Des diamants synthétiques non déclarés sont découverts chaque semaine ; les conséquences vont se faire sentir

Edahn Golan

Pendant des mois, nous avons pointé ce qui va mal, ce qui doit changer dans l’industrie, nous avons discuté des problèmes et communiqué un sentiment de morosité. [:]Il est temps aujourd’hui d’adopter une approche positive, de faire des suggestions constructives, d’établir la feuille de route d’un secteur plus sain. Ainsi s’annonçait la rubrique prévue cette semaine. Pourtant, nous ne pouvons pas ignorer les différents rapports annonçant la découverte de diamants de laboratoire non déclarés dans de nombreux plis de mêlées.

Malheureusement, le fait n’est pas nouveau. En Inde cet été, le sujet de conversation le plus brûlant parmi les négociants portait sur les diamants de laboratoire et leur impact possible sur l’industrie. Bien sûr, ils évoquaient leur effet sur la valeur des stocks de diamants naturels. Mais la grande crainte concernait leur présence croissante parmi des pierres naturelles.

Beaucoup étaient très inquiets. Preuve en est le nombre croissant de diamants adressés aux laboratoires. L’année dernière, le GIA a reçu un nombre record de diamants à certifier, chose à laquelle le laboratoire n’était pas préparé. Les arrivées de diamants sont tellement importantes que les délais d’exécution ont doublé, voire quasiment triplé.

Selon Roland Lorie, propriétaire et co-PDG d’IGI, son établissement découvre moins de 10 pierres de laboratoire par semaine. Hier [mercredi 23 octobre], quatre d’entre elles leur ont été présentées par un très grand détaillant, qui s’est montré soupçonneux face au prix des marchandises. « Inutile de paniquer, dit-il, il ne s’agit que d’une petite fraction de pourcentage par rapport à ce qui passe par les laboratoires. Cela reste pourtant très mauvais et les résultats augmenteront si les dirigeants de l’industrie ne prennent pas immédiatement des mesures très rigoureuses. »

Selon Chaim Even Zohar, qui a plusieurs fois évoqué le sujet dans Diamond Intelligence Brief, il existerait environ une demi-douzaine de « méga-délinquants », qui « saupoudrent » les plis de mêlées de diamants de laboratoire non déclarés. Parmi eux, figureraient quelques grands noms respectables, dont certains sightholders de la DTC ! Chaim Even Zohar affirme en outre que « le marché sait précisément qui ils sont, mais on garde le silence. » L’affirmation est à faire dresser les cheveux sur la tête. Non seulement l’opération devient monnaie courante et l’on retrouve le nom de grandes entreprises de l’industrie mais, pire encore, beaucoup l’acceptent et se taisent.

Les gros diamants de laboratoire non déclarés ne passeront pas inaperçus. Mais qu’en sera-t-il des mêlées ? Ces petits diamants pèsent de 0,001 carat (1000 th/ct) à 0,18 carat. Or, la plupart des marchandises qui sont certifiées démarrent à un tiers de carat. Pourtant, aujourd’hui, les laboratoires reçoivent de plus en plus de pierres de 0,30 carat et 0,20 carat, pour certification. D’ailleurs, certains d’entre eux se spécialisent dans l’analyse des plis de mêlées ; ils répondent à des fournisseurs soucieux de s’assurer que leurs marchandises sont entièrement naturelles. Où est donc la confiance que l’on plaçait dans une poignée de main ?

Quid du leadership de l’industrie ?

Outre Chaim Even Zohar et Martin Rapaport, personne n’évoque le problème ouvertement. Chaim Even Zohar a exhorté la De Beers et d’autres producteurs à agir. Les autres dirigeants doivent aussi faire un pas en avant. Le WFDB peut exiger que chaque facture mentionne que tous les diamants du pli sont « naturels », comme le suggèrent Martin Rapaport et Roland Lorie. Les responsables des bourses et des organisations de l’industrie doivent aussi prendre des initiatives.

Aux dirigeants d’engager des mesures à ce propos, comme ils ont agi dans le passé sur d’autres questions. Les membres de l’industrie doivent également passer aux actes. Ce faisant, ils montrent à leurs clients la philosophie qui les guide. Ceci est essentiel.

Conséquences possibles

Il est impossible d’établir l’ampleur du problème. S’agit-il d’un milliard de dollars ou de quelques dizaines de millions ? Au-delà des possibles implications criminelles, quelles seront les conséquences sur la confiance des consommateurs ? Se peut-il que, pendant les fêtes, l’image des diamants soit associée au manque de communication et à la malhonnêteté ?

Roland Lorie s’interroge : « Si vous avez 10 000 dollars à dépenser, pourquoi achèteriez-vous des bijoux en diamants si vous n’êtes pas sûr de ce que vous obtiendrez ? » Oui, pourquoi ?

Le sujet peut aussi rapidement dévier vers des questions de contrôle. L’année dernière, de nombreuses discussions abordaient la vérification de l’origine des marchandises. Aujourd’hui, le contexte est politique, avec le blocage des marchandises provenant du Zimbabwe. Mais que se passerait-il si cette question prenait un sens beaucoup plus large et que l’on doive déclarer si une pierre est issue du sol ou d’un laboratoire ?

Les fabricants et les grossistes sont absolument opposés à la poursuite de la surveillance. Pourtant, s’ils continuent à agir ainsi, il est fort possible que les contrôles se retournent contre eux. En fermant les yeux sur la pratique du « saupoudrage des plis », ils scient la branche sur laquelle ils sont assis.

Non, ce n’est pas une bonne nouvelle du tout.

Après la publication de cette colonne jeudi 24 octobre, le vice-président du Gems & Jewellery Promotion Council (GJEPC) en Inde, Sanjay Kothari, nous a informés que le secteur indien du diamant, le Bharat Diamond Exchange (BDB) et le GJEPC engageaient des mesures pour lutter contre l’infiltration des diamants de laboratoire non déclarés dans des plis de diamants naturels.

Il y a plusieurs mois, ces deux organisations ont constitué le Natural Diamond Monitoring Committee (NDMC), qui a engagé, de manière discrète, le courtier Bonas pour leur présenter une étude sur les fabricants de diamants de laboratoire, les lieux, les coûts associés, etc.

Au cours de la deuxième étape de ce projet, le cabinet de conseil A. T. Kearny analysera en profondeur le secteur des pierres de laboratoire. Il cherchera à comprendre la portée et l’ampleur financière de la production de pierres de laboratoire clandestines. Il visera également à établir des politiques pour éviter leur introduction, sans déclaration, dans des plis de diamants naturels.

Ashish Mehta dirige le NDMC. Sanjay Kothari, le porte-parole de l’organisation, estime que les rapports seront prêts dans trois mois.

 Source Idexonline