Des bijoux personnalisés sur le marché de grande consommation

Rapaport

L’entretien en cinq minutes : Kent Wong.
Chow Tai Fook continue de pâtir d’une baisse de ses ventes et le ralentissement en Chine, et en particulier à Hong Kong, ne laisse présager aucune amélioration. [:]Kent Wong, le directeur général de la société, s’est entretenu avec Rapaport News pour présenter sa stratégie face aux habitudes d’achat changeantes des consommateurs et ainsi assurer sa croissance sur le long terme.

Rapaport News : Comment s’est passée l’année 2016 pour Chow Tai Fook ?

Kent Wong : Cette année a été difficile. L’économie mondiale reste incertaine, facteur qui pèse sur les achats. Nous pensons que la baisse de nos ventes ralentira au second semestre fiscal car nous partons d’une base en recul après le déclin des ventes l’année dernière.

La Chine est désormais un marché important pour les bijoux. L’ajustement était prévu, étant donné la période de croissance fabuleuse à laquelle nous avons assisté au cours des trois à cinq dernières années.

Que fait Chow Tai Fook pour aborder ce ralentissement ?

La faiblesse du marché n’a pas d’effet sur notre stratégie à moyen et long terme. Nous croyons à la Chine car son économie continue de progresser à un rythme d’environ 6 % par an.

Nous continuons de mettre en œuvre notre stratégie « Smart+ » que nous avons lancée en interne il y a trois ans. Elle définit notre façon de nous évaluer et de nous différencier pour offrir des produits et des services de la meilleure qualité qui nous aideront à atteindre notre objectif, celui d’être la marque la plus convoitée en Chine.

Toutefois, nous savons également qu’il nous faut nous adapter à un nouveau modèle de vente au détail. Nous cherchons à personnaliser notre produit et nos services pour répondre aux habitudes d’achat des consommateurs, en constante évolution.

Avant, c’était la publicité qui influençait les gens, aujourd’hui, ce sont les gens qui influencent les gens. Les membres de la génération Y sont parfaitement informés de ce que font leurs amis. Ils aiment partager et montrer ce qu’ils font sur les réseaux sociaux. Cela s’effectue principalement grâce à la technologie mobile, le moyen désormais le plus important de connecter entre eux les gens mais aussi les choses. Tout se fait instantanément, nous pouvons donc apprendre à capter ces messages instantanés.

Un autre facteur tient aux cycles de vie des produits, bien plus courts qu’avant : les tendances sont donc plus difficiles à prévoir. Les comportements d’achat changent, nous devons donc adapter notre modèle commercial.

Comment un grand détaillant comme Chow Tai Fook peut-il proposer des services de personnalisation à ses clients?

Nous avons lancé un programme destiné à attirer la demande de la génération Y grâce à la personnalisation. Nous avons développé un nouveau concept de boutique pour un type de clients différent, qui ne propose pas seulement un produit personnalisé, mais aussi une expérience. Parallèlement, nous continuons de renforcer notre cœur de métier pour attirer des clients dans nos chaînes et vers la production de grande consommation.

Assiste-t-on désormais à des regroupements dans l’espace de vente au détail des bijoux en Chine et à Hong Kong qui viennent inverser l’expansion agressive que l’on a connue avant 2015 ?

Nous avons mis un frein à notre programme d’expansion et ouvert 60 boutiques (nettes) l’année dernière, contre 150 à 200 boutiques chaque année avant cela.

En Chine, depuis 10 ans, la demande de bijoux en or et en diamants est phénoménale car les gens ont commencé à accumuler des richesses. Notre stratégie consistait à développer rapidement notre réseau de boutiques pour exploiter cette demande naissante.

Aujourd’hui, les gens sont mieux renseignés, ayant accès à davantage d’informations. Le mode de vie des consommateurs a changé. Ils dépensent différemment et s’intéressent plus aux expériences qu’au fait de cumuler des objets.

C’est pourquoi les voyages sont devenus le plus gros achat de luxe en Chine. Le tourisme a progressé car les gens veulent tester de nouvelles choses et découvrir des cultures différentes. Le deuxième plus gros poste de dépenses concerne les appareils électroniques et le troisième, les produits de soins. La consommation en Chine augmente donc mais en se diversifiant par rapport à il y a 10 ans.

Cela a-t-il eu un impact sur vos besoins en matière de stocks ?

Le plus important pour nous, c’est de maintenir des rotations de stock équilibrées. Nous détenions un stock très important il y a deux ans, nous avons donc mis en place des contrôles stricts et ralenti nos achats de brut et de taillé. Aujourd’hui, notre stock a repris son niveau moyen pour nos opérations à long terme. Cela signifie que nous ne nous réapprovisionnons qu’en fonction de la demande.

Y a-t-il moins de stock dans la filière ?

Oui et je pense que cette tendance va se poursuivre. Chaque secteur tente de réduire ses stocks et au final d’améliorer ses flux de trésorerie. Mais ce n’est pas la seule motivation. Le comportement des consommateurs évolue très rapidement. Il serait trop risqué de détenir trop de marchandises car les cycles de vie des produits raccourcissent et la tendance à la personnalisation s’installe solidement.

La nécessité de réduire les stocks a-t-elle influencé votre décision de fermer vos usines de taille au Botswana et en Afrique du Sud ?

Il s’agissait d’une décision stratégique. Nous détenions notre centre de taille en Chine depuis 1989 et c’est aujourd’hui notre principale usine. Il est logique de centraliser nos opérations afin d’exploiter de nouvelles sources d’efficacité et de devenir ainsi plus rentables. Nos diamants sont envoyés dans le centre de taille en Chine, par le biais de notre unité de fabrication de bijoux, puis sont commercialisés en Chine.

Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer votre programme de vente de taillé aux États-Unis ?

Nous étudions diverses façons de prolonger notre activité, non seulement en Chine, mais aussi en exploitant d’autres compétences, notamment dans le domaine des diamants, du design et de la fabrication. Notre modèle d’activité intégré est l’un de nos atouts. Il devrait stimuler notre expansion sur d’autres marchés, comme les États-Unis.

Est-ce un début pour vous en tant que détaillant ?

En fait, nous avons l’âme d’un grossiste car nous avons commencé comme négociant de taillé à Hong Kong. Aujourd’hui, l’activité de gros est très réduite car nous avons développé notre modèle de chaîne de boutiques. Mais nous disposons de l’expérience, des capacités et du réseau pour être un grossiste.

Nous nous sommes engagés sur le long terme pour développer l’activité de gros, que ce soit pour le taillé ou les bijoux, et mis sur pied une nouvelle division appelée « Total Jewelry Solution », qui est chargé de notre division de gros.

Il ne s’agit pas simplement d’offrir à nos clients des bijoux de grande qualité ou d’un bon rapport qualité-prix. Nous sommes en capacité d’offrir davantage.

Ainsi, par exemple, nous avons été les premiers dans l’industrie de la joaillerie à utiliser la technologie RFID pour surveiller les tendances et les préférences d’achat des consommateurs. Nous pouvons partager cette expérience avec nos clients du détail et leur offrir ce même genre de capacité.

Avez-vous des projets pour étendre vos opérations de détail aux États-Unis ?

Non, sur place, nous avons Hearts on Fire.

Hearts-on-fire-marketing2015

Pouvez-vous nous parler de l’actualité de Hearts on Fire ?

Nous disposons actuellement de 140 points de vente en Chine et de 19 à Hong Kong, qu’il s’agisse de boutiques indépendantes, de boutiques dans des espaces commerciaux ou de comptoirs dans des espaces commerciaux. Les clients aiment les produits Hearts on Fire car ils représentent le plus haut niveau de la taille des diamants. Le prix de vente moyen d’un diamant Hearts on Fire est le double de celui des diamants génériques à Hong Kong et le triple du prix moyen en Chine.

Le consommateur chinois voit Hearts on Fire comme une histoire américaine. La marque continue d’être gérée de façon indépendante par notre équipe américaine, du marketing au développement des produits en passant par les stocks.

Expliquez-nous votre programme de vérification de la source, les 4T.

Nous lançons actuellement un programme pilote pour ce projet et nous proposerons une campagne publicitaire à plus grande échelle avec un lancement en janvier.

La plus grosse crainte des consommateurs aujourd’hui est que leur diamant ne soit pas authentique. Nous en avons conclu que notre produit doit être transparent, traçable, réfléchi et authentique. Voilà l’origine de nos 4T (Transparent, Traceable, Thoughtful, Truthful).

Nous sommes une société intégrée verticalement. Donc, lorsque le brut, ou même le taillé, entre dans la filière de la société, nous pouvons le suivre tout au long du processus de fabrication. Nos usines disposent d’un système très sophistiqué, qui intègre toutes les étapes de la fabrication afin que nous puissions vérifier qu’il s’agit d’un diamant authentique et naturel, provenant d’une source éthique.

Nous inscrivons ensuite un repère sur le diamant, appelé la T-Mark, qui garantit aux clients que les diamants qu’ils achètent ont suivi un parcours très clair, transparent et traçable.

Chow Tai Fook

Chow Tai Fook pourrait-il envisager de proposer des bijoux en diamants synthétiques ?

Non. Cela ferait du tort à notre marque car la confiance est essentielle pour une marque de bijoux. Si vous perdez cette confiance et renoncez à vos engagements envers le client, vous perdez votre client.

Source Rapaport