaire. Les détaillants et les consommateurs veulent être certains que leurs fournisseurs « agissent de manière socialement responsable et vendent des diamants qui ont vraiment créé une plus-value sociétale à chaque niveau de la chaîne de valeur, en particulier dans les pays d’extraction minière », a indiqué la société.

Rosy Blue s’implique activement dans diverses causes, en étant par exemple le premier donateur annuel de Jewelers for Children, une œuvre de charité américaine qui aide les enfants dont les vies ont été dévastées par une maladie grave ou par des abus et des négligences avec un risque vital. En outre, la direction et le personnel lèvent régulièrement des fonds pour Special Olympics Belgium, une organisation à but non lucratif qui propose une formation sportive et des compétitions athlétiques tout au long de l’année aux personnes atteintes de déficiences intellectuelles.

La société soutient également la construction d’hôpitaux, une assistance médicale gratuite, de nouveaux lieux de culte et des écoles, l’émancipation économique des populations noires en Afrique du Sud et la Workers’ Trust pour les travailleurs en usine. En Inde, elle contribue aux activités sociales et éducatives et fournit des vêtements, en particulier des uniformes scolaires, à plus de 125 000 enfants défavorisés.

Les projets les plus avancés sont ceux de la De Beers, étant donné sa taille et le rôle important qu’elle joue dans l’industrie partout dans le monde. La société parraine toute une série d’initiatives au Botswana, comme des PME appartenant aux habitants dans diverses industries – allant des restaurants à des garages automobiles en passant par des laboratoires de médecine légale. Elle collabore également, avec d’autres organismes, au projet Rally to Read dans la région du Cap-Nord en Afrique du Sud, pour faire progresser l’alphabétisation. Elle investit enfin dans des écoles et des dispensaires dans des zones reculées et engage des efforts constants pour réduire les besoins énergétiques et les émissions de carbone.

Puisque 75 % des décès dans le monde liés au sida surviennent en Afrique australe et que la prévalence du VIH/sida parmi le personnel et leurs familles est un gros problème pour le développement durable de toutes les entreprises de la région, en 2001, la De Beers a été la première société minière à proposer, en Afrique du Sud, un traitement médical gratuit aux salariés séropositifs et à leurs conjoints, ainsi que des services de conseils.

Chez les autres sociétés d’extraction de diamants, Gem Diamond apporte une assistance médicale ou autre aux communautés locales, avec un équipement spécialisé pour combattre la malaria en République démocratique du Congo, ainsi que des programmes de dépistage volontaire, de traitement et de conseils pour le VIH/sida dans la mine de Letseng, au Lesotho. En outre, deux résidences d’écotourisme ont vu le jour dans la vallée de la rivière Khubelu, près de Letseng. Elles ont constitué une source de revenus durable pour la communauté locale.

Les autres projets de RSE comprennent des parrainages universitaires, la construction d’écoles, des dispensaires, l’amélioration et la construction de plusieurs routes rurales, de ponts et de passages de rivière, ainsi que des dons de machines à coudre et d’équipements agricoles en vue de la création de petites entreprises dans la province du Kalimantan du Sud, en Indonésie, où la société est également présente.

Parallèlement, Namakwa Diamonds, qui possède des exploitations minières en Afrique du Sud, en Angola, dans la République démocratique du Congo et en Namibie, utilise l’eau des trous de forage dans ses opérations, une eau qui est ensuite renvoyée dans les zones exploitées. Plus de 80 % de cette eau redevient potable. Et lorsque de nouvelles usines sont installées, l’eau est remise en circulation et l’eau douce représente à peine 20 % du volume requis. Dans le même temps, le remblai du minerai extrait fait partie des processus actuels pour garantir un faible impact des opérations minières.

Rockwell Diamonds permet, quant à lui, que son équipement de terrassement soit utilisé pour des projets comme le dégagement des routes et la préparation de terrains de sport en Afrique du Sud. Il a également présenté un programme de sensibilisation au VIH/sida dans des écoles près de ses opérations minières, une initiative qui fait partie d’un projet anti-criminalité dans les écoles locales, ainsi que d’autres projets communautaires.

Shore Gold a l’intention d’utiliser des solutions innovantes pour réduire son empreinte écologique, en diminuant, réutilisant et recyclant les déchets de ses opérations en Afrique du Sud. Lorsque les opérations minières parviennent à leur terme, Shore Gold s’assure de démanteler, fermer et remettre le site en état. Ces opérations comprennent l’enlèvement des bâtiments, des équipements, des matériaux ainsi que des déchets industriels et sols pollués. Certains matériaux, comme les fondations en béton, sont enterrés sur site après le retrait des déchets industriels.

Les sociétés qui engagent ces projets de RSE le font-elles pour le bien public ou pour améliorer leur image ? Ces deux facteurs jouent sans aucun doute un rôle. Comme nous l’indiquions précédemment, à l’ère d’Internet, tout le monde a accès à l’information et peut facilement filmer et partager les travaux des sociétés minières qui ne répondent pas aux exigences. L’industrie diamantaire, comme tout autre secteur, a appris qu’elle ne peut tout simplement pas ignorer l’opinion publique et laisser des trous béants lorsqu’une mine a atteint sa fin de vie.

Source Rough&Polished